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Pour apprécier un roman, le lecteur a- t-il besoin de s’identifier au personnage principal ?

Par   •  13 Février 2018  •  1 544 Mots (7 Pages)  •  931 Vues

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l’auteur, Maupassant, qui a fréquenté des prostituées et a valorisé souvent leur comportement/ Les réflexions pessimistes sur la nature humaine peuvent nous faire réfléchir et nous sommes d’autant plus déçus que l’héroïne est attachante et ne mérite pas ses voisins. De la même façon, Thérèse Desqueyroux dans le roman éponyme de Mauriac est attachante si on pense au propos de l’auteur : dénoncer la bourgeoisie étouffante bordelaise.

Cependant, il arrive qu’un roman plaise pour d’autres critères que l’identification au personnage principal.

Le plaisir de la lecture est dû aussi à d’autres facteurs.

En premier lieu, l’histoire racontée prime et le personnage principal est secondaire. Les travaux d’Haussmann dans la Curée et les amours illégitimes de Renée et de Maxime priment sur les personnages considérés comme peu attachants. Cette relecture du mythe de Phèdre dégradée n’entraîne pas d’adhésion pour le personnage principal, en revanche nous apprécions les affaires financières qui sont racontées. De même, dans les romans modernes, on s’attache plus au récit qu’au personnage, par exemple dans Eldorado de Laurent Gaudé, le récit des difficultés des migrants prend le dessus sur celles du personnage principal.

De surcroît, le cadre de l’histoire peut nous attirer davantage que le héros : le lecteur est sensible à la description des lieux, des paysages, qui lui rappellent éventuellement des souvenirs personnels ou le font rêver. Par exemple, les récits remplis de soleil de Giono rappellent la Provence et le lecteur aimera ces descriptions riantes et ce cadre idyllique, dans L’étranger de Camus, les baignades de Meursault et de Marie sur la plage d’Alger sont agréables à lire d’autant plus que le narrateur décrit une foule de baigneurs heureux des premiers jours d’été. Meursault n’est pas attachant mais le cadre décrit est très séduisant. Nous pouvons aussi rapprocher ces atmosphères ensoleillées de l’inverse : le cadre brumeux et mystérieux des romans anglais peut attirer le lecteur par une ambiance particulière. Par exemple, quand Jane Eyre rencontre Monsieur Rochester, le début de la nuit est aussi propice à la rencontre entre les deux personnages. Dans Le chien des Baskerville de Conan Doyle, la lande décrite est un facteur d’adhésion pour celui qui aime le mystère et la peur.

En outre, le personnage peut disparaître au profit d’une idée, d’une philosophie, d’un système de pensée : les idées de l’auteur priment et le lecteur adhère plus à ces idées qu’au personnage. C’est le cas de tous les contes philosophiques de Voltaire où les personnages même séduisants disparaissent au profit des idées de l’auteur. Prenons Zadig, héros persan du conte éponyme de Voltaire : il est certes attachant mais le lecteur va davantage réfléchir à la tolérance, au fait religieux, aux relations entre les hommes et les femmes ou à la Providence. Il se concentre sur les réflexions de l’auteur. C’est le cas de l’Alchimiste de Paulo Coelho où le personnage principal porte un propos philosophique : il faut aller vers ses rêves et les accomplir, le lecteur suit la quête du jeune héros et espère lui aussi accomplir ses rêves, le propos de l’auteur prédomine ici.

Enfin, le lecteur peut aimer un style et non un personnage. Qui ne connaît pas une personne qui « aime tel auteur » au-delà de ses histoires ? Certains vont se délecter des pages de Marcel Proust qui proposent un style fait de subordonnées complexes et emboîtées difficile à lire, d’autres aimeront la plume de Chateaubriand qui dans ses Mémoires d’Outre-tombe rappelle ses souvenirs de vie en un style poétique et brillant. D’autres vont saluer le travail de Flaubert, minutieux à l’extrême, précis et toujours juste, en recherchant cette ironie qui a fait son succès posthume, enfin, le style vif et percutant de Voltaire passionnera ceux qui aiment l’ironie mordante et l’intelligence aiguë et auront plaisir à le retrouver au fil de ses pages.

Ainsi, le lecteur quand il lit un roman a besoin de s’identifier au personnage principal mais ce n’est pas le seul facteur pour l’apprécier, d’autres critères peuvent être convoqués pour apprécier un roman comme le style, les idées et le cadre, l’histoire racontée. Parfois aussi, le lecteur peut passer outre le personnage plutôt négatif pour lui et se laisser séduire par le propos de l’auteur. Le roman est donc le fruit de plusieurs rencontres, qui ne sont pas conduites nécessairement par un personnage. D’ailleurs, aujourd’hui, ne sommes-nous pas plutôt portés par une histoire que par un personnage, en littérature comme dans les films ?

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