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Mille et mille fois, André Breton, Lecture Analytique

Par   •  25 Novembre 2017  •  1 922 Mots (8 Pages)  •  1 058 Vues

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Les métaphores associent le langage poétique à une « construction », une « maison ouverte », « une faille dans le roc », « un rideau métallique ». L’anaphore « c’est … » aux vers 29 et 30 laisse deviner la complication du travail. Le présentatif « c’est » annonce la difficulté en même temps qu’il la pointe explicitement.

Ces allusions au travail poétique expriment deux idées contradictoires : l’entreprise poétique est fondée sur le désir de communiquer (« je corresponds », v. 36) et de décrypter (« signes mystérieux», v. 1 « cache », v. 9, « cachent », v. 10) pour le lecteur les signes du monde (c’est l’image de la faille). Les « signes », si souvent cités dans le poème, sont comme des messages que l’inconscient qui parle dans le rêve enverrait, tels des indices sibyllins à décoder, en constante mutation : quand ils ne se reposent plus, ils cachent l’esprit ou apparaissent à la porte, possèdent des couleurs...

La mission du poète n’est pas chose aisée : le texte le suggère, grâce au champ lexical de l’obscurité « couvert », v.1, « soir », v.1, « nuit » v. 4, grâce à celui de la complexité : « mécanique », v.7, « rouage », v.8 « industrie », v. 22. L’écriture se fait délicate, « étrangement mesurée » (v. 35).

Les sonorités sourdes et fermées de la diphtongue « on » présente dans les termes « nombre », « onze » et « fond » aux vers 1 et 2 contrastent avec le son « ê » ouvert au vers suivant : « cette », « neige », « fait », « rêves », « rêves » : d’une part la difficulté, d’autre part la clarté qui s’oppose au sentiment éprouvé par le poète : il est le seul à être affecté par ces messages obscurs qui laissent les autres indifférents (c’est le « rideau métallique »), ceux qui ne savent pas « lire ». Le poète, seul initié, se fait ici encore voyant, il va éclairer les hommes de sa lumière.

Breton affirme la vocation subversive parce qu’insolite et innovante, mais aussi toujours « communicante » de la poésie entre le monde du réel et celui du rêve, et sa capacité libératrice. Enfermé dans sa maison, le lecteur accueillera peut-être la voix du poète, entendra le message ouvrira sa fenêtre, se libérera comme le montrent les expressions renvoyant au lecteur : « l’appui de votre fenêtre », « les prisonniers du monde », « lire ».

Le texte est un art poétique paradoxal. Il n’est pas un rassemblement de règles établies mais invite à une attitude créatrice tout en doutant du pouvoir de la poésie. La seule règle est d’être intérieurement libre et de laisser parler la voix qui est en nous et dont l’écriture automatiquement note les images et les mots. Le texte fait disparaître les jalons logiques qui assureraient la continuité du sens d’un vers à l’autre, pour faire entendre une voix, tantôt assurée, tantôt fragile, tantôt harmonieuse, tantôt chaotique, où la parole et la pensée se risquent, s’improvisent.

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