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Fiche de Lecture, Paul Célan

Par   •  3 Octobre 2018  •  1 532 Mots (7 Pages)  •  570 Vues

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Traits caractéristiques du recueil :

Les espaces blancs entre les mots, les vers, constituent non seulement une respiration destinée à faire réfléchir le lecteur, mais également une marque de l’absence. Le lecteur peut interpréter ces signes comme une volonté d’oublier, une forme de négation de l’horreur, mais il s’agit, par le non-dit, ou par la fragmentation du discours, de se replacer dans une communauté. On remarque d’autre part une difficulté à utiliser la langue allemande, source de remémorations éprouvantes. Dans la troisième strophe de « Fugue de la mort », on constate ces blancs, on ne comprend pas immédiatement le passage d’un vers à l’autre, si on ne sait pas qu’il s’agit d’oublis volontaires de l’auteur :

« Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit

nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir

nous buvons et buvons

un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete

tes cheveux de cendre Sulamith il joue avec les serpents »

La fin du troisième vers de cette strophe montre bien cette pause dont nous parlions plus haut, pour que le lecteur puisse réfléchir et tenter d’interpréter, de saisir le cri de douleur de Celan. Dans le même temps, Celan marque ici un blanc, car il ne peut transmettre cette mémoire juive exterminée.

Toujours dans cette strophe, on remarque un autre trait caractéristique du recueil, en ce qui concerne la langue de Celan. En effet le poète cherche à rendre compte de la mémoire des camps d’extermination juifs, qu’il n’a pas vraiment connu. Pour lui, la seule manière de pouvoir restituer cette mémoire c’est d’utiliser la langue allemande, celle qui a commit le crime. Il ne s’agit pas pour lui de comprendre ce qu’il n’a pas vécu, ou même de le faire comprendre, mais plutôt de le saisir au plus près la mémoire juive d’Europe exterminée. Celan a hérité de cette culture de la population juive d’Europe, et c’est pourquoi la langue avec laquelle il est écrit ses poèmes n’est propre qu’à lui-même, elle est composée en majorité d’allemand de Bucovine (sa ville natale en Roumanie), mais elle contient aussi des références en hébreu ainsi que des mots allemands qu’il a lui-même inventé. Pour illustrer notre propos on peut donc reprendre les deux derniers vers de cette deuxième strophe :

« un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete

tes cheveux de cendre Sulamith il joue avec les serpents »

Ici, par opposition aux « cheveux d’or » de Margarete, Celan pose les cheveux de cendre de Sulamith, ce qui est une référence explicite à la mémoire de la Shoah. Cependant, le mot Sulamith est avant tout une référence biblique. C’est un personnage du Cantique des Cantiques, un passage de la bible assez poétique, récité lors de la pâque juive. L’évocation de ce nom est donc un moyen pour Celan de « purifier » la langue de ses bourreaux par sa culture juive. De plus, les cheveux sont des thèmes récurrents dans les poèmes, comme nous l’avons dit plus haut, qui réfèrent ici, on peut le supposer, au gris, ainsi qu’au deuil.

Celan utilise une langue abrupte, marquée par une ponctuation plutôt dure, et une marque de l’impératif évidente, les mots sont pour Celan des pierres qu’ils jettent sur un passé, ce sont des cris, et l’écriture morcelée témoigne de cet épisode dont il souhaite à la fois faire la mémoire et exprimer sa douleur, comme on peut le voie dans la quatrième strophe de son poème « Corona » :

« Nous sommes là enlacés dans la fenêtre, ils nous regardentdepuis la rue :il est temps que l’on sache !Il est temps que la pierre se résolve enfin à fleurir,qu’à l’incessante absence de repos batte un cœur.Il est temps que le temps advienne.

Il est temps. »

Bien que le début du poème fasse allusion à deux amants, cette quatrième strophe est une rupture

avec cette allusion très claire. La répétition d’ « il est temps » marque la volonté d’exprimer une douleur, que le poète ne veut plus ressentir : « qu’à l’incessante absence de repos batte un coeur ». Enfin, on remarque un ralentissement du rythme à la fin du poème avec le dernier vers, « il est temps », qui dénote l’essoufflement du poète après son cri. Même au milieu d’un idéal, ici amoureux, Celan ressent la douleur que lui a causé la Shoah.

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