Commentaire education sentimentale Flaubert II,1
Par Orhan • 22 Novembre 2018 • 3 846 Mots (16 Pages) • 648 Vues
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On peut véritablement parler ici d’une hypotypose. Les assonances en [i] et [a] marquent le vocabulaire péjoratif (« ignobles », « immondices », « sale », « flaques ») employé et accentué par des suffixes privatifs qui retracent le dégoût, l’écoeurement de Frédéric. Les « immondices » renvoient aux débris de l’économie domestique.
II.
« De longs cabarets couleur sang de bœuf, »
Début d’une évocation qui concerne à la fois le passé et le présent de Frédéric, les deux se synthétisant dans le paysage. L’adjectif « longs » semble d’ailleurs étendre le temps dans la continuité du paysage.
Le Littré nous rappelle qu’un cabaret à cette époque est une « sorte d’auberge d’un rang inférieur où l’on vend du vin en détail et où se rendent les petites gens ». Image sinistre d’un lieu où semblent se dégrader les mœurs du temps. Flaubert les a décrit comme « ignobles » dans son carnet. Ils sont ici animalisés par leur couleur « sang de bœuf ».
OCCURRENCES DU SANG DANS L’EDUCATION SENTIMENTALE
Passé de Frédéric :
- Le sang qui monte au visage de Frédéric : « Alors, un flot de sang lui monta au visage »
- Melle Vatnaz qui fait la moue à Arnoux : « Et elle lui faisait la moue, en avançant ses grosses lèvres, presque sanguinolentes à force d'être rouges. »
Futur :
- La Sphinx qui crache du sang : « Tout à coup ses joues s'enflèrent, et, ne résistant plus au sang qui l'étouffait, elle porta sa serviette contre ses lèvres. »
- Le duel avec Cisy et la boite de Regimbard : « Elle contenait, sur un capitonnage de basane rouge. quatre épées charmantes, [...] et elles parurent à Cisy briller comme des vipères d'argent sur une mare de sang. »
- Le souvenir de Dussardier à 15 ans : « il avait vu des soldats la baïonnette rouge de sang, avec des cheveux collés à la crosse de leur fusil »
- La Révolution : « l’eau de la fontaine crevée se mêlait avec le sang, faisait des flaques par terre », « une bataille épouvantable ensanglantait Paris », « de petites flaques noires, en de certains endroits, devaient être du sang. »
- Dussardier : « Une goutte de sang lui coulait sur la joue, et, aux questions des deux autres : - Oh ! rien ! l'éraflure d'une baïonnette ! »
- La prison des Tuileries : « Ils étaient là, neuf cents hommes, entassés dans l'ordure, pêle-mêle, noirs de poudre et de sang caillé grelottant la fièvre, criant de rage », « La lampe suspendue à la voûte avait l'air d'une tache de sang »
- M. Dambreuse : « cracha le sang abondamment », « un peu d'écume sanguinolente marquait les coins de sa bouche. »
« portaient à leur premier étage, entre les fenêtres, deux queues de billard en sautoir dans une couronne de fleurs peintes. »
Tout ici est artificiel : les queues de billard qui sont des symboles mises au profit d’une publicité sociale, les fleurs sont « peintes » : image d’une société tentatrice qui trompe le réel pour le rendre attirant. On peut également relever l’incongruité d’une telle association (fleurs + queue de billard).
« ça et là une bicoque de plâtre à moitié construite était abandonnée. »
Déictiques pour le moins flous : « ça et là » retraçant le mouvement de la pensée de Frédéric.
On apprend que les ruines évoquées dans la première phrase n’ont rien de prestigieux, ce ne sont pas les vestiges d’une gloire passée, mais la faible ébauche de maisons chétives, de « bicoques » délabrées, de surcroît « de plâtre » et laissées à l’abandon. Image de désolation.
« Puis, la double ligne de maisons ne discontinua plus ».
« Puis » marqueur d’une progression à la fois temporelle et spatiale puisque le temps avance en même temps que la diligence. « Discontinua » a pour sens ici : ne plus avoir de suite → idée d’un paysage qui se prolonge indéfiniment, à tel point qu’il devient une « ligne » à lui tout seul et cela en raison de l’uniformité des maisons des faubourgs parisiens qui, comme l’écrit Flaubert dans son carnet « sont généralement basses et se suivent ». L’image associe paysage et déplacement, créant un effet cinématographique de travelling (bien que le terme soit évidemment anachronique).
« et, sur la nudité de leurs façades, se détachait de loin en loin, un gigantesque cigare de fer blanc, pour indiquer un débit de tabac. »
Le dépouillement des façades s’oppose à l’adjectif hyperbolique de « gigantesque » qui accentue la dimension métonymique du symbole (il renvoie à la vente d’une marchandise). Les enseignes qui se suivent au bord de la route, jouent un rôle important : le cigare de fer blanc, la queue de billard, les affiches diverses suggèrent un monde où la réclame règle le désir, où l’artifice prime et où le passant est soumis à la tentation de tomber dans le loisir et la débauche, dans la trivialité des lieux définis par leurs couleurs criardes.
« Des enseignes de sage-femme représentaient une matrone en bonnet, dodelinant un poupon dans une courte-pointe garnie de dentelles. »
Sonorités douces, maternelles [n], [d] rendues ridicules par le verbe « dodeliner ». Mêmes les amours parisiennes auxquelles le héros se destine semblent d’avance discréditées : les matrones correspondent mal à une notion exaltée de l’amour dans l’esprit de Frédéric. Ici, c’est le FUTUR de Frédéric qui défile devant ses yeux et notamment le passage où il se rend « Au coin de la rue de Marbeuf, il lut sur une planche en grosses lettres : " Maison de santé et d'accouchement tenue par Mme Alessandri, sage-femme de première classe. ex-élève de la Maternité, auteur de divers ouvrages, etc. " Puis, au milieu de la rue, sur la porte, une petite porte bâtarde, l'enseigne répétait (sans le mot accouchement) : " Maison de santé de Mme Alessandri ", avec tous ses titres. »
« Des affiches couvraient l’angle des murs, et, aux trois quarts déchirées, tremblaient aux vents comme des guenilles »
Le
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