Chapitre X, L'assaut, Eldorado, laurent Gaudé
Par Raze • 6 Septembre 2018 • 980 Mots (4 Pages) • 2 462 Vues
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l’action. En effet, la scène augmente d’intensité et de rapidité : coups de feu, « Des corps tombent », sauvetage de Boubakar, reprise de l’ascension, la panique et la cohue.
Puis, l’action semble se ralentir dans un temps démultiplié : « je n’ai plus de forces et me laisse tomber. Je chute. Je sens l’impact dur du sol. Les genoux qui me rentrent dans le ventre. ». Le dénouement, il a passé la 1ère grille.
La fin de l’extrait rend compte de l’exploit qu’ils viennent d’accomplir. La comparaison « Je le sens respirer comme un gibier après la course » (l. 23-24) dit leur épuisement à la mesure de l’effort qu’ils viennent de fournir, mais aussi la manière dont ils sont traités : comme des bêtes. La métaphore « une force de titan » (l. 25) oppose cette condition animale au sentiment pour le narrateur de s’être métamorphosé en divinité. La métonymie « J’ai sauté sur l’Europe » (l. 25), redoublée par les métaphores hyperboliques « sauté pardessus des montagnes », « enjambé des mers » (l. 26), traduit l’euphorie d’une apparente réussite, euphorie à la dimension de l’obstacle franchi.
Pour autant, la fin du texte propose une prolepse inquiétante qui ouvre, pour le lecteur, sur une nouvelle attente angoissante : « Nous ne nous doutons pas que le pire est à venir. ». Sur le plan narratif, le procédé relance le questionnement du lecteur et le conduit à élaborer de nouvelles hypothèses quant à l’orientation du récit, quant au destin des deux personnages jusqu’ici solidaires
Le puissant lien qui unit Soleiman et Boubakar est visible à travers le sauvetage immédiat dans lequel se lance le jeune soudanais « je vois Boubakar » - « il ne bouge plus. Il est accroché aux barbelés » - « Je ne réfléchis pas. Je descends dans sa direction. ». L’instant est crucial, l’échec n’est pas permis or il n’hésite pas à rebrousser chemin pour venir en aide à son compagnon. Cette solidarité est remarquable et indique une certaine affection.
Après le passage de la 1ère grille, le soulagement est grand et la narrateur insiste sur la présence de son ami « Boubakar est à mes côtés. », cette courte phrase n’est pas qu à prendre au sens propre. Soleiman et Boubakar sont unis dans l’adversité, la difficulté. Boubakar occupe la place du frère perdu. L’emploi du nous « Nous sommes tous les deux là. » confirme bel et bien cela.
Synthèse : L’ensemble donne l’impression forte d’assister à un reportage en direct, angoissant, à l’issue incertaine. Laurent Gaudé bâtit son roman sur une réalité contemporaine : les drames de l’immigration. Il confronte Soleiman, personnage de fiction, aux mêmes réalités que les acteurs réels dont les propos résonnent clairement dans ce passage. Il n’est qu’à se référer au témoignage de George paru dans Courrier international du 27 mars 2014 pour s’en convaincre : « Ça a été un saut difficile […] d’abord une barrière puis une autre… Quand on arrive à la dernière, on est déjà épuisé. » Nul mystère à cela : les témoignages des migrants sont très nombreux et ils ont ainsi nourri la construction des personnages romanesques.
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