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Sujet d'invention, La Fontaine

Par   •  14 Septembre 2018  •  1 452 Mots (6 Pages)  •  366 Vues

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quelques-unes de [ses] pensées à des réflexions sérieuses ». Eh bien, « tout cela se rencontre [dans mes fables] ». En apparence puérile, elles enseignent des « vérités importantes ». Elles ensemencent la vertu et nourrissent l’âme enfantine. Je ne cherche pas dans mes écrits à faire peur aux enfants mais plutôt je les aide à se repérer dans le monde. Mon bestiaire, pâle copie des hommes, prépare les enfants à rencontrer la société. Et je n’ai pas d’autre mérite que de leur apprendre ce qu’est « un lion, un renard, ainsi du reste » pour développer chez eux le goût de la variété et la connaissance de nos voisines les bêtes. « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes » et pour amuser les enfants.

Pour être sur vos pas, mon cher confrère, je ne peux me limiter à amuser seulement. A travers mes fables, leurs histoires de bêtes, j’initie la gente infantile à la réflexion, au beau langage et à la sagesse. Vous me reprochez « [d’] achete[r] l’agrément aux dépens de la clarté » mais n’est-ce pas dans un souci de bienveillance que je les instruis des choses de la vie et que je les invite à ne pas ressembler à leurs pairs ? Je vous le dis encore « par les raisonnements et conséquences que l’on peut tirer de [mes] fables, on se forme le jugement et les mœurs, on se rend capable de grandes choses. » Ainsi, la vertu de mes fables réside dans leur structure : récit vivant associé à une leçon, et que parfois il faut deviner soi-même lorsqu’elle est implicite. La fable est une invitation à la réflexion.

Enfin, « Emile n’apprendra jamais rien par cœur, pas même les fables, pas mêmes celles de La Fontaine » dites-vous, et vous optez pour une solution radicale : lui ôter tout contact avec ma poésie. Mais empêcher Emile de lire la moindre fable est tout aussi ridicule que de lui donner à lire mes douze livres ! A cette solution extrême et qui vous caractérise mon cher ami lorsqu’il s’agit de l’éducation des enfants, je vous répondrai mesure, bon sens et accompagnement. Vous semblez en effet oublier qu’une éducation se construit avec des précepteurs ou des spécialistes de l’instruction qui jouent un rôle pédagogique indéniable : l’adulte ne peut-il lire les fables avec l’enfant et, par un dialogue bien mené, expliciter ce qui n’est pas saisi, rectifier les mauvaises interprétations, ouvrir la voie de la compréhension? Le père que vous êtes aura à cœur de sélectionner les fables qui siéront bien à l’âge de vos enfants pour leur épargner une vision dure du monde. Cependant votre Emile grandira et pourra alors suivre « le monde comme il va » pour s’en faire une idée plus appropriée à son entendement. Mon cher Rousseau, laissons là les querelles et les désaccords intellectuels car lorsque vous criez haro sur mes fables pour les belles âmes de nos enfants, d’autres que moi peuvent vous condamner d’avoir abandonné les vôtres ?

Non Monsieur Rousseau, je ne compromets nullement l’avenir de la vertu chez les plus jeunes ni ne cherche à les éduquer dans le mensonge et la bassesse. Levez votre censure sur mes fables et convenez que bien exploitées, elles conviennent aux enfants et qu’elles constituent une sorte d’alphabet de l’humanité, un patrimoine littéraire. Les enfants du futur seront bien chagrins s’ils ne connaissaient que votre instruction et ignoraient le plaisir de s’amuser par mes fables. J’aime mieux penser que vous êtes « homme à paradoxes qu’homme à préjugés » lorsque vous dites, toujours dans votre ouvrage, qu’il faut « tenir oisive l’âme [de l’enfant] aussi longtemps qu’il se pourra ». Enfin, vous déclarez vous-même que « [vous] promet[tez] de [me] lire avec choix, […] de [vous] instruire dans [mes] fables ». Ah ne sommes-nous pas toujours des enfants en notre for intérieur et qui ont toujours besoin d’être égayés ? Je le crois à dire vrai et je dois avouer que l’apologue a bien des séductions pour vous confesser que « […]moi-même, [a]u moment où je fais cette moralité,

Si Peau d’Âne m’était conté, [j]’y prendrais un plaisir extrême. »

Je vous salue et reste votre humble et dévoué serviteur,

Jean de La Fontaine

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