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Lecture analytique incipit de l' Etranger Camus

Par   •  10 Octobre 2018  •  2 673 Mots (11 Pages)  •  684 Vues

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2. Le personnage

Nous avons des informations sur le personnage qui correspondent aux attentes : sa mère est décédée « Mère décédée » (ligne 3), il a un travail, c’est un salarié et est donc plutôt modeste « patron » (ligne 12), il n’a pas un poste de responsabilité car il doit demander l’autorisation au patron pour aller à l’entrainement, « J’ai demandé deux jours de congé » (ligne 11-12).

Nous pouvons en déduire que s’il a l’habitude d’aller manger au restaurant de ses amis « au restaurant, chez Céleste » (ligne 27-28), s’il doit emprunter une cravate à un ami « pour lui emprunter une cravate noire et un brassard » (ligne 33-34), c’est qu’il n’est probablement pas marié et célibataire. Il a également des amis : « Céleste » (ligne 28-29), « Emmanuel » (ligne 33).

Nous avons donc des informations qui caractérisent le personnage et qui le mettent en cohérence avec le cadre spatiotemporel. Il s’écrit naturellement dans ce cadre.

3. La mise en place d’une intrigue

Il y a une action pathétique qui se met en place dès la 1ère ligne « Aujourd’hui maman est morte » il s’agit d’un événement important qui va en entraîner d’autres : le personnage doit faire un voyage, certes court mais il prend l’autobus, il va chercher une cravate. On est alors dans un incipit in medias res (au milieu des choses) : les romanciers naturalistes, tel que Zola, utilisent souvent cela pour plonger tout de suite le lecteur au cœur d’une action qui va l’intéresser.

Cet incipit répond donc aux questions que se pose le lecteur à savoir qui, quand, où, quoi.

II. Les éléments déroutants

1. Le style.

L’incipit est monotone. Il y a beaucoup de phrases courtes notamment de la ligne 1 à 5 avec le télégramme « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » (ligne 3-4). C’est le degré zéro de l’écriture car elle est très sobre.

Il y a peu de connecteurs logiques, peu de phrases avec des subordonnées, peu de tournures expressives. L’écriture est plate, très minimale. Le style n’est pas littéraire car nous n’avons pas le fond et la forme comme habituellement mais uniquement la forme. L’absence de passé simple remplacé par le passé composé est bizarre car il s’agit plutôt un temps de l’oral.

2. Narration

Le récit est mené en focalisation interne et nous sommes est en narration homodiégétique (le narrateur correspond au personnage). Cependant, l’auteur, Camus, puisque nous ne sommes pas dans une autobiographie n’est ni Meursault ni le narrateur. Cela existe dans le roman traditionnel également mais les effets que Camus tire de cette narration homodiégétique ne sont pas conventionnels.

Si on compare les deux premiers paragraphes aux deux suivants, on se rend compte qu’il y a une variation au niveau des temps et une rupture.

Dans paragraphe 1, le récit est fait au moment même de l’action : « Aujourd’hui » et dans deuxième paragraphe, le récit au futur : « Je prendrai l’autobus à deux heures » (ligne 9) malgré l’analepse où il évoque sa réunion avec le patron. La narration est quasi-simultanée à l’action et se situe un jeudi avant deux heures. Ce récit s’apparente à/est écrit comme un journal intime. C’est un élément d’étrangeté car c’est un roman.

Aux paragraphes 3 et 4 : le futur va disparaitre, on a une domination du passé composé. Le récit semble être écrit postérieurement au voyage. C’est un récit de type rétrospectif.

La rupture nous oblige à nous demander, quand il faut situer le moment du récit par rapport à l’action. Des indices laissent à penser que tout est écrit après le meurtre pendant que Meursault est en prison, mais si on reprend le début du chapitre 3, nous retrouvons le « Aujourd’hui » qui laisse à penser que la narration est quasi-simultanée à l’action.

Il y a un certain flou sur le moment de la narration. Soit la fin du chapitre 1 est postérieure au crime, mais cette hypothèse est contredite par le retour d’une narration quasi contemporaine de l’action (simultanée) à partir du chapitre 3, soit il raconte l’histoire au fur et à mesure. On ne sait pas situer le moment de la narration.

3. Le personnage

a. Un personnage qui fait preuve d’une étrange indifférence.

Au paragraphe 1, Meursault fait le constat de la mort de sa mère avec le terme affectif « maman », le lecteur s’attend à un registre pathétique et à l’introduction d’un lexique affectif. Cependant, il n’y a pas d’évocation de ses sentiments. L’affectivité du personnage est comme anesthésiée. Il n’y a pas de pathos malgré l’événement pathétique annoncé.

Dans un premier temps, on a tendance à se dire qu’il est sous le choc, qu’il réagit de manière automatique. C’est une explication possible mais cela n’empêche pas qu’il n’y a pas que l’indifférence à la mère qui est déroutante . Le personnage semble intrigué mais cela n’est pas relié à un moment affectif. En effet, sa réflexion se centre sur la date. Son ton reste la même et il est froid.

L’affectivité apparait seulement chez Céleste quand ses amis lui font part de leur compassion. Mais Meursault n’en profite pas pour faire part de ses sentiments. Dans la phrase « Ils avaient tous pour moi », le mot « pour » semble avoir pour sens à la fois « pour le destinataire » et « à la place du destinataire ». La peine qu’il devrait ressentir, est éprouvée par ses amis. Les expressions cyniques/inhumaines montrent son indifférence, il n’y a pas d’enjeu affectif : (« une excuse pareille » (ligne13), « affaire classée » (ligne 24).

b. Un personnage marqué par ses sensations.

Si le personnage semble dénué de sentiments, il est marqué par ses sensations. Le paragraphe 4 comporte une phrase plus longue en rythme ternaire qui rompt avec la syntaxe minimale : « Cette hâte, cette course, c’est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l’odeur d’essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi » (ligne 37-40). Il y a plusieurs sensations mélangées « une odeur d’essence » ce qui stimule l’odorat, « la réverbération de la route et du ciel » ce

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