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Lecture analytique de "Marine", Paul Verlaine, Poèmes saturniens

Par   •  18 Avril 2018  •  1 442 Mots (6 Pages)  •  5 045 Vues

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- Une tempête décrite comme monstrueuse

Dans le poème « Grotesques » à la fin de cette section « Eaux-fortes », Verlaine s’amuse à décrire des personnages mi-humains, mi-animaux. On retrouve discrètement cette image du monstre dans le poème « Marine » pour faire le tableau d’une tempête « brutal[e] et sinistre » (v. 6)

2-1) Un monstre marin brutal

La poésie touche ici au registre fantastique pour décrire la tempête comme un monstre marin (le Kraken ?)

- La personnification des éléments qui composent la scène

« la lune en deuil » v. 3 ; « l’ouragan erre » v. 15 → des personnifications plus anodines

« L’Océan palpite » v.1 (attention, dans certaines éditions le nom comporte un O majuscule, dans d’autres non), verbe répété v.3 → verbe utilisé pour le cœur, l’océan est un personnage au cœur de cette scène ; les vagues font « des bonds convulsifs » → la tempête est une maladie qui agite brutalement un corps.

« Rugit le tonnerre » v. 14 → animalisation de la tempête qui est un fauve.

- Le poète agit ici comme un dramaturge qui donne vie à une scène en faisant parler et se mouvoir des personnages violents.

- Un monstre marin fantastique

Sous l’Océan qui « palpite » et les vagues convulsives, ne peut-on pas imaginer un monstre marin qui se réveille pour « rugir » et engloutir tout sur son passage ?

2-2) Le monstre en « moi » ? (la première personne désigne ici le poète)

Le dernier vers qui révèle le poète caché jusqu’alors nous rappelle que ce paysage est peut-être un reflet de son état d’âme

- Le poète, témoin caché dans cette scène

La chute du poème révèle une présence jusque-là insoupçonnée.

v. 16 « Formidablement » → à la fin de la longue phrase qui constitue le poème apparait un adjectif modalisateur* qui révèle le jugement porté sur cette scène maritime par le poète. Si la tempête fait penser à des manifestations d’une colère violente, le poète apparaît ici comme fasciné par le spectacle.

Assonances en « an » dans le Q5 → effet de musicalité plutôt agréable qui contraste avec la violence du reste de la scène.

- Cette présence discrète du poète nous met sur la voie d’une autre interprétation : cette scène pourrait être une scène intérieure, imaginaire et rêvée pour décrire un état d’âme (= le monstre du Malheur en lui). ATTENTION : cette interprétation est difficile à soutenir et nécessite l’appui sur des éléments extérieurs :

- Une scène de cauchemar ?

Le poème qui précède « Cauchemar » est une longue énumération de scènes vues en rêve par le poète, le v. 2 précise « Tel l’ouragan sur la grève » → s’agit-il dans le poème suivant « Marine » de la description de cet ouragan vu en cauchemar ?

- Un paysage état d’âme ? (voir aussi poly distribué)

Le titre + le poème liminaire + la première section ont annoncé un recueil où la couleur noire est synonyme de mélancolie → la nuit agitée pourrait ici est une image métaphorique des tourments intérieurs qui minent le poète ? L’image du navire perdu dans la tempête avait déjà été utilisée pour décrire un état d’âme à la fin du poème « L’Angoisse » (fin de la section 1, « Melancholia »).

Verlaine utilise sans doute cette scène pour dire sa colère, son angoisse, ses tourments profonds ?

Conclusion

- Bilan

Pour répondre à la question « Comment Verlaine parvient-il à évoquer une tempête marine violente dans un poème aussi court ? », nous avons d’abord montré que le poète s’attache à peindre un tableau non seulement visuel, mais aussi vivant et mouvant pour placer le lecteur au cœur du spectacle. Nous avons ensuite proposé d’analyser les nombreuses personnifications présentes dans le poème comme la description fantastique d’un monstre marin brutal et effrayant. Nous avons enfin souligné le fait que ce monstre peut être vu comme une vision intérieure du poète qui décrit par la métaphore son état d’âme tourmenté par un paysage maritime tempétueux.

- Ouverture

Le titre de la section « Paysages tristes » fait référence à cette utilisation du paysage pour décrire un état d’âme. Le premier poème de cette section, « Soleils couchants », est caractéristique de ce procédé : le crépuscule du soir apportant le noir sur le monde est le signe de la mélancolie.

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