La tâche du romancier ne consiste-t-elle qu'à refléter le réel? Ne se réduit-elle qu'à une simple reproduction quasiment photographique du réel?
Par Andrea • 28 Septembre 2018 • 1 584 Mots (7 Pages) • 666 Vues
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en lui offrant une image idéalisée de la nature humaine. Le roman peut également faire le don de grandes qualités physiques et d’une condition à son héro. Dans l’Antiquité, les épopées présentaient des personnages surhumains, demi-dieux comme dans l’Odyssée ou l’Iliade d’Homère. Le personnage d’exception a des qualités très positives, il est dans la plupart des cas, exceptionnellement bon, à l’image de Jean Valjean dans Les Misérables de Victor Hugo. Ainsi nous pouvant soutenir la thèse selon laquelle les romans ne sont pas toujours de simples imitations du réel, on pourrait penser que les personnages de ceux-ci sont perçus à travers un miroir déformant qui flouterait leurs défauts et laisserait place au meilleur de leur personne.
De plus, la création romanesque comme nous le remarquerons, se caractérise par une grande liberté d’écriture. Parfois les auteurs usent du fantastique pour créer un monde, une atmosphère particulière. Les romans de science-fiction ou les romans merveilleux s’inspirent en partie du réel, ils peuvent créer des sociétés imaginaires, des êtres dotés de pouvoirs ou bien remonter le temps ou l’accélérer à leur guise. Certains romans jonglent entre le réel et l’imaginaire en introduisant des éléments merveilleux au sein d’un cadre réaliste. C’est le cas dans La Vénus d’Ille, de Mérimée, suite à la découverte d’une Vénus romaine en bronze enfouie dans le sol d’une propriété, de nombreux drames se succèdent et semblent avoir étés causés par cette statue d’une merveilleuse beauté, à l’expression cruelle et malveillante. Ou encore dans La Peau de chagrin de Balzac où il narre l’histoire d’un jeune aristocrate désespéré qui reçoit une peau d’onagre miraculeuse et maléfique.
La tâche du romancier peut donc aussi consister à faire rêver le lecteur et à explorer le champ de l’imaginaire. En tant que création artistique, le roman semble finalement être davantage un recréation du monde, qu’une simple imitation du monde. Le statut des personnages de roman et donc plus complexe qu’il n’y paraît.
Enfin on peut également définir le roman comme une recréation du monde. Dans laquelle on peut premièrement voir transparaître la vision personnelle du romancier sur le monde et son geste créateur, partie indispensable de l’écriture, procédant d’un regard unique sur les choses. La façon dont le personnage est présenté dépend de ce que l’auteur veut exprimer.
Dans un premier temps, il est nécessaire de préciser que le roman n’est pas une simple photographie du monde, il porte et exprime une intention, le dessein de l’auteur. Il crée ainsi une intrigue et des personnages qui vont illustrer sa vision des choses. Camus avec La Peste crée un roman aux allures réalistes, cependant nous noterons que la ville d’Oran n’a jamais connu d’épidémie de peste dans les années 1940. La maladie serait en fait la dimension d’une allégorie de la guerre. Le romancier prend des décisions et oriente son texte sur le ou les thèmes qui l’intéressent vraiment. Ainsi, même le romancier qui a un projet réaliste ne se contente pas de retranscrire purement le réel, il fait naître, par son écriture singulière, une création artistique propre à lui même.
De surcroît, l’existence d’un monde romanesque ne saurait exister sans le geste créateur du romancier. Par son regard, l’écrivain peut être mené à métamorphoser un personnage, on peut notamment penser au personnage de Gouget, figure de l’ouvrier dans L’Assommoir de Zola où il est pris en charge par le regard de Gervaise et va alors se métamorphoser successivement en un héros courtois, un surhomme et enfin en un dieu par le biais d’une description très complète de son travail de forgeron et par l’abondance de figures d’analogie et d’hyperboles. De façon plus prononcée, le personnage vieilli du duc e Guermantes donne lieu à bien plus qu’un portrait de vieillard, Proust lui donne une dimension poétique et allégorique, en l’apparentant à un rocher dans les tempêtes ou à un buste antique. Le vieux duc devient, par la transfiguration analogique, figure de la vie finissante et de notre angoisse de la mort.
La réalité, en matière romanesque, est donc une pure chimère. Le romancier cherche à faire naître un univers qui, sans la puissance du style, ne serait qu’ « une espèce de déchet de l’expérience ». (Proust)
In fine, l’’écriture romanesque implique donc nécessairement un rapport avec le réel, l’objectif premier des Réalistes et Naturalistes étant de se rapprocher au mieux de la réalité en prenant soin de mettre en évidence les vices de la société. Mais ne peut se réduire à cette seule et unique fonction. L’écrivain est libre de ses choix et peut décider de s’en rapprocher ou bien à l’inverse, d’inventer un monde éloigné de nos références communes. Quoi qu’il en soit, la dimension artistique et poétique de la création romanesque ne peut être dissociée de la démarche de l’écrivain.
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