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L princesse de Clèves, scène du bal, lecture analytique

Par   •  11 Octobre 2018  •  2 136 Mots (9 Pages)  •  585 Vues

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C .Beauté hyperbolisée et conventionnelle

Les personnages ne sont pas décrits ; leur beauté reste conventionnelle et presque abstraite (« sa beauté et sa parure », « fait d’une sorte », « l’air brillant qui était dans sa personne »), suscitant l’admiration générale. On retrouve ici la volonté de Mme de Lafayette de ne pas céder au pittoresque inutile en détaillant costumes, coiffures ou bijoux: ce qui l’intéresse, c’est uniquement le retentissement psychologique de la scène. Ce procédé contribue également à l’idéalisation de personnages hors du commun : leur beauté est tellement exceptionnelle qu’elle n’a pas besoin d’être décrite.

D. Le coup de foudre,

Conformément à la tradition précieuse, il naît du regard, de la vision de la prestance et de la beauté : pas question ici de qualité morale, mais, dans ce contexte, la beauté physique est souvent le reflet de celle de l’âme. On peut noter que rien n’est dit sur la danse et la proximité des corps, sans doute par souci des bienséances. Les seules manifestations « tolérées » sont la surprise (à noter le parallélisme « surprise » / « surpris ») et l’admiration : sous ces deux termes, il faut lire le trouble qui vient perturber les conduites conventionnelles et codifiées. Il y a donc un certain « ébranlement » de la personnalité, traduit par le terme « étonnement » qui, au XVIIe siècle, a encore son sens étymologique très fort de « frappé par le tonnerre ». L’homme et la femme ne sont pas ici à égalité : le duc, plus expérimenté et célibataire, peut signifier ses sentiments par ses attitudes (« donner des marques de son admiration ») ou ses paroles ; mais la princesse, d’autant plus qu’elle est mariée, ne peut reconnaître ouvertement ni la notoriété ni la beauté de l’homme, ce qui l’amène au mensonge et à l’embarras.

E. Un échange sans paroles

Il n’est fait mention d’aucune parole claire entre les deux héros pendant la danse, mais de la part du duc, des « marques de son admiration », dont on ne connaît la nature. Paroles articulées ? oui certainement !!

Au cours du dialogue qui suit, ils ne se parlent que de façon indirecte, par l’intermédiaire de la Dauphine : toute parole entre eux sera biaisée, jusqu’à l’entrevue finale, passant par la médiation des signes ou des objets (le portrait, la lettre, la canne des Indes), ou surprise par une indiscrétion (l’aveu).

Ici, les deux personnages n’ont pas le même statut par rapport à la parole : Nemours la maîtrise fort bien, sachant parfaitement manier la galanterie voilée ; au contraire, la princesse est « embarrassée » et le narrateur nous la montre en flagrant délit de mensonge : « un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours » ≠ « je ne devine pas si bien que vous pensez ». Ce mensonge dévoilé par le narrateur et décrypté par la Dauphine révèle les méandres de l’intériorité de Mme de Clèves : la négation volontaire du fait qu’elle ait reconnu le duc est déjà un aveu involontaire de son intérêt naissant, qui a bien « quelque chose d’obligeant ». La jeune princesse n’a pas encore l’expérience de la parole de Cour qui sait dissimuler ou détourner : malgré tous ses efforts, elle sera toujours aisément « lisible » pour ceux qui la côtoient. Alors qu’elle est avide de sincérité et de vérité sur elle-même, sa parole se trouvera empêchée, ou arrachée, ou interprétée (c’est même à son silence que sa mère devinera son amour pour le duc).

3/ La rencontre fatale :

La rencontre est préparée et attendue de tous. Le parallélisme du soin apportée "à se parer" par les deux protagonistes en témoigne aussi. Mais il y a aussi une forme de fatalité à l'œuvre ici.

A. Roi et Reine : dieux de l’Olympe ?

Maîtres du jeu, ils interrompent la bal, le font reprendre, dirigent les danseurs..

Le roi et la reine dauphine jouent à la fois le rôle élevé des dieux ou du Destin dans la tragédie en favorisant la rencontre des héros, mais ils peuvent aussi apparaître comme des entremetteurs un peu pervers, manipulant les personnages et profitant cruellement, dans le dialogue, de l’inexpérience et de la situation difficile de la jeune femme. Le roi, conformément à son statut, ordonne (« le roi lui cria de prendre celui qui arrivait ») et dispose de ses sujets au gré de sa fantaisie. Quant à la reine dauphine, elle règne, ici comme dans toute l’œuvre, par la parole et la subtilité psychologique : elle mène le dialogue, pose des questions fermées, en en donnant finalement elle-même les réponses, et interprète les intentions les plus cachées. Ces personnages royaux abusent de leur pouvoir et s’amusent aux dépens des personnages en les soumettant à une sorte d’expérience dont ils connaissent déjà l’issue (« trouvèrent quelque chose de singulier ») et en faisant naître une passion dont ils savent qu’elle est interdite.

B. L'importance des subordonnées consécutives :

« Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir » ; « Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté [qu’]il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration ». On peut noter aussi l’emploi des formules restrictives (« ne pouvoir être que Monsieur de Nemours » ; « il ne put admirer que Madame de Clèves ») ou l’abondance des doubles négations : ces tournures mettent en évidence le caractère fatal et irrévocable de cette rencontre et de la passion qui va s’ensuivre. Les héros y sont amenés à la fois par le destin et par les autres personnages, et ne peuvent déjà plus lutter...

C. sous le regard public : contrôler ses passions

Cette rencontre est placée d’emblée sous le signe du regard, plus fort que la parole : regards échangés mais aussi regard inquisiteur de la Cour. Elle est marquée par le jeu entre vérité et mensonge, sincérité et dissimulation, puisque la passion naît dans un lieu qui lui interdit précisément de se manifester. Enfin, cette passion apparaît comme fatale, impossible à contrôler par les personnages.

conclusion : une scène capitale qui donne au roman une vraie dimension tragique, tout en l'ancrant dans la tradition romanesque.

Elle

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