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L'invitation au voyage

Par   •  16 Mai 2018  •  2 086 Mots (9 Pages)  •  605 Vues

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évoqué dans la locution adverbiale « là-bas » (v.3). La formulation, imprécise, est significative : le lieu idéal s’oppose à la réalité présente.

— L’exotisme est présent avec les « senteurs de l’ambre », « la splendeur orientale » qui font référence à l’Orient, symbole de l’ailleurs et retour aux sources de la civilisation, berceau culturel et religieux de l’Occident comme les rimes « orientale » / « natale » (v.23 et 26) le soulignent.

3. Un univers qui concilie les contraires

— Le poème repose sur une articulation constante du clos et de l’ouvert.

• Curieusement, le voyage se déroule dans un espace fermé :

 clôture du regard (strophe 1).

 de l’intérieur d’une chambre (strophe 2).

 de la ville (strophe 3).

• Mais dans chaque strophe, l’espace vient s’ouvrir par un jeu de correspondances :

 le regard de la femme conduit à l’évocation d’un paysage hollandais (strophe 1).

 l’espace intime de la chambre semble se décupler à l’infini par le pouvoir de propagation des parfums (« odeurs, senteurs ») et des « miroirs » (strophe 2).

 le décor de la chambre ( « plus rares fleurs » « ambre » splendeur orientale » strophe 2) et le paysage hollandais (« bout du monde », « hyacinthe », « or » strophe 3) font penser à l’Orient.

— Ce pays incarne en fait l’essence du voyage baudelairien : une promesse de voyage. Les bateaux ne partent pas, ils (re) « viennent du bout du monde » (v.34) ; ils ne voyagent pas mais se contentent d’évoquer le voyage (v.29 à 31). Les « vaisseaux » (v.31) sont personnifiés (« dormir », « l’humeur vagabonde » v. 30-31) et identiques à Baudelaire qui, à l’exception d’un voyage de sept mois (de 1841 à 1842 à l’île de la Réunion et à l’île Maurice) auquel il mit fin volontairement, ne quitta un jour Paris que pour mourir en Belgique.

III. Les composantes sensibles du bonheur baudelairien

1. La richesse des sensations

— Deux sensations dominent le poème : l’odorat et la vue.

• Ces sensations sont caractérisées par leur richesse comme le montre la fréquence des pluriels « leurs odeurs », « vagues senteurs », « riches plafonds », « miroirs profonds » où l’idée de profusion est associée à des termes singuliers : « luxe », « splendeur », « volupté ».

• Il s’agit de sensations raffinées : « les plus rares fleurs » qui s’enrichissent en se mêlant les unes aux autres (v.19-20).

— Harmonie et unité soutenues par le jeu des sonorités renvoyant à l’ouïe.

• Dans la deuxième strophe : allitérations de consonnes liquides « l » et « r » (« les plus rares fleurs / Mêlent leurs odeurs ») + assonances en « a », « an », « eu » et « è » + mots qui se ressemblent : « luisants » / « les ans » ; « plafonds » / « profonds ».

• Cette correspondance entre les sons traduit celle qui existe entre le poète et le lieu : « Tout y parlerait / À l’âme en secret / Sa douce langue natale ».

— Le bonheur est associé à la vue à travers une certaine qualité de lumière faite d’ « hy/acinthe » mise en valeur par la diérèse, « d’or » et possédant la splendeur des « soleils couchants », « dans une chaude lumière ».

2. Les mots clés du bonheur baudelairien

— Les substantifs du refrain définissent l’esthétique baudelairienne. Le pronom indéfini de la totalité « tout » et le tour restrictif « n’ … que » mettent en évidence le caractère synthétique de cette définition.

— Le bonheur repose sur une vie sensuelle raffinée : « luxe »et « volupté » (mis en valeur par sa position en fin de vers et de distique).

— Mais cette existence est maîtrisée : «beauté » et «volupté », qui se font écho à la rime, sont tous deux associés à des notions de maîtrise et d’harmonie : « ordre et beauté », « calme et volupté ». On a donc une exigence de rigueur rendue sensible par le rythme du vers 13 (et 27 et 41) qui possède la régularité d’un hémistiche d’alexandrin :

« Là, tout n’est qu’ordre et beauté »

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— Le calme de cet univers et la paix de l’âme triomphent dans la troisième strophe avec l’expression de la sérénité exprimée par les deux derniers vers : « Le monde s’endort / Dans une chaude lumière ».

3. Un univers harmonieux

— Le poème présente une construction en triptyque : 3 strophes (douzains), elles-mêmes composées de deux sizains à rimes régulières (aabccb) séparées l’une de l’autre par un refrain. Chaque strophe marque une étape dans la progression du poème :

1. Formulation de l’invitation au voyage avec l’analogie femme-paysage.

2. Intérieur hollandais secret, raffiné, présenté dans ses affinités avec le poète.

3. Paysage extérieur : la ville au soleil couchant.

— Plusieurs indices renvoient à l’aspect pictural du poème :

• « ciels » (v.8) au pluriel (terme de peinture désignant la partie du tableau représentant le ciel).

• « miroirs profonds » (v.22) suggère le jeu de miroirs caractéristique de la peinture hollandaise.

• champ lexical de la couleur et de la lumière : « brillant, luisants, soleils couchants, hyacinthe, or, chaude lumière ».

Remarque : la première et la troisième strophe rappellent les toiles de Ruysdael, peintre hollandais du XVIIe siècle, connu pour ses ciels immenses, ses atmosphères brumeuses laissant filtrer avec finesse la lumière ou la splendeur de ses soleils couchants. La deuxième strophe rappelle les scènes d’intérieurs de Vermeer, peintre de la même époque.

— La structure rythmique, le jeu des rimes et des sonorités contribuent à susciter une impression de bercement et de plénitude :

• L’alternance des vers impairs :

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