Est-il préférable de lire une pièce de théâtre ou la regarder?
Par Ramy • 4 Septembre 2018 • 1 702 Mots (7 Pages) • 1 014 Vues
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En somme, le lecteur est libre dans la « concrétisation » de l’image car il n’y a pas d’apparence qui lui sont imposées comme dans le cas d’un spectateur au théâtre. Il est nécessaire de souligner que les metteurs en scène doivent être tout d’abord des lecteurs de théâtre pour pouvoir arriver à représenter une pièce. Ainsi, chaque lecteur a sa propre interprétation des éléments dans la pièce. Le lien entre Antiochus et Titus dans Bérénice de Racine peut alors être perçu comme un lien de rivalité, ou comme un lien d’affection excessif qui va jusqu’à l’homosexualité d’après l’opinion de certains metteurs en scène. Dans la lecture, les sensations du lecteur sont moins influencées par d’autres que le spectateur au théâtre. Il s’agit d’une vraie douceur de voir se tisser une liaison entre son âme et celui de l’auteur car on est parfois facilement convaincu d'être le seul à avoir compris les allusions derrières certaines images.
L ‘assemblage entre lecture et représentation assurela meilleure réception d’une œuvre théâtrale. Lecture et représentation ne sont pas du tout contradictoire et de plus chacune apporte de son côté des éléments pour mieux apercevoir une pièce de théâtre, et de plus, le texte et la représentation sont tous deux des créations très rigoureuses. Tout d’abord, les « pièces à lire » ne sont pas forcément difficilement représentables. Bérénice est une pièce que Gilles Aillaud pense être destinée à être lue plutôt qu’à être représentée, et pourtant les représentations de Bérénice ont connu beaucoup de succès, avec des metteurs en scènes qui travaillent de façon totalement différente. Cela montre que même si certaines pièces paraissent plus conformes à la lecture qu’à une représentation, il est toujours possible d’aborder une pièce par les deux voies. Il est impossible de faire attention à tout à la fois, vu que dans l’œuvre, les champs lexicaux, les figures de styles et des allusions présentés sont beaucoup ample et que sur scène, la lumière, le décors, les objets puis le jeu des acteurs et leur diction forment également un ensemble très abondant. La lecture et la représentation sont complémentaires et forment sans doute l’outil le plus puissant et efficace pour guider le spectateur et lecteur dans l’œuvre.
Non seulement, il serait dommage que la découverte d’une oeuvre théâtrale soit réduite seulement à la lecture ou bien seulement à la représentation. Avoir la possibilité d’être en contact avec les deux, surtout de façon continuelle, est une chance pour les spectateurs d’admirer une « double création ». La première est celle de l’auteur au niveau de la beauté de l’écriture. Quant à la seconde, elle résulte du travail du metteur en scène et de toute son équipe au niveau de la mise en scène. Ces deux travaux se particularisent de plus en plus notamment avec les metteurs en scène contemporains qui cherchent à se distinguer véritablement de l’auteur. A côté du travail de l’auteur qui est reconnu comme véritable création, nous pouvons aujourd’hui appeler également des mises en scène par « recréation ». Les représentations d’une pièce varient énormément selon le travail des metteurs en scène car chacun y apporte même inconsciemment quelques choses de soi. Dans sa mise en scène de Bérénice, Lambert Wilson dispose dans le décor un portrait écrasant de Vespasien pour renforcer le mythe du père dont Titus essaie désespérément de se débarrasser. Lambert Wilson lui-même cherche à sortir de l’ombre de son père Georges Wilson, célèbre metteur en scène du théâtre français. Suite à la lecture de Bérénice, le fait d’aller voir des représentations différentes peut nous offrir plus de chances d’avoir différentes visions sur la pièce.
Pour conclure, si la lecture offre plusieurs avantages tels que l’absence des limites temporelles, l’occasion d’approfondir la beauté de l’écriture ou encore la liberté d'imaginer des dispositions et des personnages dans une pièce de théâtre, la représentation permet également de son côté plusieurs approches intéressantes. La lecture crée une certaine intimité entre le lecteur et l’auteur. Quant à la représentation, elle a été l’objectif à la naissance du théâtre. Elle amène non seulement la possibilité de visualiser des espaces scéniques et des jeux mais aussi celle d’entendre la musicalité des répliques avec toutes les assonances et allitérations. Par conséquent un texte théâtral produit sur support papier reste fixe et peut être reproduite. Il est donc possible de le reprendre, de retravailler dessus quand le lecteur le désire. Et il ne faut pas oublier que la représentation, une fois le spectacle terminé, est un objet mort, elle ne survit pas ; le texte, lui, survit.
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