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Boris Vian: l'évadé

Par   •  9 Octobre 2018  •  1 894 Mots (8 Pages)  •  598 Vues

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l’évadé et ils l’ont tué, certes, « Une abeille de cuivre chaud /L’a foudroyé sur l’autre rive /Le sang et l’eau se sont mêlés » : cette allusion finale à la mort est très pudique. Toutefois, pour l’évadé, ce sont ceux à qu’il a réussi assez longtemps à échapper et qu’il a nargués puisqu’il a disposé du temps : « le temps de rire aux assassins » (V. 29).

Ainsi cette lutte contre le temps, cette impossibilité d’échapper à la mort permettent à Boris Vian de définir ce qui fait le prix de la vie.

3. Le prix de la vie

Mourir très jeune a laissé quand même au héros la possibilité d’apprendre ce qui fait le charme du temps vécu même si celui-ci est court : la liberté du mouvement, la perception du monde, l’amour.

3.1. La liberté : évocation d’une course effrénée

Tous les moyens sont mis en œuvre afin que nous puissions visualiser, intérioriser l’agitation fébrile du personnage s’évadant avec le champ lexical du mouvement. Dès le premier vers, le verbe exprime une descente précipitée « Il a dévalé la colline / Ses pieds faisaient rouler des pierres » (V. 1/2). Le passé composé du premier vers semble précipiter le mouvement alors que l’imparfait semble un écho de ses pas dans un vacarme  que soulignent les allitérations sonores « é » et « è » et surtout celles en « p » et « r ». Du mouvement toujours, avec «La lumière l’accompagnait / Et lui faisait danser son ombre » (V. 10). Puis, c’est la joie de la liberté « Il sautait à travers les herbes » (V. 10). « Il s’est relevé pour sauter » (V. 20). Si cette course effrénée essouffle l’évadé « Il respirait… comme une forge » (V. 5.6) et est semée d’embûches « pierres » (V. 2). « les herbes » (V. 10) et « ce ruisseau » (V.26). Ces efforts sont couronnés par le rire de la libre vie qui dure et claironne «il riait de joie » (V. 18). L‘emploi de l’imparfait intensifie son plaisir.

3.2. La perception du monde

Le monde et la nature sont perçus à travers les cinq sens de l’évadé ; C’est tout d’abord l’ouïe qui se décuple pendant sa course vers la liberté « Ses pieds faisaient rouler des pierres….. la sirène chantait » (V. 2 et 4). Même si elle annonce son évasion, ce bruit l’accompagne : ce qui traduit la plénitude du bonheur durant le laps de temps qui s’offre à l’évadé. Puis, aux vers 5 et 6 c’est l’odorat qui se manifeste «  Il respirait l’odeur des arbres/De tout son corps comme une forge ». Instant de répit pendant sa fuite éperdue, c’est la vue qui englobe de joie tout ce qu’il perçoit : les dons de la terre et du soleil mêlés : « Il a cueilli deux feuilles jaunes/Gorgées de sève et de soleil ». (V.11et 12). Instant de joie que l’évadé savoure avec intensité et avidité : toucher et goût mêlés lorsqu’il atteint la rive du ruisseau « Il y a plongé son visage / Il riait de joie, il a bu » » (V.17/18). Dans ces deux vers, sont associées en début du premier vers et à la fin du second, des actions rapides au passé composé alors que l’imparfait amplifie la durée de son rire de joie pour avoir accompli ces deux actions synonymes de liberté. Le paysage est connoté de sensations positives. Pourtant, autant les assassins apparaissent sereins mais implacables, certains qu’ils sont de saisir l’évadé mort ou vif, autant l’évadé porte en lui une angoisse : celle des hommes face au temps qui est laissé à l’homme…. La durée de ce temps qui file comme le filet d’eau du ruisseau, nul ne la connaît

3.3. La vie et le couple de la création

En choisissant l’évasion, l’homme en connaissait le prix à payer : sa vie. Et pourtant, c’est la liberté qu’il a choisie, cette aspiration forcenée à la vie libre. Il a réussi à atteindre le but qu’il s’était fixé et ces moments de liberté représentent tout ce qu’il appréciait dans la vie : « atteindre l’autre rive » » (V.30) : le ruisseau, symbole de la ligne ténue de la vie qui s’écoule et qui, ce jour précis, partage le lieu de la prison de la rive de la liberté atteinte, « courir vers la femme » » (V.31), retrouver le couple de la création du monde : Adam et Eve, « rire aux assassins » » (V39) le temps de la révolte et pour lui le dernier vers qui crie sa victoire « Il avait eu le temps de vivre » » (V.32) Le dernier vers fournit un éclairage en relation avec l’aspiration de l’évadé qui avait recouvré sa liberté pour quelques fugaces instants et accompli ce qu’il désirait accomplir dans (son) « temps de vivre »

Ce dernier vers, enfin, résonne comme un éloge de la vie.

CONCLUSION : Ce poème de Boris Vian qui pourrait s’intituler « complainte pour un fugitif » revêt un aspect profondément humain. Il peut être considéré comme une allégorie de toute vie humaine : sa brièveté générant une avidité de besoin de vivre. Ce ressenti se double d’un sentiment d’inachevé assorti d’un désir absolu de liberté. En cela, ce poème caractérise l’esprit de l’époque de l’existentialisme des années 1950. Toutefois, les thèmes entrecroisés dans ce poème apparaissent surtout comme autant d’allusions à l’angoisse personnelle de l’auteur. Ce poème, d’inspiration autobiographique, traduit les affres de la maladie. En effet, se sachant condamné, Boris Vian aspirait, tout comme cet évadé, à vivre intensément. Et c’est son désir de vivre libre, sans concession, avec passion mais, sans illusion que Boris Vian exprime en toute simplicité comme il l’a fait dans des œuvres comme Le déserteur ou Je voudrais pas crever. Et pourtant, il mourut à, même pas, quarante ans. Ce poème est une allégorie de sa propre vie : le symbole de la fuite en avant dans les secondes, les minutes, les heures dans « le temps ».Vie remplie de sensations pleinement goûtées parce que le plaisir de son existence, il la savait liée à

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