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La complainte du progrès de Boris Vian

Par   •  5 Février 2018  •  1 123 Mots (5 Pages)  •  1 021 Vues

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Le poète regrette le temps de l’amour courtois, celui du don de soi pour mériter sa belle et constate avec regret que ce temps est révolu.

Chaque étape de la vie de couple, séduction, querelle de ménage puis séparation est l’enjeu de marchandages et de chantages à propos de ces biens matériels dont le refrain fait un inventaire hétéroclite. Le bonheur se résume à la possession d’objets de consommation.

Il y témoigne des bouleversements du mode de vie et des conséquences que cela engendre sur le comportement des individus et dans les rapports humains. Il dénonce au fil des couplets une société de marchandisation, une consommation débridée de produits superflus, la création artificielle de besoins et la substitution des valeurs marchandes aux valeurs humaines : la valeur d’un individu se mesure à ce qu’il possède. Bref, il décrit une société de plus en plus matérialiste et des consommateurs de plus en plus individualistes et considère que ce que l’on présente comme un progrès, une amélioration des conditions de vie dénature la société et l’homme par ses excès;

Il décrit les affres de l’amour moderne.

Il use de nombreux paradoxes (l'amoureux a « l'air lugubre » mais « se garde tout », le « cher ange »porte le prénom ridicule de Gudule).

Il emploie de nombreux néologismes (cire-godasses, ratatine-ordure, chasse filous, repasse-limaces)formés par composition, il utilise des mots valises (atomixer qui est un mélange entre les mots « atomique » et « mixeur ») pour désigner des objets qui n’existent pas.

Les champs lexicaux de l’amour (« faire sa cour », « amour », « ardeur », « offrait son cœur », « séduire »...) et de l’équipement ménager(« frigidaire », « cuisinière », « un four en verre », «évier en fer », « poêle à mazout ») sont entremêlés.

Le refrain adopte un ton résolument prosaïque et familier qui nous fait entrer de plein pied dans cette nouvelle réalité sociétale.

Plus on progresse dans le texte et plus les objets imaginés désignent des fonctions inutiles, absurdes et destructrices.

La gradation dans ce tourbillon de mots suggère la folie grandissante du consommateur qui ne maîtrise plus ses pulsions consommatrices et se laisse tenter par tout et n’importe quoi sans réfléchir à l’utilité de son achat ainsi que la tyrannie croissante du bien de consommation.

Le dernière couplet atteint le paroxysme de l’absurde: «on reçoit la visite d’une tendre petite.... on vit comme ça jusqu’à la prochaine fois». L’homme désormais condamné à l’isolement et à la solitude par son amour des objets manufacturés va consommer des compagnes et compagnons au même rythme frénétique que des produits fabriqués.

L'aspect énumératif des équipements à la pointe du progrès renforce l'idée de l'inutilité de tous ces objets.

La musique

Un petit groupe d'instruments solistes accompagne la voix de Boris Vian. La flûte traversière et le saxophone ont un rôle de contrechant, la trompette ponctue les fins de phrase. Le piano accompagne avec des accords et se retrouve seul avec la voix pour faire la transition couplet/refrain, la batterie réalise le soutien rythmique.

La contrebasse joue en pizzicato (en pinçant les cordes).

Comme dans le texte, Boris Vian joue avec les oppositions : la complainte dramatique est transformée en chanson légère presque comique.

Cet effet est en partie du au choix d’un rythme de bossa-nova (rythme latino-américain), gai et entraînant.

Alternant la voix chantée et la voix parlée, Boris Vian adopte un ton malicieux, ironique.

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