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Andromaque, acte V scène 1

Par   •  14 Novembre 2018  •  2 089 Mots (9 Pages)  •  1 112 Vues

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2. Hermione, hésitante.

Hermione essaie de maintenir sa volonté de tuer et de résister à ses accès de passion en se représentant Pyrrhus dans ses actes et dans ses pensées. Elle se remémore l’entrevue précédente en n’en retenant que les moments les plus blessants, ceux où il s’est montré indifférent, par exemple, v. 1401 « Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes, ». Elle essaie aussi de l’imaginer dans le moment présent. Elle construit toute une représentation mentale de Pyrrhus où elle lui prête les pensées les plus blessantes pour elle. Voir les débuts de vers « Il pense », « Il croit », « Il juge », « Il me laisse ».

Afin de se donner du courage, Hermione noircit le personnage de Pyrrhus, fait de lui un être cruel et pervers (« Le perfide triomphe, et se rit de ma rage : »,v. 1409).

3. Hermione se déresponsabilise.

Hermione finit par atténuer sa responsabilité en la reportant sur Pyrrhus. Pour elle, Pyrrhus, par ses provocations, par sa décision scandaleuse, cherche la mort (« Qu’il meure, puisqu’enfin il a dû le prévoir, », v. 1419). Il semble d’ailleurs qu’elle ait vu juste car Pyrrhus est bien conscient de l’affront qu’il inflige aux Grecs, mais aussi du malheur attaché à une passion non partagée (« L’un par l’autre entraînés, nous courons à l’autel / Nous jurer, malgré nous, un amour immortel. », v. 1299-1300). Pyrrhus se suiciderait-il par personne interposée ?

La deuxième excuse que se donne Hermione est que sa décision ne peut être que la suite logique des actions et surtout de l’indifférence de Pyrrhus (« Et puisqu’il m’a forcée enfin à le vouloir. » v. 1420). Réaction de petite fille qui voudrait se faire remarquer par tous les moyens : « […] il ne s’informe pas / Si l’on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas. » (v. 1415-1416).

Hermione est en plein désarroi, sous le coup d’une violente émotion et cela se répercute sur son comportement : elle parle seule, et court au hasard dans le palais : « Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais. » (v. 1395).

III. L’exaltation des sentiments.

1. Le ressassement d’Hermione.

Il n’y a pas progression du discours mais plutôt ressassement. Hermione oscille entre des épanchements de son amour et des tentatives de légitimer son projet de meurtre. « Ah ! ne puis-je savoir si j’aime, ou si je hais ? » (v. 1396). Elle s’emploie ensuite, de manière croisée, à développer ces sentiments. C’est pourquoi, on retrouve en plusieurs endroits des expressions voisines pour exprimer, par exemple :

– l’humiliation subie : « Le cruel ! De quel oeil il m’a congédiée ! » (v. 1397) ;

« Le perfide triomphe, et se rit de ma rage : » (v. 1409) et aussi les mots « perfide »

(v. 1414), « Triomphant » (v. 1415) ;

– sa volonté de faire mourir Pyrrhus : « Non, … / Qu’il périsse ! »

(v. 1407-1708) ; « Non, non, […] / Qu’il meure… » (v. 1418-1419) ;

– sa passion pour Pyrrhus : « Mon coeur, mon lâche coeur s’intéresse pour lui ? »

(v. 1404) ; « Ce prince, dont mon coeur se faisait autrefois / Avec tant de plaisir redire les exploits, » (v. 1423-1424).

Malgré le caractère désordonné du propos, malgré les retours en arrière, le discours d’Hermione est d’une grande unité, celle du sentiment. Il est une illustration de la passion malheureuse.

On entend la rage d’Hermione par l’allitération en « R », « le peRfide

tRiomphe et se Rit de ma Rage », comme un chat qui grogne prêt à griffer.

2. Hermione, en plein désarroi.

Le désarroi d’Hermione se marque :

– par la ponctuation. Nombreux points d’exclamation et d’interrogation (anaphore de la forme interrogative) qui traduisent l’émotion et l’angoisse de ne plus savoir où on en est : elle a perdu la conscience claire du lieu où elle se trouve, de ce qu’elle a fait. Elle est incapable de faire une analyse lucide de ce qu’elle ressent. Hermione exprime son angoisse dans des questions qui se pressent. Qu’elle soit sujet d’une action (« Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire… ») ou objet de l’action (« Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?), tout échappe à son raisonnement ;

– par le rythme haletant donné par plusieurs césures dans le vers, et rythmé par la récurrence de la consonne q qui traduit un esprit prisonnier d’émotions contradictoires, incapable de raisonner ;

– par des impératifs et des subjonctifs qui montrent l’effort pour mettre fin à cette situation intolérable et prendre enfin une décision ;

– par le passage du je au nous qui marque un effort pour prendre de la distance, et en même temps l’emploi du singulier et du pluriel dans une même phrase (v. 1407) qui montre le désarroi ;

– par l’autonomination, comme si elle se dédoublait, une partie d’elle-même ne se reconnaissant plus dans les décisions prises par l’autre partie.

Le spectateur s’attend à un nouveau renversement de situation. Racine maintient le suspens. Hermione semble se reprendre à la fin de son monologue et mesurer la gravité de sa décision. Dans les derniers vers, son cœur parle ; elle se laisse envahir par des souvenirs qui restaurent l’image héroïque du roi. Hermione s’apprête à accorder un nouveau sursis à Pyrrhus lorsque l’arrivée de Cléone interrompt son propos.

Conclusion :

Toute tentative pour faire surgir la lucidité et la raison est anéantie par la violence du sentiment. Elle est ressentie comme malheureuse car elle unit deux sentiments contradictoires, la haine et l’amour qui déchirent le personnage.

Dans cette scène, Racine a préféré représenter Hermione seule sur scène plutôt que la cérémonie du mariage qui a lieu pendant ce temps. C’est pour des raisons de contraintes propres au genre dramatique que Racine a préféré ne pas représenter le mariage sur scène : cela aurait en effet nécessité un grand nombre de figurants sur scène, un changement

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