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La revision constitutionnelle de 1962

Par   •  4 Avril 2018  •  3 156 Mots (13 Pages)  •  618 Vues

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- L’utilisation de l’article 11 : une interprétation présidentialiste de la Constitution

La révision constitutionnelle va se dérouler d’une manière parfaitement atypique, et l’étude de la procédure est déterminante pour comprendre l’importance de la révision. En effet, il existe une voie habituelle pour réviser la constitution. Il s’agit de l’utilisation de l’article 89, qui énonce que « l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du premier ministre et aux membres du Parlement. Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques (…) ». Cet article prévoit donc la nécessité d’un accord entre le Président et le Parlement, puisque le projet est irrecevable s’il n’a pas été voté par les Chambres. Il démontre la volonté d’équilibre entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif. Or de Gaulle sait pertinemment qu’il ne peut obtenir le soutien du Parlement compte tenu du multipartisme éclaté et de l’hostilité de nombreux parlementaires, à l’exception évidente du parti gaulliste. Il va donc faire appel à un autre article de la Constitution, l’article 11, qui dispose que « le Président de la République, sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics (…) ».

On voit donc ici qu’il s’agit d’une lecture présidentialiste de la Constitution, d’une interprétation tout à fait nouvelle qui se prête parfaitement à la volonté du président de réformer le système de la Vème République. On peut citer en exemple un extrait de l’allocution du Président du 20 septembre 1962 : « Si le texte prévoit une procédure déterminée pour le cas où la révision aurait lieu dans le cadre parlementaire, il prévoit aussi (…) que le Président de la République peut proposer au pays, par voie du référendum, « tout projet de loi » (…) portant sur l’organisation des pouvoirs publics, ce qui englobe, évidemment, le mode d’élection du Président ». Cela démontre aussi que la Constitution est bel et bien vivante et que son interprétation, loin d’être figée dans le temps, évolue en fonction du régime considéré. S’ouvre alors un débat juridique important quant à l’utilisation de l’article 11, et quant à celle du référendum. Ses opposants, à commencer par la majorité des parlementaires, objectaient que l’expression « tout projet de loi » de l’article 11 ne valait pas l’expression de « projet de révisions » expressément indiquée dans l’article 89. Ils indiquaient aussi que si les constituants avaient prévu l’utilisation de l’article 11 pour des révisions constitutionnelles, ils auraient pris soin de le préciser. Les arguments contre l’utilisation de l’article 11 sont très nombreux, et on retiendra l’analyse de Mathieu Laillé, qui affirme que la révision conforte le peuple dans une position de mineur politique. En effet, les candidats à l’élection présidentielle essaient de séduire les électeurs « flottants » et mouvants par des programmes qui ne diffèrent que « par des aspects mineurs » (p.108), et par conséquent détruisent le choix démocratique. Egalement, il analyse les possibles « dérives plébiscitaires » qui découlent de l’utilisation de l’article 11, et qui retirent au peuple son caractère souverain.

- La victoire de De Gaulle : une pratique présidentialiste du pouvoir

Comment cette volonté et cette interprétation présidentialistes vont-elles déboucher sur une véritable crise politique ? De toute évidence, le seul mode d’élection du président n’est pas le véritable enjeu de la révision constitutionnelle. L’ampleur de la crise politique en est la preuve. En effet, c’est le véritable caractère substantiel de la République qui est en jeu, puisque s’affrontent en quelque sorte présidentialisme et vestiges du parlementarisme, affirmation définitive et institutionnelle du Président contre l’ancien régime d’assemblée. Sur le terrain politique, la querelle entre De Gaulle et le Parlement est véhémente. Le président du Sénat, Gaston Monnerville, déclare : « la motion de censure m’apparaît comme la réplique directe, légale, constitutionnelle à ce que j’appelle une forfaiture ». Le 2 octobre 1962, la motion de censure est votée à 280 voix. En réaction, le 9 octobre, le Président de Gaulle dissout l’Assemblée nationale et organise le référendum relatif à la révision constitutionnelle, et le 6 novembre 1962, le « oui » l’emporte à 62%. Du point de vue de la légitimité et de la souveraineté nationale, la réponse favorable du référendum consacre la victoire de De Gaulle et par là même, la victoire d’une vision présidentialiste de la Vème république.

De plus, le Conseil constitutionnel, saisi par le Président du Sénat, se déclare le 6 novembre 1962 incompétent : (article premier) « le Conseil Constitutionnel n’a pas la compétence pour se prononcer sur la demande susvisée du Président du Sénat », se disant incapable de trancher une question qui a été soumise à l’arbitrage du peuple.

Ainsi, la victoire de la révision constitutionnelle de 1962 fait entrer la Vème République dans une ère de « présidentialisme absolu », dominée par le général de Gaulle. Mais on peut se demander si ce système peut survivre à la disparition de son créateur. Nous allons voir que l’élection du président au suffrage universel a eu pour conséquence d’enraciner une mutation certaine des institutions.

- Les conséquences de la révision constitutionnelle : l’affirmation du chef de l’état dans les institutions

Si de Gaulle a longtemps été critiqué d’avoir utilisé l’article 11 de la Constitution pour la révision de 1962, il faut cependant remarquer que la révision ne modifie en rien les prérogatives du président de la République, et en particulier, ne lui en ajoute aucune. En effet, d’un point de vue purement matériel, l’élection du président au suffrage universel direct n’affecte pas ses pouvoirs et compétences. En revanche, il est vrai que la portée d’une telle révision, du point de vue substantiel, est considérable. Nous allons montrer cela à travers deux aspects majeurs : la légitimité nouvelle du président et la naissance du fait majoritaire en France.

- La légitimité accrue du Président de la République

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