Dissertation : Entre Vichy et la France libre : l’empire colonial français.
Par Andrea • 5 Juillet 2018 • 4 257 Mots (18 Pages) • 634 Vues
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de la Réunion, qu’un effet domino se produit puisque la socialisation commune des administrateurs coloniaux est assez forte pour que d’autres dirigeants rallient Vichy des suites de la nomination de Boisson. Ces ralliements deviennent alors de puissants vecteurs car ces dirigeants sont loyalistes à Pétain ; René Pleven parle même d’un « décervelage systématique de l’administration coloniale de Vichy ». Selon les archives nationales, lors de l’épuration d’après-guerre ce qu’on appelle les collaborationnistes, on pose la question suivante à Gaston Joseph, alors directeur des affaires politiques au secrétariat aux Colonies sous le régime de Vichy : « Vous avez vu nos colonies passer l’une après l’autre à ce qui était appelé la dissidence et vous êtes resté directeur des affaires politiques ? ». Sa réponse est claire, concise et nette : « Je suis resté directeur des affaires politiques ».
Le second outil favorable à la diffusion de l’influence et de la légitimité vichyste dans les colonies est le rôle déterminant du secrétariat d’Etat aux Colonies. Véritable vecteur, il permet l’implantation progressive et la prise d’influence de la Légion Française des Combattants volontaires dans les colonies alors que cette association d’anciens tirailleurs de la Première Guerre mondiale est au départ seulement présente en zone libre française – les allemands ayant refusé qu’elle le soit en zone occupée. Le 29 aout 1940, sous l’influence de Xavier Vallat – ancien secrétaire général aux anciens combattants et à la tête du Commissariat général aux questions juives dès la fin mars 1941-, Pétain décide la dissolution de toutes les associations d’anciens combattants et le regroupement de ses membres dans une seule qui aura pour mission principale de « régénérer la Nation, par la vertu de l’exemple du sacrifice de 1914-1918 ». Ainsi, là intervient le secrétariat d’Etat aux colonies. En effet, c’est René Charles Platon qui insiste pour l’exportation de la Légion dans les colonies, et dans les régions d’outre-mer dans un premier temps, selon le Centre des archives d’outre-mer d’Aix en Provence. Il met en place une politique active d’expansion de la zone d’influence de la Légion notamment en Martinique, en témoignent les chiffres : de mars 1941 à mai 1942, on passe de mille-deux-cents anciens combattants et zéro volontaires à mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf et mille trois cents vingt volontaires.
Ayant beaucoup de pouvoir de décision et d’influence, cette légion permet un contrôle social visant à accroitre « l’ordre moral », véritable idée pétainiste, autant dans la vie de la colonie concernée mais aussi au sein même de la direction de la Légion : à Madagascar, le directeur est destitué car « il fréquentait des prostituées européennes et indigènes de bas étage ». Que ce soit dans les territoires coloniaux précédemment cités, en Afrique du Nord, en Afrique-Occidentale Française, en Indochine et outre-mer, cette Légion est, avec une propagande très forte encadrant notamment la jeunesse et un développement de l’appareil policier répressif envers les opposants au régime, un des puissants vecteur de propagation des idées vichystes et de ce qu’on appelle la « Révolution nationale »…
B/ Un calque des prérogatives vichystes et de la Révolution nationale dans l’empire colonial ?
Nous parlons de prérogatives, d’influence vichyste, de légitimité vichyste… mais au final, l’expression la plus palpable de cet ensemble peut se résumer par une seule : la Révolution nationale. La révolution nationale est cette nouvelle idéologie pétainiste mise en place en métropole et dans les colonies françaises – via les outils que l’on a pu donc expliciter plus haut - qui a un but clair : faire tabula rasa et repartir sur de nouvelles bases. Et pour cela, elle prône un retour à la tradition –changement de la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » pour « Travail, Famille, Patrie »- et un rejet total du parlementarisme, du multipartisme, donc de fait du républicanisme, ainsi que des loges maçonniques. Bien entendu antigaulliste car vus comme des traitres et largement hostile à l’ennemie Grande-Bretagne. Les douze Actes constitutionnels promulgués entre le 11 juillet 1940 et le 26 novembre 1946 confèrent entre autres à Pétain la confusion du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ainsi que le pouvoir de rédiger une constitution. Cela permet la mise en place d’un antisémitisme d’Etat dont les raisons à cela – volontaire ou sous la pression d’Adolf Hitler ? – nourrissent encore aujourd’hui les débats. Aussi, on a un retour au corporatisme, un organicisme de la société et un culte de la personnalité du maréchal Pétain qui se mettent en place à ce moment.
Tout cela dans la métropole. La question est donc de voir quelle est l’application de ces grandes lignes directrices et de cette très intense activité législative dans l’empire colonial et ses particularismes locaux, avec les variations auxquelles –ces lois- peuvent être confrontées.
Prenons tout d’abord le cas des Antilles. Il est assez significatif pour que l’on puisse en tirer de manière large toute la mesure de l’application des lois vichystes dans les colonies et en établir des comparaisons des différences de traitement. L’Amiral Robert, ancien compagnon de route du maréchal Pétain lors de la Première Guerre mondiale, se rallie à Vichy et assume le poste de haut-commissaire. Suivant la législation vichyste, l’Amiral Robert dissout les trois conseils généraux de Martinique, de Guadeloupe et de la Guyane le 27 octobre 1940, ces derniers étant partisan de la poursuite des combats. Les békés, des blancs-créoles issus de la bourgeoisie antillaise, ainsi que les mulâtres, prennent de plus en plus de responsabilité et sont à la solde des prérogatives vichystes. Les partis politiques sont supprimés et les loges maçonniques sont dissoutes via le décret-loi du 13 aout 1940 et les dignitaires ne peuvent plus occuper désormais des postes dans l’administration.
Dans une autre mesure, les lois antisémites du 2 juin 1941 sont aussi transposées aux Antilles. La répression des juifs en est cependant que très faible, notamment car le groupe concerné n’est pas très nombreux. Ce qui n’est par exemple pas le cas en Afrique-Occidentale Française où une véritable épuration des juifs et des francs-maçons est à l’œuvre entre 1940 et 1943 : un document daté du 21 octobre 1943 nommé « Etat des fonctionnaires révoqués, licenciés, mis à la retraite depuis 1940 » témoigne de l’importance en nombre des
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