Mondialisation de l'industrie de la tomate
Par Plum05 • 24 Août 2018 • 3 199 Mots (13 Pages) • 674 Vues
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en sauce tomate. Les employés ont peu à peu été licenciés et les outils ont été vendus.
Chalkis s’est concentré sur la deuxième transformation et s’est débarrassée de tous les appareils servant à la première transformation. Chalkis a continué à fabriquer des produits bien connus des consommateurs mais en utilisant du concentré importé de Chine. Cependant, les boîtes continuent à porter la mention “Made in France”, en toute légalité.
Le berceau de l’industrie de la tomate se situe en Europe
Le marché de la tomate est partagé par une poignée d’industriels. Le berceau de cette industrie se trouve en Italie, dans la région de Palerme. La ville italienne reste un centre important pour l’agroalimentaire de la tomate, notamment pour la conception des machines-outils entrant dans sa transformation.
Autrefois, le concentré de tomates produit en Italie ressemblait à un gros pain noir très dur car hautement concentré. Au début du XXe siècle, l’Italie est le premier exportateur mondial de tomates en conserves. Dans les années 1930, la division des activités entre le Sud et le Nord de l’Italie s’accentue : au Nord on produit davantage de dérivés de la tomate tandis qu’au Sud on produit plutôt des conserves de tomates pelées.
Petti est l’une des plus grandes entreprises agroalimentaires de la péninsule italienne. Fondée en 1925, cette société italienne fait partie des plus grands acheteurs mondiaux de concentré de tomates, en deuxième position derrière la Heinz Company. Petti possède la plus grande société de reconditionnement de concentré en Europe.
C’est dans les années 1990 que la Chine s’équipe d’usines de transformation de la tomate. Depuis, elle est devenue le premier producteur mondial de concentré. Cette croissance a été tellement rapide que trop d’usines ont été construites. Il a fallu en raser quelques-unes par la suite. Ce sont les Italiens qui ont installé les premières usines de transformation en Chine et y ont apporté leur savoir-faire. Par ailleurs, ils achetaient le concentré produit en Chine pour le revendre en Italie.
Une grande partie du concentré chinois qui arrive en Europe est transformé en Italie pour repartir vers d’autres destinations. Les douanes considèrent que ce concentré est “en transit temporaire”. Ce dernier n’est donc pas soumis aux droits de douane comme l’aurait été un produit directement destiné à la consommation. Le concentré chinois entre en Italie. Il est ensuite travaillé, mis en boîte et réexporté dans le monde comme un produit italien.
En Afrique de l’Ouest, le Ghana et le Sénégal sont de grands consommateurs de tomates
Au Ghana, pays de 28 millions d’habitants, les 90 000 petits producteurs récoltent chaque année près de 400 000 tonnes de tomates. En plus des ouvriers agricoles, la filiale ghanéenne de la tomate emploie 300 000 personnes qui interviennent dans le processus de commerce et de logistique. La tomate est en effet très utilisée dans la cuisine du pays.
Les deux premières usines de transformation datent de 1960. À l’époque, la volonté politique était de réduire le volume des importations. Aujourd’hui, ces deux usines sont fermées. Les tomates produites au Ghana sont donc désormais destinées à la consommation directe et non plus à la transformation.
Les importations de concentré sont passées d’un peu plus de mille tonnes, en 1996, à cent fois plus en 2013. 85% de ce concentré vient de Chine et représente, en 2014, 11% de la production chinoise.
Le Sénégal est l’un des autres grands importateurs de concentré de tomates de l’Afrique de l’Ouest.
C’est dans les années 1960 qu’apparaît au Sénégal la marque de concentré “Dieg Bou Diar”, produite par la Socas qui appartient au groupe Sentenac. Comme au Ghana, de 1960 à 1986, l’objectif de la politique agricole sénégalaise était de produire pour limiter les importations. Le concentré Dieg Bou Diar avait alors pour lui tout le marché.
Les premières importations de concentré de tomates ont lieu en 1986 lorsqu’une tempête de sable gâche les récoltes. Cette époque est également marquée par un changement politique et un encouragement au libéralisme. Dès lors, les importations, notamment chinoises, ne cessent d’augmenter parallèlement à la chute de la production sénégalaise.
Au début des années 2000, deux concurrents de la Socas s’installent au Sénégal : il s’agit d’Agroline et de Takamoul. Ces derniers reconditionnent des produits importés. La Socas ne peut bientôt plus rivaliser. Même si elle existe encore, elle survit difficilement. Ses produits 100% sénégalais coûtent aujourd’hui 30% plus cher que les produits issus de la concurrence.
Selon Jean-Baptiste Malet, la filiale tomate n’est pas toujours très propre
Il existe un marché secondaire pour le concentré de tomates vieux ou périmé. En effet, plus un baril est ancien, moins il a de la valeur sur le marché. Il existe de même des circuits parallèles de revente pour le concentré de tomates impropre à la consommation.
Lorsque le contrôle d’hygiène de la douane italienne est négatif, le concentré n’est pas détruit : il est renvoyé en Chine. Le producteur le réexpédie alors vers des pays moins regardants, comme les pays d’Afrique. Les producteurs y écoulent notamment les stocks trop vieux, vendus à bas prix. Ces barils totalement impropres à la consommation sont parfois saisis, en Tunisie par exemple. On parle alors de “black ink” : le concentré de tomates est tellement vieux qu’il est devenu noir. On mélange ce dernier avec d’autres produits, et même avec du colorant, pour lui redonner une couleur propre à la vente.
Dans le domaine agroalimentaire, l’Italie est réputée pour sa criminalité. On a même inventé le terme de “agromafia” pour désigner ce type de criminalité. Les entreprises alimentaires et notamment celles liées à la tomate sont utilisées pour blanchir de l’argent.
L’Italie exporte 60% de sa production de tomates industrielles. Un cinquième de l’industrie de transformation de ces tomates passait par l’Italien Antonino Amato, fondateur de “La Gotica”, une société de transformation de la tomate. Aujourd’hui décédé, le chef d’entreprise a été condamné en 2013 pour trafic de faux concentré italien. L’un des dirigeants de Gioaguaro, un autre géant de la tomate italienne, a lui aussi été mis en examen.
Fausses étiquettes, produits impropres à la consommation reconditionnés, fausses analyses, et
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