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L'aumône de Dieu

Par   •  31 Mars 2018  •  3 281 Mots (14 Pages)  •  384 Vues

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Il est déjà midi et demi. Il pleut encore. Nous avons tous un peu froid, parce que nous sommes encore mouillés. Et la faim commence à résonner dans les estomacs. A notre question de savoir où ils prennent leur repas de midi, ils répondent qu'ils vont souvent à un centre d'accueil à Kadior où ils sont toujours les bienvenus, mais qu'ils ne peuvent y aller qu'entre 9 heures et 16 heures, puisqu'il s'agit d'un centre de jour. Après le déjeuner, ils y restent pour jouer au babyfoot souvent jusqu'à 15 heures, ensuite ils se dirigent vers la ville où ils espèrent encore recueillir les dernières pièces pour boucler la journée. Voilà donc une feuille de route bien typique de leurs après-midis. Etant curieux de les y accompagner et de fouler le terrain avec eux, nous leur demandons s'ils sont prêts à continuer le chemin. Ils répondent affirmativement. Et nous revoilà sous la pluie. Toutefois, elle a baissé d'intensité. Nous marchons tranquillement dans les rues désertes. Les gens que nous croisons sur le chemin ne prêtent aucune attention à ces deux enfants qui leur tendent la main pour demander l'aumône. Il y en a même qui les insultent en leur disant qu'ils feraient mieux d'abréger leur journée et de rentrer chez eux. Mais les enfants leur tournent timidement le dos et continuent leur chemin. Une bonne demi-heure plus tard, nous arrivons au centre d'accueil. Nous y trouvons beaucoup d'autres enfants talibés presque de tout âge. Omar, un des responsables du centre reconnait tout de suite Aliou et Amadou. Il les salue et discute un peu avec eux, avant de leur demander d'aller s'essuyer dans une pièce à côté. Entre temps, il va leur chercher des habits secs. "Ça tombe bien. Nous venons de recevoir un don de vêtements de nos partenaires" leur explique-t-il en leur passant les vêtements par la fenêtre. Notre présence ne semble gêner personne. Mais nous l'interpelons quand même pour lui expliquer le but de notre présence. Il est très compréhensif et nous invite même à rester déjeuner avec eux. Pendant le repas, il nous explique le calvaire que vivent ces enfants au quotidien et qu'il leur arrive parfois de recevoir des enfants talibés battus ou agressés. Nous observons tous ces enfants, tous ces regards innocents, parfois tristes, parfois gais. Après le repas, Aliou et Amadou passent un peu de temps à jouer au babyfoot. Ils ont bien mangé et ils portent à présent des vêtements propres. Petit à petit, le centre se vide de ses pensionnaires temporaires. En compagnie des deux enfants, nous prenons également congé d'Omar. Direction: la ville!

Un peu avant 16 heures, nous sommes au Marché Saint-Maur. La circulation y est dense. Les deux enfants se faufilent entre les étals par-ci, traversent la rue par-là, pressés de récupérer l'aumône, parfois au risque de leur vie, car il y a justement un petit enfant talibé qui a failli se faire renverser par un car. Mais au bout de quelques minutes, Aliou et Amadou ont fini de faire leurs points de passage habituels ici au marché. Et cette initiative leur a rapporté tout de même quelques pièces supplémentaires. A la sortie du marché, ils s'arrêtent au niveau d'une gargote tenue par une maman qu'ils appellent "kiliyane". L'échange dont nous venons d'être témoins nous fait tout de suite comprendre que les deux garçons revendent le riz qu'ils ont collecté jusqu'ici. Après cette petite transaction, nous nous dirigeons vers leur dernier point de chute, à savoir: Escale, le centre-ville!

Entre temps, il est presque 17 heures. Nos jambes sont lourdes. Nous sommes fatigués. Nos vêtements sont sales; ceux des deux enfants aussi commencent à subir les aléas de ce sale temps. Mais les deux enfants semblent être encore en forme. L'intensité de la pluie est montée d'un cran. Dans la rue, les gens pressent le pas. Les travailleurs sont pressés de monter dans les rares taxis et cars qu'ils voient. Alors, les deux enfants n'essaient même pas de les importuner. Aliou et Amadou marchent vite. Nous les suivons jusqu'au Rond Point Jean-Paul-II. Ils se dirigent l'un vers la station service Shell, l'autre vers Total. Nous sommes avec Amadou qui fait Shell. Il tente sa chance d'abord auprès des automobilistes qui viennent faire le plein. Il arrive à collecter quelques pièces. Nous jetons un coup d'œil de l'autre côté et apercevons Aliou qui lui aussi semble bien s'en sortir. Ensuite, un peu distrait par le ronflement du moteur d'une grosse moto qui passe, Amadou traine le pas pour aller demander l'aumône chez les pompistes. Un d'entre eux qui traine par là lui donne une pièce de 50 francs. Puis, un monsieur qui sort de la petite épicerie de la station l'appelle et lui donne une pièce de 100 francs et une pomme. L'enfant lui dit merci sans manquer de lui adresser des vœux comme il le fait à chaque fois que quelqu'un lui donne l'aumône. Il pleut encore plus fort que tout à l'heure. Mais là, nous sommes plutôt à l'abri. Les hauts toits de la station nous protègent. Le pompiste qui était à la pompe vient lui aussi se mettre à l'abri, après qu'il ait servi le dernier client de la file. Il salue Amadou par son nom et lui donne deux pièces de 25 francs, en discutant avec lui. Nous sommes curieux de savoir ce que Souleymane, le pompiste, pense des talibés en général. "C'est normal. Nous sommes dans un pays majoritairement musulman. Mais la plupart des gens ont aujourd'hui du mal à se faire à l'idée d'une bonne coexistence avec les talibés, parce que c'est parfois des enfants à problèmes, ils volent, ils sont parfois violents, ils se bagarrent pour un rien, et dans la rue ils font souvent des bêtises, sans obéir certaines règles de conduite. Mais ces deux enfants semblent être une exception" répond-t-il, en tapotant amicalement l'épaule d'Amadou et en montrant du doigt Aliou qui, au même moment, sort de Total et accourt vers nous. Il salue lui aussi le pompiste qui lui rend la politesse en l'appelant aussi par son nom. Apparemment, les deux enfants viennent souvent ici. Quel périple! De Lyndiane au centre-ville, à nu-pieds et par ce sale temps! Nous demandons aux enfants quand est-ce qu'ils doivent être à la maison. Ils disent qu'ils doivent être là-bas au plus tard avant la prière du crépuscule. Alors, nous pensons qu'il vaudrait mieux arrêter là notre reportage et rentrer avec les enfants.

Il est 17 heures passées de 50 minutes. Nous prenons tous congé de Souleymane qui est reparti occuper son poste. Un chauffeur de taxi qui

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