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A. Mayer : La persistance de l’Ancien Régime, L’Europe de 1848 à la Grande Guerre

Par   •  18 Avril 2018  •  2 913 Mots (12 Pages)  •  653 Vues

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En étudiant dans un quatrième temps les cultures officielles et avant-garde, A. Mayer veut démontrer que les produits de la culture officielle demeurent enracinés dans des conventions qui reprennent en les célébrant les traditions fondamentales de l´ordre ancien. Il étudie ainsi successivement l’art puis la religion et enfin l’instruction dans les différents pays d’Europe qui s’affronteront en 1914 pour prouver que les structures restent archaïques et encore attachées à l’Ancien Régime. Concernant les arts tout d’abord, Mayer évoque successivement l’architecture, la peinture et les arts dramatiques. Alors qu’en architecture les édifices construits ou rénovés reflètent la volonté de renouer avec le passé et sont loin de refléter l´entrée dans le nouvel âge industriel, la conservation de l’ordre ancien dans la peinture s’avère plus contestée. En effet, les naissances de mouvements modernistes et contestataires de l’Ancien Régime tels l’impressionnisme ou le futurisme permettent de remettre en cause l’alliance de l’art et de la politique qui suivait un but conservateur et garant du passé. Quant aux arts dramatiques, l´avant-garde musicale ne parvient ni à supplanter ni encore à mettre en péril le grand opéra ainsi que le ballet à travers lequel l’art aristocratique prend même une nouvelle vigueur au 19e siècle. Mais la situation religieuse en Europe témoigne également de la permanence de l’Ancien Régime en Europe avant 1914. En effet, la déchristianisation n’apparaît, selon Mayer, que très relative et l’autel resterait un pilier de l’Ancien Régime, grâce à la complicité entre l’Eglise et l’Etat. Dans la plupart des pays, l´Eglise catholique s´appuie sur des bases essentiellement pré-industrielles desquelles sont coupés les partisans du modernisme industriel et social. Les dissidents sont minoritaires et les croyances et pratiques traditionnelles sont conservées. Enfin, l’enseignement secondaire et supérieur s’aligne lui aussi sur le principe de conservation de l’Ancien Régime dans la mesure où les études classiques restent prépondérantes, ouvrant les portes de l´élite et de la haute fonction publique à une classe encore privilégiée. La modernisation des structures établies se fait difficilement d´où une tendance à la création d´un réseau scolaire séparé et défavorisé puisque, caractéristique traditionnelle, l’orientation reste la principale forme de ségrégation.

Dans son dernier chapitre, Mayer s’attache à étudier en quoi les visions du monde ont également contribué à la permanence de l’Ancien Régime de 1848 à 1914. Le darwinisme social apparaît comme l’idée force des classes dirigeantes et dominantes de l’Europe, c’est à dire encore constituées en majorité de la noblesse. Dans la mesure où cette théorie justifie la loi du plus fort, le darwinisme social apporte un soutien pseudo-scientifique aux vieilles classes dirigeantes qui étaient en train de se dessaisir. La pensée nietzschéenne quant à elle, accorde une priorité absolue à la culture d´élite et est un argument allant dans le sens de la réaction aristocratique montante puisqu’elle favorise la reconstitution des forces conservatrices de l´Ancien régime décidées à arrêter l´avancée du libéralisme et de la démocratie. De plus, les principaux courants du conservatisme sont unis par de nombreux liens idéologiques et organiques : la place centrale de l´héritage est un argument utilisé par les conservateurs pour accuser la civilisation moderne de déformer ce qu´il y avait d´essentiel dans l´héritage culturel du passé. Le culte de la nation devient alors le ciment des sociétés dans lesquelles les éléments féodaux occupent des postes-clé et notamment des responsabilités militaires.

Ainsi ce serait l’intransigeance du conservatisme décidé à fortifier l´ordre établi qui aurait provoqué une crise en Europe et non pas l´insurrection des forces populaires contre l´ordre établi. Les crises nationales se seraient transformées en une crise générale du fait que les principaux pays d´Europe devaient faire face aux mêmes crises, ce qui aggravait la rage du nationalisme et du réarmement et donc ouvrait la voie à un conflit international. Avec la montée de la crise, les mobiles et les préalables des conflits internationaux prennent un caractère de plus en plus politique, alors qu´auparavant la guerre avait des objectifs précis et limités. La guerre devient alors un instrument de la politique intérieure, du fait du bellicisme des ultraconservateurs.

La cible de l’attentat de Sarajevo n’aurait donc pas été tant la personne de Francois-Ferdinand d’Autriche mais ce qu’il incarnait : la noblesse élitiste, bien décidée à conserver les institutions traditionnelles afin de maintenir et prolonger à tout prix son statut de classe privilégiée. Selon A. Mayer, cette élite féodale et conservatrice encore bien présente en 1914 ne sera vaincue non pas à la fin de la Première Guerre mondiale mais à la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire, pour Mayer, à l’issue de la guerre de Trente ans du XXème siècle.

Critique de l’œuvre :

La critique de l’ouvrage d’Arno Mayer peut s’organiser autour de plusieurs points. Tout d’abord, l’auteur exagère la persistance de la prédominance de la noblesse et sous-estime l’influence de plus en plus importante de la bourgeoisie et de l’industrie à la fin du XIXème siècle et jusqu’en 1914. De plus, Arno Mayer, dans son analyse, s’appuie sur une comparaison tant entre pays qu’entre classes politiques et éclipse les diversités au sein de ces dernières ainsi que certaines différences notables entre les pays qui auraient rendu le tableau comparatif plus ardu à dresser, notamment sur les plans politique et économique. Enfin, la thèse selon laquelle la Première Guerre mondiale aurait été causée par la volonté belliciste d’une seule classe, la noblesse, dans le but de conserver une place sur la scène politique et que la montée en puissance de la bourgeoisie n’ait pas joué un rôle dans le déclenchement du conflit reste contestable.

La noblesse ne résiste pas si bien à la modernisation que A. Mayer l’affirme. Il apparaît même que la montée en puissance de forces contestatrices pousse l’aristocratie à devoir réagir pour assurer sa survie : elle est alors contrainte d’agir et de se plier à la modernisation politique de l’Europe. Mais, en se modernisant, elle ne fait que diminuer sa puissance et son influence. Elle le fait d’elle-même comme en Russie où, sous la pression des évènements de janvier 1905 et des mutineries dans la flotte, Nicolas II et son ministre

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