Essays.club - Dissertations, travaux de recherche, examens, fiches de lecture, BAC, notes de recherche et mémoires
Recherche

Le roman et la nouvelle réaliste du XIV ème siècle

Par   •  7 Juin 2018  •  2 436 Mots (10 Pages)  •  714 Vues

Page 1 sur 10

...

b) : L’indifférence de Julien

Cette lucidité intervient pendant les moments de répit, la douleur étant trop forte pour lui permettre de réfléchir à d’autres moments : « Parfois la crise devenait tellement violente que toute idée s’éteignait en elle ». Comme nous l’avons commenté précédemment, Jeanne n’est plus que souffrance. Les deux paragraphes s’opposent. Le paragraphe suivant commence ainsi : « Dans les minutes d’apaisement elle ne pouvait détacher son œil de Julien ». Elle devient alors extrêmement lucide comme l’indique la métaphore : « Elle retrouvait avec une mémoire sans ombres… ». Mais cette lucidité la fait d’avantage souffrir, ajoutant une souffrance morale à la souffrance physique. De la même façon qu’il avait défini la souffrance physique, le narrateur défini précisément cette souffrance et la met en valeur par la répétition et les allitération en {l} : il s’agit d « une douleur de l’âme » qui l’ « étreint », c’est-à-dire d’une souffrance intérieure et profonde qui s’empare d’elle. Jeanne revoit alors Julien tel qu’il était lors de l’accouchement de Rosalie et la ressemblance entre son attitude passée et présente la révolte : « Elle retrouvait avec une mémoire sans ombres les gestes, les regards, les paroles de son mari devant cette fille étendue ». Cette ressemblance est d’abord mise en valeur par l’emploi des verbes « retrouver » et « se rappeler » et de l’adjectif « même » : « se rappelant le jour où sa bonne était tombée aux pieds de ce même lit. ». Cette mémoire sans faille lui permet de comparer les deux scènes. Jeanne va d’une scène à l’autre, faisant un parallèle constant à la fois entre Rosalie et elle et entre le Julien d’autrefois et celui d’aujourd’hui. L’énumération au pluriel des « gestes, (des) regards, (des) paroles de son mari devant cette fille étendue » montre que tout le passé défile sous les yeux de Jeanne et qu’elle se remémore ce moment du passé comme une véritable scène. L’emploi métaphorique du verbe « lire » souligne sa clairvoyance et la nouvelle distance qu’elle vient de mettre entre elle et cet étranger, qui est pourtant son époux et le père de son enfant : « et maintenant elle lisait en lui, comme si ses pensées eussent été écrites dans ses mouvements, elle lisait le même ennui, la même indifférence pour elle que pour l’autre, le même insouci d’homme égoïste, que la paternité irrite. » Julien est désigné par le terme générique de « mari » et par la périphrase « homme égoïste » ; il est aussi caractérisé parce qu’elle découvre en lui : « ennui », « indifférence », « insouci », « irritation ». Ces quatre expressions en gradation se répondent, prenant ainsi de l’ampleur. La répétition de l’adjectif « même » souligne la ressemblance entre passé et présent et condamne Julien. Le néologisme « insouci » met en valeur son indifférence, son absence de solitude.

Axe III. a) : LA DECOUVERTE DE LA MATERNITE, De la haine du père à celle de l’enfant à naître.

Métamorphosée par la douleur, Jeanne maudissait déjà Dieu. Voici que désormais elle éprouve la même haine pour son époux et sa progéniture.

Jeanne, en quelque sorte, n’a plus d’existence propre, elle est devenue ce qu’elle ressent : « Alors une révolte furieuse, un besoin de maudire emplit son âme, et une haine exaspérée… ». Ce sont des sentiments extrêmement violents qui, manifestement, étant en gradation, montent en elle et l’envahissent de façon progressive : « emplit son âme » : l’on passe de la « révolte furieuse » (rappelons que furieux signifie « qui rend fou »), au « besoin de maudire » puis à la haine et, notamment une haine qualifiée d’« exaspérée » et donc d’une extrême intensité, parvenue au plus haut point. La haine pour son époux rejaillit sur l’enfant. Le rythme et le parallélisme syntaxique des deux propositions mettent sur le même plan le père et l’enfant : « contre cet homme qui l’avait perdue, et contre l’enfant inconnu qui la tuait ». L’enfant à naître est en effet pour elle « un enfant inconnu » et n’est pour l’instant qu’une source de souffrance, et de souffrances délétères, comme le montre l’expression : « l’enfant inconnu qui la tuait ». Maupassant, auteur réaliste, désire montrer comment la souffrance modifie les sentiments des êtres les plus doux. On est bien loin de l’idéalisation de l’accouchement, symbole d’espoir et de renouveau, et celle de la mère, incarnation de l’amour total. Le principe déjà évoqué de focalisation interne permet au lecteur de lire dans les pensées de Jeanne qui, pour l’instant, maudit cet enfant et le considère « un fardeau ». Au moment où il naît, l’ignorance de Jeanne apparaît à travers l’emploi du pronom indéfini « quelque chose » : « Ils enlevèrent quelque chose ».

b) : La haine métamorphosée en amour fanatique.

Le personnage central après tant de peine et un dernier effort : « Elle se tendit dans un effort suprême pour rejeter d’elle ce fardeau. », met alors fin à ses souffrances. Dans le passage suivant : « Il lui sembla soudain que tout son ventre se vidait brusquement et sa souffrance s’apaisa. », symbolise la délivrance et le soulagement des douleurs antérieures. Jeanne revint alors à son état normal et de lucidité. Le connecteur logique « puis » (ligne 24) souligne le changement. Tout d’abord, elle entend les vagissements de ce petit être chétif, puis à travers l’expression : « puis ce petit cri douloureux, ce miaulement frêle d’enfant nouveau-né lui entra dans l’âme, dans le cœur, dans tout son pauvre corps épuisé ; et elle voulut, d’un geste inconscient tendre les bras. », s’y attacha entièrement. Sa douleur et sa fatigue n’avait plus d’importance, car elle percevait maintenant son enfant, comme son enfant et non comme un adversaire pernicieux ou un ennemi qui a, comme nous l’avons vu, a eu un impact sur son état physique et psychologique, extrême. Elle passe donc du tout au tout. Un réel ravinement dans les phrases est constaté : « Ce fut en elle une traversée de joie, un élan vers un bonheur nouveau, qui venait d’éclore. Elle se trouvait, en une seconde, délivrée, apaisée, heureuse, heureuse comme elle ne l’avait jamais été. Son cœur et sa chair se ravissaient, elle se sentait mère ! ». Jeanne éprouve alors un amour au-delà de l’entendement, c’est un réel renouveau. L’intervention du verbe « se ranimaient », signifie, en quelque mesure, qu’elle avait perdu sa vie et

...

Télécharger :   txt (14.9 Kb)   pdf (56.5 Kb)   docx (16.5 Kb)  
Voir 9 pages de plus »
Uniquement disponible sur Essays.club