L'autonomie originelle du droit administatif
Par Junecooper • 16 Mai 2018 • 2 332 Mots (10 Pages) • 618 Vues
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Dans un premier temps, il se rend devant les juridictions de l’ordre judiciaire, ces dernières se considérant compétentes pour trancher ce type de litige. Cependant, le préfet de Gironde (représentant de l’Etat et des ouvriers mis en cause) affirmait que ces juridictions n’étaient pas compétentes puisque le litige touchait l’Etat et non pas une personne privée. Ainsi, toujours selon le préfet, M Blanco devrait se rendre devant une juridiction administrative, à savoir le Conseil d’Etat. Le préfet a donc saisi le Tribunal des Conflits quant à ce litige de compétence et en se fondant sur la loi des 16-24 août 1790, ce dernier affirme que les juridictions judiciaires sont incompétentes au regard du principe d’interdiction posé par la loi.
Analysons le dispositif de cette décision : tout d’abord, le Tribunal des Conflits affirme que« la responsabilité qui peut incomber à l’Etat pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qui’l emplit dans le service public ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil pour les rapports de particuliers à particuliers » : ainsi, le Tribunal des Conflits estime que le droit privé n’est pas d’application ici puisque même si les ouvriers sont des personnes privées, ils sont au service de l’Etat au sein d’une entreprise publique.
Le Tribunal de Conflits poursuit en disant que « la responsabilité de l’administration a ses règles spéciales qui varient selon les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droit privés » : le droit commun est donc inapplicable et il faut donc élaborer ces règles à travers le caractère prétorien du droit administratif (une liaison de fond et de forme devient donc effective, dans le sens que c’est le juge qui va établir ces nouvelles règles de droit). Cette décision qui ne traite que de la responsabilité de l’Etat a bien évidement connu des précédents, tels que les lois administratives évoquées plus haut.
Ainsi, nous avons pu voir qu’à travers ces lois administratives ou la décision « Blanco », le droit administratif a une autonomie forte et même consacrée : la législation portée à cette autonomie et la constitutionnalisation du principe de séparation stricte des pouvoirs montrent bien que c’est une droit exorbitant, dérogatoire du droit privé qui régit les rapports entre particuliers uniquement. Le droit administratif va donc régir les règles entre les personnes publiques elles-même ou d’une personne privée et d’une personne publique sur la base de règles nouvelles et spéciales. Mais comme un personne privée peut faire appel au droit public pour trancher un litige, existe-t-il réellement une séparation étanche entre ces deux ordres juridiques ?
II) Une autonomie cependant mitigée : une influence réciproque des ordres juridiques
Malgré un principe de séparation stricte affirmé en théorie, nous verrons qu’en pratique il existe une certaines ingérence des personnes privées dans le droit administratif (A) voire qu’un transfert de compétences entre les deux ordres juridiques est possible (B)
- La création d’un droit hybride : des personnes privées soumises au droit public
Le principe du dualisme juridictionnel est la séparation stricte de ce dernier posé, comme nous l’avons vu, par les lois administratives et affirmé par la décision « Blanco ». Cependant, nous avons pu constater que la définition du droit administratif traitait de la gestion des activités de service public par des personnes publiques mais également par des personnes privés. Ainsi, une ingérence des personne privée dans le domaine public est possible.
Prenons l’exemple de l’arrêt dit « Caisse primaire Aide et Protection » rendu par le Conseil d’Etat en 1938 : le Conseil d’Etat reconnait qu’une personne privée peut gérer une activité de service public. Nous pouvons également évoquer l’arrêt dit « Monpeurt » rendu par le Conseil d’Etat en 1942 : ce dernier est en quelque sorte une continuité de l’arrêt de 1938 puisqu’il donne les conditions d’édiction d’un acte administratif pris par une personne privée : ainsi, la personne privée doit être investie d’une mission de service public et l’acte en question doit être une application d’une prérogative de puissance publique. C’est le cas des actes administratif unilatéraux qui ont pour but de changer l’ordonnancement juridique, c’est-à-dire de créer de nouvelles règles sans que les destinataires (les citoyens) n’aient donné leur consentement. Ainsi que ce soit un acte unilatéral réglementaire (décrets etc) ou un acte unilatéral non-réglementaire (qui visent nommément un destinataire, autrement appelé acte individuel), cette fonction n’a pas une moindre importance puisqu’elle peut, comme nous l’avons dit, modifier ou créer de nouvelles règles de droit et pourtant, elle est peut être confiée à une personne privée. La séparation stricte n’est donc plus assurée.
Il en va de même en matière de responsabilité : en nous appuyant sur l’arrêt Blanco à nouveau, il faut rechercher l‘origine du dommage pour distinguer la juridiction compétente pour répondre de ce litige. La Section du contentieux du Conseil d’Etat a rendu l’arrêt « SA Bureau VERITAS » en 1983 qui pose la condition d’application de la responsabilité : en effet, si le dommage prend son origine dans l’exercice d’une personne privée investie d’une prérogative de droit public, c’est le juge administratif et donc le droit administratif qui sont compétents pour juger ce litige. A nouveau, une personne privée peut être soumise au régime du droit public mais reste, par principe, soumise au droit privé.
B) Une séparation des compétences absolue non-respectée
Comme nous l’avons vu, la loi des 16-24 août 1790 pose le principe de séparation des fonctions administratives et judiciaires et de dualisme juridique. Cependant, nous pouvons observer que ce principe de séparation des compétences n’est pas étanche en pratique.
Il faut se pencher sur l’arrêt « Conseil de la Concurrence » rendu par le Conseil Constitutionnel le 23 janvier 1987 : en effet, cet arrêt pose, dans la continuité de « Blanco », le principe de compétence exclusive de la juridiction administrative (ou le « noyau dur de la compétence du juge administratif »). Ainsi, un transfert de compétences entre les juges ne peut se faire, et ce principe a également été consacré par la Constitution comme étant un Principe Fondamental Reconnu par les
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