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Bourdieu - fiche de lecture

Par   •  17 Juin 2018  •  5 093 Mots (21 Pages)  •  736 Vues

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Le plateau et ses coulisses

Poussée par l’appât du gain c’est à dire la recherche de l’audimat, ce « Dieu caché de la télévision », la télévision fait courir un grand danger à la production culturelle, art, littérature, philosophie, sciences, droit etc.

La censure invisible

On s’attend à penser que la censure est politique. On peut également penser aux censures économiques. Mais se contenter de dire que ce qui se passe à la télé est déterminé par les gens qui la possèdent, par les annonceurs et par l’Etat, qui verse des subventions , serait insuffisant : il existe en effet, des censures moins grossièrement visibles.

La télévision exerce une forme de violence symbolique ; avec la complicité inconsciente de ceux qui la subissent et de ceux qui l’exerce, des téléspectateurs et du journaliste : La télévision cache en montrant. Bourdieu explique que les faits divers, qui font consensus et qui sont sans enjeu, constituent la « denrée rudimentaire de l’information », alors même qu’en télévision, l’élément le plus rare est le temps. Penser qu’on emploie « un temps si précieux pour dire des choses si futiles », amène à s’interroger sur l’importance de ces choses : on en conclut que les faits divers font diversion : à remplir, comme le fait la télévision, un temps précieux avec du vide, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques.

Cela créé parallèlement un fossé entre ceux qui ont pour seul bagage politique l’information fournie par la télévision, et qui constituent une grande partie de la population, et les autres.

Cacher en montrant

La télévision a cette propriété de cacher ; en montrant autre chose que ce qu’il faudrait montrer pour véritablement informer le spectateur, ou en le montrant de telle manière qu’elle ne le montre pas: elle va déconstruire un événement, le montrer insignifiant ou au contraire le reconstruire de telle manière qu’il ne corresponde plus du tout à sa réalité.

Bourdieu donne l’exemple des « émeutes » en banlieue. Il souligne que le choix de ces informations et de leurs modalités de diffusion sont le résultat de l’habitus propre au journaliste : les journalistes, tenus à la fois par les « propensions inhérentes à leur métier, à leur formation, à leur vision du monde, à leurs dispositions, mais aussi par la logique de la profession dans laquelle ils évoluent, sélectionnent dans la réalité sociale un aspect tout à fait particulier et qui ne correspond généralement pas à grand-chose ». Bourdieu parle des « catégories » de Kant, fruit de notre éducation, nos expériences etc. Le mécanisme est alors clair : Les journalistes opèrent en deux étapes : une étape de sélection, puis une étape de construction de l’information sélectionnée.

Le critère de sélection est bien entendu le sensationnel, l’extra-ordinaire : la télévision dramatise. Les journalistes sont à la recherche du scoop, mais se copient mutuellement pour se devancer, ce qui aboutit à une uniformisation et donc une banalisation des informations.

Cette recherche acharnée de l’extraordinaire peut avoir des effets démesurés. « Grâce à sa puissance d’évocation, l’image télévisée peut faire exister des idées, des représentations ou des groupes ». La télévision devient un instrument de création de la réalité. Bourdieu donne l’exemple des manifestations étudiantes où les journalistes ont eux même créé des porte-paroles. Le monde social est ainsi prescrit par la télévision. La télévision devient l’arbitre de l’accès à l’existence sociale et politique. Ainsi, on entre dans une logique de lutte entre groupes, pour une bonne représentativité à la télévision : on fait des manifestations pour la télévision.

La circulation circulaire de l’information

Il n’y a pas une figure de journaliste abstraite mais des journalistes parmi lesquels il existe des clivages et des rivalités.

« Pour arriver avant les autres, ils sont amenés à faire des choses qu’ils ne feraient pas si les autres n’existaient pas ». Pour savoir ce qu’ils vont dire, ils doivent savoir ce que les autres ont dit et calquent les sujets qu’ils vont traiter sur leurs confrères. Ainsi, les produits télévisés sont des produits collectifs, pas seulement du fait qu’ils sont le fruit du travail d’une rédaction, mais du collectif constitué par l’ensemble des journalistes, unis par la concurrence. Bourdieu rappel l’exercice de la revue de la presse, qui est un outil de travail du journaliste.

La télévision finit par proposer une production uniforme. Au lieu de produire de la différence, la logique du marché aboutit à tout homogénéiser. Ainsi le journaliste chargé d’informer le public, est informé par d’autres journalistes qui choisissent ce qui est important ou pas, ce qui conduit à un « nivellement des hiérarchies d’importances ».

Ce mode de fonctionnement des journalistes vise à la fois à être dans le coup et à se démarquer, souvent par des différences infimes qui passent inaperçues pour les téléspectateurs, mais, qui selon les producteurs contribuent au succès de l’audimat.

L’Audimat s’est imposé à tous, à quelques rares exceptions près, et la force de cette mesure, devenue une institution, a été de créer une mentalité : « Dans les rédactions, on pense en terme de succès commercial. Et pourtant, il y a encore une trentaine d’années, le succès commercial pour un produit culturel était mal vu. On y voyait un signe d’indignité, de corruption etc. « A travers l’audimat, c’est la logique du succès commercial qui s’impose aux productions culturelles : musique, littérature, sciences etc.

L’urgence et le fast-thinking

La télévision est régie par l’urgence dans la diffusion des informations et les limites du temps d’antenne. De telles contraintes constituent un frein à la diffusion d’informations de qualité. La pensée est par définition subversive, et demande du temps. Elle doit commencer par démonter des idées reçues, pour ensuite démontrer (la ‘’chaîne de raison’’ de Descartes). Le déploiement de la pensée est intrinsèquement lié au temps. Le temps étant un précieux à la télévision les intervenants sont choisis pour leurs capacités à réagir rapidement, à rebondir sur base de lieux communs, d’idées

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