APP prendre soin d"un patient en EHPAD
Par Junecooper • 25 Octobre 2018 • 4 334 Mots (18 Pages) • 701 Vues
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Article L 1110-5 : « …Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toutes circonstances prévenue, évaluée, prise en compte et traitée… »
Le rôle des soignants dans la prise en charge des douleurs induites est décrit par Evelyne Malaquin-Pavan dans l’ouvrage « Les douleurs induites » [3] : « prendre en compte les douleurs induites par les soins nécessite d’identifier –sans excès ni complaisance- qu’il y a bel et bien des gestes, des soins dont la réalisation provoque de la douleur aigue, une majoration de l’inconfort ou de la souffrance voire une chronicisation délétère. »
Dans le même chapitre, les facteurs d’influence du vécu douloureux du patient sont décrits (ibidem) :
« La crainte, l’insécurité, l’insomnie ou un mauvais repos, la fatigue comme l’hyperstimulation (toutes deux source de passivité), l’absence de reconnaissance de ce ressenti douloureux par l’entourage, la perte du sens et l’isolement diminuent les capacités du patient à faire face. Le vécu douloureux, individuel, est influencé par de nombreux facteurs en interaction : insuffisamment pris en considération, ils peuvent engendrer des comportements d’agressivité, d’opposition ou de retrait, en lien avec l’impuissance ressentie.
Pour guider le décodage soignant dans cette intrication souvent plurielle, voici les principaux facteurs de l’impact douloureux :
- la nature même du soin concerné et l’endroit du corps où il s’effectue ;
- le lien au(x) soignant(s) en charge de celui-ci (en termes de confiance ou d’inquiétude parce que le soignant n’est pas connu ou trop connu !) ;
- la durée et la répétition du soin (phénomène d’usure bien décrite chez les patients présentant des maladies chroniques ou cancéreuses) ;
- l’ancienneté de la maladie, du handicap et son évolution (curable ? en rechute ?) dans tout le maillage de pertes et de renoncement au fil du temps ;
- l’âge de la personne et son degré de fatigue;
- la compréhension de la raison du soin;
- les antécédents de douleur déjà vécue par la personne (notamment pour un même type de geste sur elle-même ou ce qu’elle garde en mémoire dans l’expérience familiale antérieure) ;
- la représentation qu’elle se fait de l’acte (par ce qu’elle en a lu, vu, entendu raconté par/pour d’autres patients ou du fait de la vision du matériel préparé) ;
- l’état psychologique de base et l’état actuel de la personne (anxiété, peur, dépression, lâcher-prise…) - les croyances de la personne dans les thérapeutiques proposées ;
- l’environnement dans lequel le soin se déroule (calme, agité, bruyant, habituel, nouveau…) ;
- la maîtrise technique du soignant (dextérité, sécurité gestuelle, assurance verbale) ;
- la volonté soignante de personnalisation du soin, bon gré, malgré sa potentielle répétitivité chronique.
Evelyne Malaquin – Pavan continue en exposant les principales causes des douleurs induites, en lien avec :
«- une organisation inadaptée des soins (par défaut d’anticipation, incohérences interdisciplinaires, styles multiples de soignants se succédant auprès d’un même patient, charge en soin trop élevée…) ;
- une inadaptation des locaux, du matériel et de l’environnement;
- une sous-utilisation des thérapeutiques symptomatologiques (notamment les couvertures antalgiques, le respect des délais d’actions) ou des matériels à disposition par méconnaissance ou défaut de concertation;
- une approche trop rapide ou inadaptée de la personne soignée, de son corps, ne facilitant pas sa coopération ou renforçant sa crispation réactionnelle ;
- un décalage entre le rythme soignant extrêmement rapide et la vacuité du temps de l’entre soin pour le patient, encore plus marqué si celui-ci est très dépendant ou isolé. »
L’auteur évoque ensuite l’importance de la prise de décision en équipe pluridisciplinaire devant un soin potentiellement douloureux en tenant compte de l’unicité de la personne chez qui le soin doit être prodigué [4]:
«- La douleur déclenchée par ce soin est-elle potentielle ou d’emblée une évidence du fait de son aspect invasif?
- En quoi ce soin va-t-il contribuer à la prise en charge thérapeutique du patient: quels sont les bénéfices escomptés, y a-t-il espérance d’un traitement possible, d’une augmentation de confort après le geste (par exemple meilleure respiration après une ponction d’ascite, meilleur sommeil ou état cutané après une toilette au chariot douche, lever d’un bloc douloureux par le sondage…)? De la même manière, quels en sont les inconvénients inhérents à évaluer?
- Peut-on se passer de ce geste? Si l’on renonce à ce soin, quelle différence pour le patient ? Y a-t-il d’autres alternatives et, si oui, sont-elles envisageables pour ce patient?
- Y a-t-il urgence ou peut-on différer ce soin pour optimiser l’organisation des soins, adapter les thérapeutiques antalgiques?
En complément à ce questionnement interdisciplinaire, trois autres grandes questions restent à se poser, en lien avec les facteurs d’influence du vécu douloureux cités plus haut:
- Le soignant/l’équipe sont-ils bien sûrs d’avoir tous les éléments de compréhension pour appréhender le sens que le patient donne/perçoit à ce soin et si non, quelle contribution rechercher auprès de l’entourage, des autres collègues… surtout si le patient ne peut l’expliquer lui-même?
- Quelle information est à donner (contenu - forme), par qui et à quel moment pour recueillir, certes, le consentement du patient au soin, mais qui soit également basé sur sa capacité à retenir l’information (pour éviter d’augmenter une anxiété réactionnelle du fait de sa mémoire, de son vécu antérieur…) ?
- Quelle est l’approche soignante et l’organisation avant - pendant - après le soin à adopter par le(s) soignant(s) afin de réduire au mieux les risques iatrogènes d’inconfort ou de douleur surajoutée?
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