À la lumière de cette citation de Georges Duby, vous vous interrogerez sur l’importance et l’enjeu de ces oeuvres dans l’espace urbain, à la période contemporaine
Par Matt • 26 Août 2018 • 4 174 Mots (17 Pages) • 777 Vues
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L’œuvre Les deux Plateaux se compose de colonnes de différentes tailles peintes avec le motif qui est aussi en quelque sorte la signature de Buren : une alternance de bandes noires et blanches de 7,8 cm chacune. Elle se situe dans la cour du Palais Royal à Paris, cour carrée de 3000 m² dont Buren a découpé le sol d'un quadrillage matérialisé par des bandes composées de carrés noirs et blancs faisant chacun 7,8cm de côté. L’œuvre qui se déploie sur deux niveaux, l'un plat l'autre incliné, jette le trouble sur le plan spatial et celui de l'échelle des colonnes car, par le jeu de grilles sur le sol et des différents niveaux, on aperçoit la partie immergée des colonnes plus basses que les autres, laissant à penser qu'elles ont finalement toutes la même taille mais qu'elles sont enfoncées dans le sol à des degrés différents. Initialement des fontaines devait être aménagées afin de refléter les colonnes du plan supérieur mais cela n'a jamais été finalisé, de même que les lumières devant matérialiser les colonnes la nuit resteront éteintes. L’œuvre traverse bien des déboires et cette dispute entre le l'art classique et l'art moderne devient rapidement un affrontement politique intense entre la gauche et la droite, mais aussi une bataille médiatique et sociale très présente dans le paysage français. Cette affaire fait la Une des journaux télévisés et de la presse écrite. Les critiques fusent : « Trop moderne et hautement intellectuelle » aux dires de la Commission Supérieure des Monuments Historiques, elle va « dénaturer un site exceptionnel » selon les riverains. Cette œuvre est emblématique de la controverse que peut faire naître l'art contemporain quand il est associé au patrimoine historique. En effet, l'idée que l'art contemporain ne soit définitivement pas en adéquation avec le patrimoine historique et culturel est palpable. De manière général, le public est peu habitué à être en face d’œuvre In situ, c'est à dire entrant en dialogue avec son environnement. Subissant un changement de gouvernement en plein milieu de sa réalisation, l’œuvre a faillit être détruite avant même son inauguration. Mais le système judiciaire de protection des œuvres et de droit moral des artistes permit à Buren de la sauver via le dépôt d'une plainte. Durant toute la phase de réalisation, l’œuvre est cachée derrière des palissades de bois qui se retrouvent vite recouvertes de graffitis « anti-Buren ». Des phrases très violentes sont relevées. Il est rare dans l'Histoire de l'Art qu'une œuvre ait déchaîné autant de violence et de haine. A maintes reprises avant cette œuvre, Buren a fait l'objet de critiques de la part du public. En effet, affichiste de la pensée 68 très présent dans le paysage urbain, notamment à Paris, le public ne se reconnaît pas dans son œuvre. Buren interroge, il exprime, mais ses affiches, comme l'écrit Paul Ardenne dans Un Art Contextuel (Flammarion, Paris, 2002, p.99) « apparaissent […] comme une énigme, comme une affirmation qui n'affirme rien – des bandes noires et blanches, autant dire quoi ? ». Or dans ce site du patrimoine historique de Paris qu'est le Palais Royal, les gens (le public et les institutions) veulent pouvoir se reconnaître. Ils veulent y voir du lien, du sens, pourquoi pas des revendications, mais pour eux, l’art de Buren « ne revendique rien » (Paul Ardenne, Un Art Contextuel,Flammarion, Paris, 2002, p.101), il est beaucoup trop conceptuel. De plus, l'argent qui finance cette œuvre est issu du 1% artistique, un budget gouvernemental donc payé par leurs impôts. Cette revendication amène également une légitimation du public à vouloir exprimer son avis sur le choix décisionnel de la commande et la réalisation formelle de cette œuvre.
Quoiqu'il en soit Buren gagne son pari grâce à la virtuosité dont il fait preuve pour insérer son œuvre dans l'espace architectural qui l'accueille. En effet, il la conçoit en faisant en sorte qu'elle s'intègre parfaitement à l'espace, prélevant des éléments plastiques du Palais Royal pour les intégrer à son travail de sorte qu'ils entrent en résonance les uns avec les autres. De même, il invite le spectateur à explorer son œuvre par la marche, la déambulation, or « toute exploration, toute conquête, en l'occurrence, se traduisent par un sentiment de possession concrète, à l'échelle physique du corps […]. Sentiment positif, on le pressent, qui a sa conséquence » (Paul Ardenne, Un Art Contextuel, Flammarion, Paris, 2002, p.98). Conséquence qui est ici non seulement l'acceptation des Deux Plateaux par le public mais aussi la consécration de l'artiste qui se verra attribuer un prix pour la réalisation de cette œuvre, puis, ironie de l'Histoire, du classement de l’œuvre au Patrimoine Historique, rejoignant ainsi le Palais Royal. La liberté de choix plastique de l'artiste défie de ce fait les critiques découlant du caractère public de la commande et s'impose finalement comme cohérente.
L'intégration de l’œuvre à son espace environnant est donc une notion essentielle afin que le public puisse se l'approprier. Peupler les lieux de vie, l'espace public urbain, mais de manière harmonieuse et logique. Cependant être en adéquation plastiquement ne veut pas forcément dire adhérer à l'idéologie qui gouverne les espaces publics, organisés pour être avant tout des espaces de gestion et de contrôle des populations. Ainsi, une œuvre peut-elle interroger et être en confrontation alors même qu'elle épouse les codes de l'urbanisme. Batcolumn de Claes Oldenburg, réalisée à Chicago en 1977, se dresse à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. La fascination d'Oldenburg pour les architectures monumentales est lisible dans cette sculpture pour laquelle l'artiste a opéré des choix plastiques adhérant à l'environnement direct. La verticalité et les dimensions démesurées, le parti-pris des ouvertures qui sont vues comme les miroirs des vitres des grattes-ciels, reflétant la sculpture elle-même, tout cela renvoie au gigantisme des architectures de l'espace urbain caractéristique des villes américaines. Mais l'artiste évoque également un côté absurde et fait preuve d'un certain humour en élevant à une dimension colossale un objet du quotidien. Il propulse à la dimension d’œuvre d'art un objet tout ce qu'il a de plus trivial. Il y fait une allusion directe au base-ball, un des sports favoris du peuple américain, permettant de créer un lien entre l’œuvre et le public par le clin d’œil sémantique et ainsi gagner son attention
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