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L’imprévue était-il imprévisible ?

Par   •  26 Novembre 2018  •  2 163 Mots (9 Pages)  •  360 Vues

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Mais si la mise en évidence du caractère imaginaire de la contingence par

pour autant critiquable ? Il faut maintenant rappeler l'enjeu éthique inhérent à

contre les conséquences néfastes du nécessitarisme logique des mégariques tel

qu'il apparaît dans la formulation de l'argument dominateur par Diodore Kronos systématiquement au chapitre 9 du « De interpretatione », autour de l'exemple de la proposition : « une bataille navale aura lieu demain »

Comment penser la réalité du possible alors même que nous croyons avoir affaire à deux concepts bien distincts, d'une part le réel qui est de fait et qui, d'une certaine façon, demeure sans appel, et d'autre part, le possible qui se déploie dans nos représentations, nos peurs, nos attentes, nos projections, mais qui, à proprement parler, n'est pas réel du moins au sens où il n'est pas réalisé. Le réel était possible, certes, puisqu'il est devenu réel mais tous ces possibles qui ne sont pas actualisés avaient-ils à proprement parler une réalité ? On voit donc en quels termes triviaux évoquer la possibilité du réel mais on voit mal, en revanche, comment parler de la réalité de ce qui n'est aucunement, même si cet aucunement est peut-être simplement un « pas encore ».Nous sommes ainsi conduits à poser une distinction, pour pouvoir parler de la réalité du possible, entre la réalité et la réalisation. La réalité, si réalité du possible il y a, n'est pas réalisée, sans quoi nous n'aurions pas affaire à du possible mais à du réel. Si la réalité du possible pose problème, c'est en tant que ce possible n'est pas réalisé mais qu'il est comme en suspens de nos actes. Il faut donc le comprendre comme réalisable mais non comme réalisé : quelle est la réalité du réalisable non réalisé ?

Quoi qu'il en soit, ce possible non réalisé pèse sur nous, et ce poids est un poids bien réel, du moins dans ce que nous en ressentons. Menace, projet, désir, telle est la réalité qu'il faut donner à ce possible, en tenant compte de ce que les projets peuvent être idéalistes, les menaces imaginaires et les désirs sans objet réel. Où sera alors la réalité de ces possibles, si ce n'est dans les réactions qu'ils susciteront en nous, et qui leur donneraient peut-être alors une réalité quand bien même ils seraient entièrement voués à l'irréalité ? Il faut parvenir à distinguer un possible qui n'aurait pas de réalité et un possible qui en aurait une pour pouvoir parler de la réalité du possible. L'enjeu est en effet ici de ne pas confondre pour autant le possible doué de réalité avec le réel, et le possible auquel cette part manque avec l'impossible. Tout au moins faut-il pouvoir dire dans quelle mesure ce possible est réel, quelle est en lui la part de réalité. Nous pouvons en ce sens rapprocher le terme possible du terme de puissance au sens qu'Aristote donne à ce ternie : « Nous appelons savant en puissance celui qui même ne spécule pas, s'il a la faculté de spéculer'. » Le savant peut ne pas être actuellement en train de spéculer : il peut dormir ou manger, ou faire autre

chose qui ne lui demande pas de mettre en oeuvre sa science. En ce sens, le possible a bien une réalité. Cette possibilité pour le savant de spéculer n'est pas irréelle quand bien même elle n'est pas actuellement réalisée : elle reste comme en attente de son activité, prête à reprendre à sa demande, dès lors qu'il en éprouvera le besoin ou l'envie. Le possible est donc réel en ce qu'il est contingent pour lui de n'être pas actuellement réalisé, de n'être pas en acte. Mais cela pose un problème à l'égard de ces possibles qui ne peuvent être actualisés. En quel sens pourrons-nous dire alors qu'ils ont une certaine réalité, qu'ils participent de la réalité ? Ou bien faut-il comprendre que nous tenons là un moyen de distinction entre deux sortes de possibles, ceux dont je sais que la non-réalisation n'est que contingence et ceux dont je sais que leur réalisation, sans être à proprement parler impossible, est beaucoup plus lointaine ? Mais n'y a-t-il pas là un risque de confusion avec l'impossible ?

Nous comprenons cependant par contrecoup quelle est la réalité de notre éducation : c'est de rendre possible notre accomplissement et de nous laisser le réaliser comme nous l'entendons2. De même que l'apprentissage d'une langue rend possible, à travers elle, l'expression de toutes nos pensées, quelles qu'elles soient, même si nous ne sommes pas actuellement en train d'utiliser cette possibilité. Nous proposerions donc de réserver le terme de réalité pour parler des possibles qu'il est possible d'accomplir et non pas de ces possibles qui ne seront qu'en_pensée. Nous ne pouvons à leur égard parler de la réalité du possible. C'est un possible qui n'appartient Qu'a ma pensée, qu'à ma représentation, qu'à mon pouvoir de me représenter par la pensée ce que je ne peux pas mettre en acte dans le monde. En ce sens, nous dirions que ce possible n'est pas réel, qu'il est réel en un sens second mais non au sens où il pourrait rejoindre ce monde et s'y manifester. Il y a donc une irréalité de ce possible qui ne le transforme pas pour autant en un impossible. Or c'est bien ce terme avec lequel nous avions craint une confusion qu'il s'avère possible d'éviter à présent. Le possible est donc ce qui me fait agir dans le monde. En ce sens, il n'est guère envisageable de nier sa réalité, parce que c'est ce poids qu'il a dans le monde avant même d'y être réalisé qui me fait agir et qui conti¬nuera à me faire agir tant que je serai en vie. Encore que le jeu avec le possible est aussi souvent plus trouble qu'il n'y paraît : dans quelle mesure ne suis-je pas satisfait de ce tremblement qui demeure dans le possible et qu'il me plairait moins de voir transformé en réalité ? C'est là toute la duplicité de la séduction et des hésitations.

Nous ferons donc une distinction, à ce titre, entre ces possibles qui ont une réalité, par exemple les fins que nous posons à nos actions et que nous ne réaliserons peut-être pas, faute de moyens, faute de chance, et ces fins que nous posons comme de simples voeux, parce que nous savons que, sans être impossibles à proprement parler, elles ne se réaliseront jamais. Si elles ne se réalisent pas, ce n'est

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