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La culture

Par   •  22 Juin 2018  •  4 296 Mots (18 Pages)  •  557 Vues

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- « Les » cultures, au pluriel, caractérisent et différencient divers peuples et divers moments de l’histoire de l’humanité. « Une » culture, parmi la diversité des cultures, est alors l’ensemble des manifestations culturelles spécifiques d’un groupe humain. On parle alors en ce sens de la culture européenne, de la culture japonaise ou encore, d’un point de vue historique, de la culture des Anciens et de celle des Modernes. Dans tous les cas, les cultures se distinguent les unes des autres par des systèmes de représentations (d’idées) et de valeurs qui s’expriment dans leurs langages, leurs religions, leurs arts et, plus globalement, dans leurs mœurs, leurs modes de vie (l’ensemble des comportements acquis et transmis = Kultur en allemand).

Commentaires :

1) Prise dans son premier sens (au singulier), la « culture » fait signe vers la dimension même de l’humanité. Kant : « l’espèce humaine est obligée de tirer peu à peu d’elle-même par ses propres efforts toutes les qualités qui appartiennent à l’humanité » = l’homme n’est pas une donnée naturelle toute faite et achevée, l’homme « se fait », s’humanise par un processus d’acculturation qui consiste à transformer la nature en lui et hors de lui. La nature en lui : ainsi, l’éducation est en premier lieu une discipline des penchants naturels avant d’être une instruction au sens positif du terme. La nature hors de lui : l’homme interpose entre la nature et lui un autre univers (en constante évolution), celui de ses productions techniques, artistiques et intellectuelles et c’est au sein de cet univers artificiel qu’il vit et se reconnaît.

Les ethnologues ont soulevé la question d’un signe particulièrement représentatif de la culture : où placer la ligne de démarcation entre l’homme (culturel) et l’animal (naturel) ? Les réponses ne peuvent ici bénéficier d’une certitude absolue.

Une longue tradition (18e siècle) soutient que le signe distinctif de la culture est la présence d’objets manufacturés et, en particulier, d’outils. On parle alors d’Homo faber : l’homme est un être qui fabrique des instruments, qui fait les outils de son travail. Toute espèce vivante vit de la nature mais l’homme interpose entre ses besoins et leur satisfaction l’invention d’outils, c’est-à-dire des objets qui ne sont pas fait pour être consommés mais pour produire des objets consommables (d’où une conception technologique des âges de l’humanité : âge de la pierre taillée, âge de la pierre polie, âge du cuivre etc.). Notons d’emblée que le matérialisme marxiste a tiré des conséquences très profondes de cette thèse : dans une optique marxiste, ce qui est au centre de la culture comme processus d’humanisation, c’est le concept de production ou de travail – le travail nécessite un cadre technologique particulier (les « moyens de production ») et ce cadre est structuré en rapports sociaux (rapports de production) qui déterminent une grande partie de la vie culturelle de l’homme (cf. Cours sur le Travail).

Cette thèse de l’Homo faber ne fait pas l’unanimité. Pour Claude Lévi-Strauss, ce ne serait pas tant l’outillage que le langage articulé qui serait « le fait culturel par excellence » : « Supposez que nous rencontrions sur une planète inconnue des êtres vivants qui fabriquent des outils, nous ne serions pas sûrs pour autant qu’ils relèvent de l’ordre de l’humanité. Mais imaginez que nous tombions sur des êtres qui possèdent un langage, aussi différents du nôtre qu’on voudra, donc des êtres avec qui nous pourrions communiquer, nous serions dans l’ordre de la culture. ». Le langage n’est pas simplement une partie de la culture (c’est-à-dire une aptitude apprise), c’est aussi l’instrument essentiel par lequel nous assimilons la culture de notre groupe (nous nous cultivons parce qu’on nous parle) et c’est aussi le modèle de toutes les manifestations culturelles : l’art, la religion, le droit, la cuisine, les règles de politesse sont « des codes formés par l’articulation de signes, sur le modèle de la communication linguistique » (Claude Lévi-Strauss, Entretiens avec Georges Charbonnier, 1959). L’homme serait donc bien avant tout, comme le disait Aristote, un animal doué de logos (de langage → Cours sur le langage).

D’une façon similaire, Ernst Cassirer identifie la culture à une « activité symbolique », à la production d’univers de symboles : « L’homme ne vit pas dans un univers strictement matériel, mais dans un univers symbolique. Le langage, les mythes, les images artistiques, les rites religieux sont des éléments de cet univers. L’homme ne se trouve jamais en présence immédiate de la réalité elle-même : il ne peut voir et connaître la réalité matérielle sans interposer des éléments médiateurs artificiels, des symboles » (Essai sur l’homme, 1959). Ce que veut dire Cassirer, c’est que la culture ne peut pas simplement être comprise comme cette part de la nature transformée par l’homme : les produits culturels sont aussi des symboles à travers lesquels nous nous rapportons au monde (des organes de vision). Par exemple, les œuvres d’art ne sont pas simplement des choses belles et divertissantes, ce sont des filtres à travers lesquels nous forgeons une certaine conception de la réalité : nous ne nous contentons pas de voir une œuvre d’art, nous voyons le monde à travers elle. Idem pour les mythes : ce ne sont pas simplement d’étranges fables, ce sont des manières d’organiser notre perception et notre conception de l’univers. Idem pour le langage qui n’est pas un simple instrument de communication mais une organisation de notre expérience du monde. Ce qui caractérise donc l’homme, c’est l’activité symbolique, c’est-à-dire la construction d’un rapport indirect au monde et à lui-même.

2) Si la culture, au premier sens, désigne le processus d’humanisation de l’homme, elle nous oriente quand nous utilisons le terme au pluriel (les cultures) vers ce qui au sein de l’humanité vient différencier les groupes humains. Si l’homme se cultive et devient homme en se cultivant (sens 1, singulier), il le fait toujours au sein d’une culture particulière, distincte de toutes les autres (sens 2, pluriel). Cette diversité des cultures peut être appréciée de différentes façon : nous pouvons y voir une richesse à préserver ou plutôt un possible obstacle à la communication entre les hommes, voire à la compréhension qu’ils parviennent à avoir les uns des autres. Le problème est donc de savoir comment articuler la certitude d’une identité humaine partagée et la reconnaissance des différences

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