Est-il sage de vouloir borner le désir ?
Par Orhan • 19 Novembre 2018 • 2 301 Mots (10 Pages) • 498 Vues
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Rousseau contredit donc cette vision négative du désir, il nous explique en effet que « le bonheur est l’attente du bonheur ». Cette idée étrange est néanmoins justifiable : en effet, l’homme n’est pas forcément heureux grâce à l’accomplissement de ses désirs mais plutôt par la possibilité qu’il a de pouvoir imaginer un bonheur à venir. Le rêve ou l’attente du bonheur permet à l’homme d’être heureux parce qu’il se donne un but. Ainsi Rousseau écrit : « malheur à celui qui n’a plus rien à désirer » et souligne qu’il est impossible de trouver le bonheur sans désir. Celui qui ne désire plus rien ne peut être heureux. Il ne faut donc pas refouler ses désirs, ses envies personnelles comme le laisse entrevoir la pensée ascétique et en partie Schopenhauer. L’imagination est donc un ingrédient indispensable au bonheur. On se doit d’avoir des désirs, des aspirations personnelles sinon la vie n’aurait aucun sens. Nous serions perpétuellement dans la seule tentative d’éviter le malheur ou alors dans une absence totale d’action comme le pense Calliclès dans son dialogue avec Socrate dans le Gorgias de Platon. L’homme doit avoir un idéal d’existence et pour cela il doit imaginer et désirer de façon à ce que sa vie ne soit pas vouée à l’échec. Et-il d’ailleurs vraiment possible ou paradoxal de plus rien vouloir et de ne plus rien désirer ? Des philosophes qui le disent ne sont-ils pas encore en train de désirer la vérité ? Il est donc absurde de demander à un homme de refouler complètement ses désirs. Chacun doit s’imaginer une conception de la vie heureuse tout en respectant les lois. Il faut donc tout de même acquérir une certaine vertu afin de désirer le bien et diffuser le bonheur. Et pour finir sur cette idée la, l’homme n’est pas sot, il souhaite qu’une chose, c’est d’être heureux. Excepté les sacrifices que les Hommes peuvent faire à contre cœur, aucun ne maitrisera ses désirs sauf ceux qui sont insensés. Pour les êtres de désir, les humains, il n’est pas possible de renoncer à nos désirs, qui non seulement font de nous ce que nous sommes, mais encore coïncident exactement avec notre essence la plus intime. Si l’on nous appelle à reconnaître l’infinie puissance de l’ordre du monde face à notre faiblesse au nom de la lucidité, alors il faut aussi, au nom de cette même lucidité, reconnaître que nous ne pouvons absolument pas renoncer à nos désirs. A l’appui de cette conception.
Faute, peut-être, « d’y croire » assez, les stoïciens abandonnent, sitôt attaqués par l’ordre du monde ; mais peut-être ne saisissent-ils pas bien la puissance du désir. Nous désirons l’impossible ? Paradoxalement, c’est justement pour cette raison que nous avons quelque espoir de changer l’ordre du monde comme le dit Descartes dans le Discours de la méthode : ce désir impossible nous confère une énergie incroyable, et ne nous voue pas à un échec inéluctable comme le redoutent, dans leur pessimisme, certains. Les prodigieuses réussites du progrès scientifique n’auraient jamais été possibles si les personnes pensaient qu’il fallait refouler notre désir. Ce désire qui reflète notre espoir nous permet d’accomplir des actions que jamais nous aurions fait.
On oppose le caractère naturel du besoin au caractère artificiel du désir. Manger, boire, dormir seraient des besoins naturels, d’origine corporelle, tandis que manger un met raffiné serait un désir artificiel d’origine psychique. Le besoin se traduirait par un manque dont la satisfaction est nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme. En revanche, le désir serait contingent, autrement dit, on pourrait choisir entre le satisfaire ou non. Ne pas satisfaire un besoin fondamental entraîne une carence. Ne pas satisfaire un désir se traduit pas une frustration plus ou moins justifiée. C’est dire que le besoin serait un manque objectif, mesurable, tandis que le désir serait un manque subjectif lié à ce que le sujet éprouve indépendamment de ses besoins objectifs. Mais toutes ces distinctions sont ambiguës : il y a des besoins sociaux aussi nécessaires que les besoins organiques, comme le besoin d’un moyen de transport pour aller travailler. Quant au désir lui-même, n’apparaît-il pas comme une nécessité pour vivre ou tout au moins exister ? Chez les philosophes grecs, la distinction entre besoin et désir n’est pas problématisée. Pour Epicure, par exemple, manger et boire relèvent des désirs naturels tout comme les plaisirs de l’amitié ou de la discussion. Le problème est de distinguer les vrais plaisirs des faux désirs.
Ainsi, si le désir est l’essence de l’homme, s’il constitue le mouvement même de la vie, il semble nécessaire, pour élaborer une sagesse, de prendre en compte le désir, manifestation vitale par excellence. Toute vraie sagesse se fonde sur le désir. Mais au lieu de vouloir borner les désirs, il faut établir une hiérarchie des désirs : établie par Epicure, ce dernier fonde ainsi une sagesse prenant en compte le corps, mais permettant cependant à l’être humain de sauvegarder sa liberté intérieure. Epicure dit : « parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres sont sans fondement ; que parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires et les autres seulement naturels ; et que, parmi les désirs nécessaires, les uns sont nécessaires au bonheur, d’autres à l’absence de tourments corporels, et d’autres à la vie elle-même. » Lorsque Epicure évoque des désirs naturels, il prend soin d’y repérer deux niveaux : si les désirs sont naturels et nécessaires, les besoins physiologiques, doivent en être satisfait, il convient de réfléchir avant de céder aux désirs naturels mais non nécessaires. Il s’agit en effet de mesurer le plaisir que peut nous apporter leur satisfaction comme par exemple le fait de se nourrir, c’est un moment de plaisir qui peut devenir une source de douleur, et pour conclure parfois il vaut mieux s’abstenir. Ainsi, si les désirs ne sont pas tous souhaitables, c’est pour cela que certains pensent qu’il est bénéfique de borner le désir. La sagesse consiste à contrôler les désirs, les envies et impulsions que l’homme a en lui, certains nomme cela « l’animalité de l’Homme ».
Ainsi l’on peut donc dire que le désir n’est pas toujours un obstacle au bonheur et donc il n’est pas nécessaire de vouloir le borner. Certes il nous est impossible de négliger le fait que la vie est faite de souffrances, mais nous ne pouvons-nous contenter de l’idée que la recherche du bonheur n’est qu’une tentative pour éviter le malheur et la souffrance. Le bonheur ne peut se résumer comme le dit Flaubert à « éviter l’ennui » car le bonheur alors
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