Epicure, lettre à Ménécée, les désirs
Par Orhan • 24 Mai 2018 • 3 791 Mots (16 Pages) • 603 Vues
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A priori, il semble donc y avoir un effort à déployer pour satisfaire nos désirs, ou les conséquences de actions que je dois mettre en œuvre, mais aussi la connaissance de leur nature.
Épicure avance également que lorsque nous désirons, « par suite de son absence, nous éprouvons de la douleur. ». Il semblerait donc que leur recherche aussi effrénée soit elle, nous mène plus à la douleur qu'à l'ataraxie. Il ne faudrait donc pas rechercher à assouvir tous ses désirs (même s'ils sont naturels) pour atteindre un certain plaisir. Seul les désirs amenant à un plaisir simples seraient acceptables. De plus, selon le philosophe, nous aurions tendance à accorder plus d'importance à un désir procurant un plaisir, plutôt qu'a un plaisir qui supprime la souffrance. Le but recherché serait donc l’absence de mouvement, le fait de ne pas déséquilibrer mon corps. Car à chaque fois qu’il est déséquilibré il risque de perdre des atomes, et donc de souffrir. Le fait de ne pas avoir besoin semble rendre heureux. Épicure dit d'ailleurs que « le plaisir est à la fois le commencement et la fin de la vie heureuse. ». De plus, il est important de préciser que le plaisir que semble rechercher Épicure est très éloigné de ce qu’on imagine spontanément : ce n’est pas le plaisir que je ressens lorsque je bois un verre dans un bar avec des amis. C’est le fait de ne pas ressentir la soif. (la soif est catégorisée dans les désirs naturels et nécessaire: c’est un plaisir stable, et donc durable. Ce n’est pas un plaisir suprême, mais seulement parfait : il ne s’agit pas d’éprouver la plus grande joie possible, mais seulement de ne ressentir aucun manque. (« c'est là la perfection même de la vie heureuse.) Pour Épicure, être heureux, cela serait donc ne manquer de rien. Celui qui vient de manger et de boire, qui est reposé et discute avec ses amis ne manque de rien. On peut alors penser que le bonheur épicurien se résumerait alors à se contenter de ce que l'on a, et ne rechercher que le nécessaire : par exemple, un esclave au même titre qu'un empereur peut très bien satisfaire ses désirs naturels et nécessaires (comme boire ou manger) et aussi les seulement les naturels (comme le désir sexuel). Mais comment être sûr que mes choix sont les bons, et comment distinguer un désir vain d'un désir naturel et contingent ?
Cependant, il semble subsister des failles dans cette hiérarchie des désirs. Premièrement Épicure sous entends, qu'une autre thèse que la sienne existe : « une théorie [non] erronée », il pense en effet que la théorie contraire à la sienne ne serait que facétie. Si l'on se tient aux propos d’Épicure, cette théorie mettrait en valeur la non hiérarchisation des désirs. Cela ne serait donc pas important de considérer que certains désirs semblent mauvais pour nous, et nous tendrions à les accepter tous au même titre. Cela serait d'un côté acceptable : pourquoi se retenir alors que nous allons mourir ? (Cela supposerait peut être également que le sujet ne croit en aucun dieu et aussi en aucun « au delà » où il serait puni pour ses actes) Cela semble compréhensible de vouloir mener la plus « belle » vie possible (sous entendu vivre selon l'idéal que proposent la plupart des société, comme la notre actuellement, c'est à dire de vivre grâce à la richesse, la beauté et la jeunesse.) C'est vrai, pourquoi se priver d'accomplir tous ses fantasmes sexuels les plus démesurés, si à la toute fin personne ne nous juge. En acceptant cette théorie, il faut aussi en accepter les conséquences et les assumer. Ces désirs intempérants et immodérés semble en effet tendre vers l'hybris : c'est à dire la démesure totale. De plus, il semblerait qu'à long terme, l’accomplissement de ses désirs ne génèrent que de la souffrance (notamment par leur recherche : comme par exemple la prise de stupéfiants comme l'ecstasy ou le LSD qui instantanément peuvent être source des plus haut plaisirs (parfois aussi des plus grands maux) mais sur le long terme, il est en pratique observé que ces plaisirs n'apportent que souffrance et dégénérescence.)
Deuxièmement, on pourrait reprocher à Épicure d'être trop catégorique et de ne pas prendre en compte tout l'acheminement qu'il faut pour pouvoir bien classifier ses désirs, et surtout de ne pas se tromper entre les désirs naturels et contingents et les désirs vains. La nuance qui existe entre les deux termes est moindre et parfois difficile à cerner. Si l'on comprends bien que le désir de gloire est un désir vains, mais qu'en est-il du désir d'argent, il peut être en effet naturel et essentiel si on a en besoin pour acheter de la nourriture ou bien dont nous avons réellement besoin. La modération semble donc être la solution, mais reste à savoir où est la limite de la modération. Ce qu’Épicure n'indique pas, c'est que c'est à force d'agir que nous faisons les bons choix. Il faudrait faire l’expérience exhaustive de tout remettre en cause. Cela libérerait peu à peu les désirs vains : le sujet n'aurait plus à supporter la douleur. La théorie demande une pratique plutôt longue et rigoureuse.
Enfin, il semblerait que le texte puisse être mal interprété. En effet, au sens courant, le terme « épicurien » désignerait une personne qui s'adonne sans mesure et sans relâche à tous ses désirs. Il ne mesurait ainsi pas la portée des désirs dit vains et des désirs nécessaires. Certains personnage de romans comme le Dom Juan de Molière sont caractérisés de « pourceau d’Épicure ». C'est pourtant tout le contraire qu'incite à faire Épicure. Le principe même de la vie heureuse semble pour lui tenir en un mot : la prudence. Seul le caractère hédoniste du texte semble être retenu : vivre avec le principe de plaisir.
Pour conclure, nous pouvons dire que la hiérarchisation des désirs repose sur une base importante : la prudence. Le calcul des plaisirs et des peinesne semble possible que si nous mettons en pratique des règles pour chaque situation. Car dans la réalité, il n’y a aucun désir absolument mauvais, ni aucun absolument bon. J’ai besoin du travail de la prudence pour discerner ce qui est meilleur qu’une autre solution. Rien n’est bon ou mauvais en soi. Tout est mélangé . D’autant que ce qu’Épicure recherche, c’est un plaisir pour « tout temps », c’est-à-dire un plaisir présent, passé et à venir : il se doit d'être durable et s’inscrit dans un temps infini. Or, il est clair que quelque chose qui me procure un plaisir aujourd’hui : faire une beuverie entre amis, jusqu’à me
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