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Dissertation l'Etat et la Liberté

Par   •  21 Mars 2018  •  4 697 Mots (19 Pages)  •  578 Vues

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Hegel dans Principes de la philosophie du droit ne veut pas penser la liberté, c’est-à-dire la réalisation de l’homme, comme purement intérieure, « abstraite » dit-il, qui n’a pas à s’incarner et ne s’incarne pas et où finalement l’intention compte seule plus que l’action. C’est le reproche qu’Hegel fait à Kant. En outre la conception kantienne de la liberté est une essence de l’homme qui le contraindrait à sacrifier une partie de son être, sa sensibilité, sa particularité, à l’impératif moral de sa raison, à l’exigence rationnelle d’universalité. Ce n’est pas dans la « moralité », dans le seul fait de satisfaire à l’exigence de la conscience morale, mais dans « la vie éthique » au sein de l’Etat que l’homme peut seulement et enfin pleinement devenir ce qu’il doit être, devenir libre d’une manière satisfaisante, s’accomplir vraiment, et non pas dans sa solitude intérieure, dans le face à face solitaire de l’individu avec sa conscience, en s’efforçant de purifier ses intentions. Pour Hegel l’accomplissement plénier de l’individu exige que tous les aspects de son être soient reconnus et cela n’est possible que par des règles de droit. La réalisation plénière de la liberté exige que l’individu ne soit pas soumis qu’au devoir, mais qu’il ait aussi et corrélativement des droits, et cela, seul un Etat, seul le droit positif, seule la loi d’un Etat, la loi civile non pas la loi morale peut le faire. Alors seulement, d’abstraite, la liberté devient « concrète » : elle quitte l’intériorité du sujet pour se matérialiser dans l’extériorité dans des règles de droit, et devenir ainsi enfin réelle, réalisée. Pour Hegel il n’y a pas de liberté effective sans règles de droit, sans institutions posées, effectives, par lesquelles des droits vont pouvoir être positivement reconnus et donnés aux individus : je ne suis effectivement libre que si je suis reconnu comme tel, et c’est précisément ce que fait cette institution qu’est l’Etat : l’institution étatique actualise ma liberté, la rend effective, l’accomplit, en me reconnaissant des droits, et pas seulement des devoirs. Le terme « droit » chez Hegel est à prendre en un sens large et non dans une acception restreinte ou technique, purement juridique. Son objet dans la Philosophie du droit n’est pas seulement le droit civil ou juridique, mais la moralité et la vie éthique dans son ensemble, les mœurs comme « existence empirique du libre vouloir ». Il faut l’entendre dans un sens plus général que le seul sens juridique, dans un sens « englobant l’existence empirique de toutes les déterminations de la liberté ». Le droit, c’est ce qui donne une existence empirique à ma liberté. Contrairement à ce qu’on aurait tendance à penser immédiatement, le droit n’est pas limitation de la liberté ou de ma liberté afin qu’elle puisse coexister avec la liberté de tout autre ; mais la réalisation effective de la liberté dans l’existence empirique. Ce n’est pas ce qui vient restreindre ma liberté, en m’empêchant de faire tout et n’importe quoi, mais au contraire ce qui vient l’accomplir. C’est fondamental : on ne peut pas parler de la liberté en s’en tenant au seul devoir c’est-à-dire au seul commandement moral intérieur : la liberté implique le droit, elle n’est effectivement réalisée que dans et par des règles de droit. Mais il faut bien voir que dans l’existence empirique, l’Idée, c’est-à-dire l’essence de la liberté, ne s’actualise que progressivement, ou par paliers ; elle présente différents niveaux de développement et chacun d’eux a son droit propre, parce que chacun d’eux représente l’existence empirique de la liberté dans une de ses déterminations. Dans la « moralité », la liberté se manifeste déjà, sous la forme de l’autonomie de la volonté, mais cette liberté n’a pas encore de reconnaissance juridique autrement dit pas de reconnaissance effective, posée ; donc la liberté humaine n’est pas encore pleinement et totalement réalisée : le déploiement de la liberté est partiel et donc insatisfaisant pour les individus, qui doivent s’y oublier eux-mêmes dans leur particularité. L’universalisation de ma volonté dans la liberté pratique kantienne se fait aux détriments de ma sensibilité individuelle, particulière, dont je dois entièrement faire abstraction : la dimension sensible de l’homme, sa particularité sont sacrifiées, la liberté dans toutes ses déterminations n’est pas encore pleinement actualisée. Il faut donc distinguer des niveaux d’accomplissement de la liberté : et on l’a compris, ce déploiement ne sera complet que si le devoir et le droit se trouvent unis et non séparés : c’est-à-dire aussi si l’universel et le particulier en moi trouvent tous deux à se satisfaire. Pour que la liberté soit pleinement effective, il faut que les individus non seulement répondent à des devoirs universels, mais qu’ils aient des droits en tant qu’individus particuliers, et pour cela il faut des règles de droit. C’est pourquoi Hegel est amené à présenter une conception nouvelle des rapports du droit et du devoir, en affirmant l’identité des devoirs et des droits, comme condition nécessaire de la réalisation complète et non plus seulement partielle de la liberté. Selon l’opinion commune, ce qui est un droit pour l’un devient un devoir pour l’autre et, en ce sens, droit et devoir se trouvent dans un rapport réciproque, ou sont des corrélats ; par exemple : mon droit de propriété sur un bien est pour toi un devoir de ne pas te l’approprier ; mon droit d’exprimer mon opinion est pour toi un devoir de la respecter, etc. ; en bref, c’est pour toi le devoir de respecter mon droit. Cela est certes vrai concède Hegel, mais seulement si l’on se tient au niveau du droit abstrait sans envisager les choses « selon le concept », c’est-à-dire de manière plus essentielle. Ainsi, ce n’est plus le cas si l’on se place au niveau de la « vie éthique » et tout spécialement de l’Etat, car à ce niveau, il y a identité de la volonté particulière et de la volonté universelle, autrement dit identité des intérêts particuliers des individus et de l’intérêt général de l’Etat. En tant que membre d’un Etat, j’ai des devoirs, mais l’Etat me reconnaît en même temps des droits : j’ai le devoir d’accorder ma volonté particulière à la volonté générale, mais l’Etat reconnaît en même temps l’existence de ma particularité à travers les lois générales. Donc à l’universalisation de ma volonté particulière répond de la part de l’Etat une particularisation de l’universel par la reconnaissance des droits individuels. Autrement dit, mon obligation à l’égard du tout de la communauté

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