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LE TRAVAIL, LA TECHNIQUE.

Par   •  15 Avril 2018  •  4 693 Mots (19 Pages)  •  588 Vues

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(philosophique, religieuse...) à un renversement des valeurs : le travail méprisé par les grecs, sanction dans la Genèse...devient une valeur centrale de la modernité. Il est désormais indigne de ne pas travailler, et Kant le dit également au 18ème : le travail fait parvenir l’homme à « l’estime de soi », car il le contraint à s’arracher à ses inclinations naturelles à la paresse qui au fond le rendent semblable à l’animal ou à l’être primitif. Travailler contrarie le mouvement naturel premier mais permet aussi d’accomplir alors pleinement le dessein de la Nature qui a voulu que l’homme transcende sa simple dimension naturelle et réalise une dimension qui lui est propre. L’homme n’est pas un être comme les autres, il travaille alors pour réaliser pleinement son être propre, cad son humanité.

II.LE TRAVAIL EST LE PROPRE DE L’HOMME.

Kant pense l’existence humaine en terme de finalité : l’être humain est dans le monde pour accomplir un certain nombre de buts, en paticulier celui de réaliser pleinement ses dispositions à l’humanité. C’est la raison pour laquelle l’homme naît dans un certain dénuement, avec une régression instinctuelle en particulier...car il lui échoit d’accomplir par lui-même ce dont la Nature ne l’a pas pourvu. Nous pouvons même dire, avec Kant, que la Nature a eu le dessein de laisser l’homme à son propre sort, de le doter du minimun de compétences déjà en acte pour qu’il puisse tirer entièrement de lui-même ce qui lui permettra de se réaliser : « La nature a voulu que l’homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l’agencement mécanique de son existence animale et qu’il ne participe à aucun autre bonheur ou à aucune autre perfection que ceux qu’il s’est créés lui-même, libre de l’instinct, par sa propre raison. » ( Kant, Idée d’une histoire du point de vue cosmopolitique.)

« La nature ne fait rien en vain », nous dit encore Emmanuel Kant et elle a mesuré sa dotation au plus juste, avec une très grande économie, mais cette « avarice » naturelle est inversement proportionnelle à l’effort que devra alors faire l’homme pour trouver en lui-même les ressources qui lui permettront de survivre, de s’adapter au monde et ainsi, petit à petit, de progresser d’une vie animale à une existence pleinement humaine. Souvenons-nous que l’homme est « perfectible » nous dit déjà Rousseau : le travail est cette médiation fondamentale par laquelle l’homme actualise les compétences proprement humaines qui ne sont contenues en lui naturellement « qu’en puissance ». Nous voyons donc bien que c’est par le travail que l’homme passe de la nature à la culture et qu’il accomplit alors son être propre. Le travail est aussi ce qui fait parvenir l’homme à l’estime de lui-même car il y a un mérite à agir lorsque cette action n’est pas simplement induite par des déterminismes naturels qui font de toute action un réflexe aveugle. Ici, au contraire l’homme est contraint d’exercer sa raison pour développer les compétences techniques qui satisfont des besoins (manger, s’habiller, se protéger etc...), c’est donc librement qu’il le fait. L’homme est l’auteur de son propre développement, entièrement responsable de son affranchissement à l’ordre naturel. Dans le travail, il y a un processus de formation de soi qui permet d’arracher l’homme à une identité immédiate, animale pour lui permettre d’actualiser, par la médiation du travail, son humanité spécifique. Donc, par définition, le travail n’est pas l’instrument d’une aliénation de l’homme, aliénation qui sera pourtant ensuite liée à des modes de production particuliers (capitaliste) selon Marx, mais ce par quoi l’homme se réalise. Marx pense donc d’abord le travail dans son essence : et ce travail est le propre de l’homme ; c’est donc improprement que l’on dit des animaux qu’ils travaillent.

Alors, qu’est-ce que le travail ? D’abord, remarquons que l’animal ne produit que sous la pression du besoin immédiat. L’activité animale est donc un prolongement de l’activité naturelle. Les animaux utilisent bien quelquefois des éléments naturels qui peuvent être semblables à des outils, comme le bâton du singe par ex., mais cet « outil » est utilisé ponctuellement (pour approcher du singe la banane par ex.) ; il n’est pas mis en réserve, ni corrigé ni perfectionné dans l’anticipation de besoins à venir...besoins que les animaux se seraient représentés mentalement. La fourmilière, le nid de l’oiseau, le barrage du castor ne sont que des objets d’usage. L’homme, lui, va inaugurer dans le travail un rapport inédit avec la nature et, par suite, avec lui-même : l’intervention d’un moyen de transformation de la nature ouvre une série indéfinie de médiations dans laquelle la production ne peut être que consciente. L’usage des organes des animaux est déterminé par l’instinct alors que l’utilisation des outils chez l’homme est intellectuellement conçue et pensée. (L’assimilation simplement naturelle consiste en la prise de possession de substances toutes trouvées-la cueillette de fruits par ex., il n’y a pas là à proprement parler de travail et c’est pourquoi l’état primitif de l’humanité a laissé dans la mémoire le souvenir d’un âge d’or et d’un paradis perdu.) Nous définirons donc le travail humain comme : -Activité consciente, fruit d’une volonté qui se propose un but et mobilise attention et énergie en vue de sa réalisation. -Activité intelligente qui implique la compréhension des lois de la nature (« On ne commande à la nature qu’en lui obéissant. » Francis Bacon). -Activité libératrice par laquelle le travailleur s’émancipe du joug de la nature pour produire son humanité.

Le travail permet donc l’objectivation de l’essence de l’homme et est l’occasion d’une double transformation : il transforme la nature qu’il « humanise » cad à laquelle il donne forme humaine, l’homme « passe ainsi dans l’élément de la permanence » (Hegel) et se reconnaît dans le donné extérieur  ; et l’homme en travaillant se transforme lui-même ( à ce titre, Marx disait que nous sommes toujours « travaillés » par notre travail ). Cela signifie que le travail contribue à « polir » la matière brute de notre être et qu’il lui donne une forme dans laquelle chacun de nous peut reconnaître son individualité. Sans oublier que le travail est un élément fondamental d’échange dans la mesure où il fait de l’homme un « être social » qui va échanger avec d’autres hommes le fruit de son travail.

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