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La Hongrie de Viktor Orban face à l'Europe

Par   •  2 Juin 2018  •  4 949 Mots (20 Pages)  •  567 Vues

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II - Le refus du libéralisme occidental et de la perte de souveraineté

La transition post-communiste s’est effectuée d’une part avec une ouverture démocratique du pouvoir : multipartisme, élections libres, libertés de la presse et d’expression, d’autre part par une libéralisation de l’économie, qui passait par un rétrécissement de l’Etat. La « thérapie de choc » employée dans les PECO a consisté en des privatisations massives et à une diminution des effectifs dans la fonction publique[9].

Après ces libéralisations et l’intégration aux structures occidentales que sont l’Union Européenne et l’OTAN, la crise de 2008-2009 est venue frapper durement l’économie Hongroise : Le Produit Intérieur Brut (PIB) a diminué de 4.5% entre 2008 et 2009. La dette publique est passé de 76.5 à 86.0% du PIB sur la même période et le chômage de 7.8 à 10% de la population active.[10]. Ainsi une partie croissante de la population s’est mise à regretter l’époque où l’Etat, certes répressif sur le plan politique, pourvoyait aux besoins de la population en matière de travail, d’éducation et de santé.

Depuis sa nouvelle élection en 2010, Viktor Orbán a décidé de reprendre l’économie en main. A la fin de cette même année, il nationalisa les fonds de pensions de retraites privés, afin que le système de retraite soit uniquement contrôlé par l’Etat. La conséquence fut que de très nombreux hongrois, parmi les plus aisés, sont allés déposer leur épargne dans des banques étrangères, et notamment Autrichiennes[11]. Cependant, Viktor Orbán souhaitant également reprendre en main le secteur banquier et financier hongrois, a fait voter des taxes sur ces banques étrangères, avec pour conséquence que celles-ci finissent par quitter le marché en cédant leurs actifs à des banques hongroises. Dans sa lutte contre l’influence des investisseurs étrangers, Viktor Orbán vise également les chaînes de télévisions : la plupart des chaînes privées étant détenus par des sociétés étrangères, le gouvernement a voté en juin 2014 une taxe qui oblige ses chaînes à reverser jusqu’à près de la moitié de leurs revenus publicitaires[12].

Le contrôle du gouvernement sur l’économie et la finance s’étend à nouveau en 2011, lorsque Viktor Orbán propose une réforme de la Banque nationale hongroise, la faisant fusionner avec l’Autorité de surveillances des marchés financiers au sein d’une nouvelle structure, dont le président serait nommé par le gouvernement. La Banque nationale hongroise faisant partie du Système européen de banques centrales la Banque centrale européenne fir part de son inquiétude quant à l’indépendance de cette future institutions et aux politiques qu’elle pourrait mener, répétant que l’objectif des banques centrales au sein de l’Union était avant tout la stabilité des prix[13].

En août 2014, après sa réélection triomphale aux législatives d’avril, Viktor Orbán donne un discours à Băile Tuşnad, en Transylvanie, région majoritairement magyarophone, dans lequel il explique sa vision de la politique au XXIème siècle. Il explique que la crise de crise de 2008 a montré les limites du système libéral et par conséquent, que l’occident capitaliste doit repenser son modèle économique. Les pays modèles seraient la Chine, la Russie ou la Turquie, des Etats qu’il qualifie d’ « illibéraux » et soucieux de l’intérêt de leurs citoyens[14]. Dans de l’Etat « illibéral » comme le théorise Viktor Orbán, une grande partie de l’économie se devra d’être contrôlée par les hongrois et le travail serait une valeure centrale de la société. La liberté, bien que devant être défendue, ne serait pas fondamentale. Dès son mandant de 2010 à 2014, le premier ministre s’était attelé à réformer le travail, en imposant notamment aux chômeurs des travaux d’intérêts généraux pour qu’ils puissent continuer à bénéficier de leurs allocations.

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III - Le verrouillage du pouvoir par le parti au pouvoir

La volonté de reprise en main de l’économie s’inscrit dans un cadre plus large de la politique de Viktor Orbán, qui est de s’assurer une certaine longévité au pouvoir. Fort de sa majorité des deux tiers à l’Assemblée nationale hongroise, acquise dès les législatives de 2010 et conservée à celles de 2014, il a pu s’atteler à une refonte complète du système institutionnel.

Le 18 avril 2011, la nouvelle Constitution, dite « Loi fondamentale hongroise », est adoptée un mois après sa présentation en tant que projet à la Diète, avec seulement les voix du parti du Premier ministre, l’Alliance des jeunes démocrates (Fidesz). Elle entre en vigueur au 1 janvier 2012. Cette nouvelle Constitution retire à la Cour Constitutionnelle le pouvoir de statuer sur des lois portant sur l’économie ou le social, par exemple l’impossibilité de juger le budget[15]. Un nouvel amendement, adopté le 11 mars 2013 restreint une nouvelle fois les pouvoirs de la Cour en annulant avec rétroaction toutes les mesures qu’elle prise depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution[16]. La Loi fondamentale hongroise octroie également à la Banque centrale un droit de veto sur le budget de l’Etat. Si ce droit est exercé, le président de la République a alors le droit de dissoudre le parlement. Cette disposition faisant qu’un gouvernement d’alternance subissant le droit de veto de la banque centrale, dont la présidence est nommé par le gouvernement de Viktor Orbán pourrait alors se voir renverser[17].

Outre la nouvelle Constitution, Viktor Orbán a aussi fait voter de très nombreuses lois cardinales[18] dans des domaines de droit commun, tels que le droit de la famille, les systèmes de retraite et la fiscalité. Ainsi, un gouvernement d’alternance devra lui aussi obtenir une majorité des deux tiers s’il souhaite changer ces lois ; ce qui signifie qu’elles demeureront longtemps en place, en effet le parti de Viktor Orbán a une nouvelle fois obtenu cette majorité aux législatives de 2014[19].

Dans sa volonté de réformer toutes les institutions étatiques et tous les centres de pouvoir, Viktor Orbán s’est aussi attaqué à la justice. C’est pourquoi en juillet 2012 l’âge de départ à la retraite des juges est passé de 72 à 60 ans, licenciant de fait de nombreux magistrats, puis le Conseil de la magistrature a été remplacé par un nouvel organe, dont la présidence est confiée par le parlement pour 9 ans[20]. La Cour européenne des droits de l’homme fut

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