Fiche de lecture - Pour une histoire conceptuelle du politique - Rosanvallon
Par Orhan • 22 Août 2018 • 1 942 Mots (8 Pages) • 711 Vues
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Autre problème évoqué par l’auteur, celui du vocabulaire. Il parle ainsi de « panne des mots » et d’une réelle complexité à définir certains termes. Dès lors, le lien entre l’historien et « ceux qui font le métier d’explorer les mots » est inévitable. Il faut mettre en place un réel travail de déchiffrage afin de comprendre l’histoire dans ses moindres détails (l’évolution des mœurs a fait, par la même occasion, évoluer la définition et le sens de certains mots).
Basculement, changement d’époque, les années 50 – 70 ont apporté un renouveau dans la conception de l’histoire et de la démocratie grâce à « la prise en compte du fait totalitaire » devant alors être compris comme des « formes déréglées de la modernité démocratique ».
Dans la dernière partie de son discours, Rosanvallon va évoquer le présent, « aujourd’hui ». Il parle de « décompositions discrètes » et dit que « l’espace du politique […] est soumis à de redoutables épreuves ».
En effet, une nouvelle vision de la politique a été engendrée par la disparition, la division et la création de nouveaux Etats : « quarante-quatre » Etats en 1850 pour « cent-quatre-vingt-treize » en 2000. Cette nouveauté est le fait d’un « refus » de vivre-ensemble et préfigure le « déclin contemporain de l’Etat-nation ».
D’une manière générale, Pierre Rosanvallon remarque une réelle « déception démocratique » ainsi qu’une « impossibilité de dissocier le et la politique ». Désormais, la société est individualiste, elle ne vis que pour elle-même, elle se prend ainsi pour l’ « omophalos » grec, le nombril du monde. Le terme de « déception » va réellement marteler la fin de l’ouvrage.
- Une critique externe : la place de l’œuvre dans la science politique.
Comme Rosanvallon le précise dans l’introduction de sa Leçon inaugurale au collège de France, il suit le courant de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) ainsi que de l’Ecole des Annales. L’EHESS a pour mission la recherche ainsi que la formation à la recherche dans le domaine des sciences sociales (histoire, sociologie, droit…). L’Ecole des annales est un courant historique fondé par Lucien Febvre et Marc Bloch (qui sera cité dans la Leçon, « l’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé »). Ce courant dominera pratiquement toute l’historiographie française du 20ème siècle. Il reste aussi influencé par bon nombre de philosophes comme Max Weber, Rawls, Michel de Certeau, Michel Foucault ou encore Aron.
Pierre Rosanvallon inscrit cette œuvre dans un réel renouveau de la vision du politique. Nous sommes le 28 mars 2002, quelques jours avant l’élection présidentielle. Peut-être que l’auteur a prévu ce qui allait se passer en évoquant, durant la fin de sa Leçon, un « phénomène de déception démocratique » ou encore un « haine de la démocratie ».
Son œuvre apporte une nouvelle perspective à la vision du politique, de la démocratie et de la relation avec l’histoire. Il a ainsi proposé « une contribution spécifique » permettant « une perspective longue et élargie ». Cette étude est un renouveau puisque, pour la première fois, une telle chaire est mise en place au Collège de France.
Cependant, une critique certaine peut-être apportée à Rosanvallon puisque sa tentative d’explication d’une « histoire conceptuelle du politique » n’est pas une réelle nouveauté. De nombreux auteurs ont déjà travaillé sur ce sujet. D’une manière générale tout le début de l’ouvrage se présente comme une analyse de la matière du « politique » se basant sur des travaux d’anciens spécialistes. On remarque, par exemple, que la distinction entre la et le politique a été opérée par Philippe Braud, actuel professeur à Science po et que Pierre Rosanvallon n’en fait pas état.
Une des caractéristiques de cet ouvrage reste le fait que Pierre Rosanvallon a utilisé de nombreuses sciences sociales dans l’objectif d’étayer sa thèse. C’est ainsi qu’il évoquera « l’histoire sociale » ou encore la « sociologie ».
Pierre Rosanvallon a publié en 2006 un nouvel ouvrage, « La contre démocratie », dans lequel il indique qu’il n’y a pas de démocratie sans contre-pouvoir permanent. D’une manière générale, il va évoquer la manière dont la démocratie était vécue dans le passé et va la comparer aux pratiques actuelles. D’un certain point de vue, nous pouvons dire que Pour une histoire conceptuelle du politique préfigure ce nouvel opus.
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