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Le discernement des signes des temps

Par   •  23 Août 2018  •  41 856 Mots (168 Pages)  •  476 Vues

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Jonas semble être la combinaison de la prédication et du témoignage de sa vie. Jésus prêche également, et sa vie illustre sa parole, toutes deux étant en adéquation en lui. Par cette injonction en Mt 12 et son rappel au chapitre 16, Jésus semble dire que le signe seul ne se suffit pas à lui-même, ni la prédication, et que l’un comme l’autre, s’ils ne suscitent pas la foi, nécessitent son antériorité. Enfin, nous recevons la profession de foi de Pierre (“ fils de Jonas ” ! Mt 16, 17) qui nous dit probablement l’enjeu des signes demandés et reçus : reconnaître l’identité de Jésus qui est “ le Christ, le fils du Dieu vivant ”. A moins que, ayant foi en Jésus en dehors des signes, puisque c’est du Père qui est dans les cieux que Pierre tient cette affirmation, ces signes manifestent le passage de Jésus par la mort et la nouveauté qu’elle entraîne pour la vie des hommes. Quant à Luc 12, 54-56, il reprend la même image que Matthieu, mais l’enjeu portera ensuite sur la justice. Il passe ainsi de δοκιμαζω (éprouver, reconnaître) à κρινω (séparer, distinguer, juger). Alors que le discernement des “ signes des temps ” a pour conséquence de se comporter avec justice pour Luc, Matthieu utilise cette expression dans le cadre des demandes de signes comme preuves de la divinité de sa mission. En faisant référence aux signes météorologiques, ce dernier indique l’évidence du signe qui est sous leurs yeux. Il est déjà donné, comme c’est le cas pour les phénomènes de la nature. Nous remarquons que la multiplication des pains, le signe de Jonas, et la confession de Pierre reçue du Père conduisent à l’accueil de la mort de Jésus et à la nouveauté qui surgit de sa Résurrection. Enfin, si l’expression des “ signes des temps ” utilisée par Matthieu et Luc reprend la symbolique de la création et de la connaissance du sens de l’histoire, c’est donc que cela se découvre désormais non plus dans les astres mais en Jésus, dont les signes qu’il accomplit dévoilent déjà l’inattendu : les fruits de sa mort et de sa Résurrection.

B - Les signes cosmiques

Pour la plupart des exégètes, la parenté de Mt 16, 3 avec le style apocalyptique pourrait provenir d’un ajout tardif. Elle serait issue des questions, dans les premières communautés chrétiennes, sur la reconnaissance des signes de la présence de Dieu ou de la venue de Jésus-Christ. Le Nouveau Testament comporte à plusieurs reprises des expressions qui impliquent les astres ou des phénomènes naturels extraordinaires. On les trouve principalement au moment des annonces de la Parousie et lors de la Résurrection de Jésus (Mt 27, 51-53 ou Lc 21, 25-28, par exemple).

Les “ signes et prodiges ” sont nombreux dans le Premier Testament. Ils révèlent l’action efficace, miraculeuse et mystérieuse de Dieu, sa bienveillance à l’égard de son peuple et la fidélité à sa Promesse. Les rédacteurs du Nouveau Testament, en relisant la vie de Jésus comme l’accomplissement de la promesse de Dieu, n’ont manqué de montrer la réalisation par Jésus des signes et prodiges, comme preuves de sa messianité. Mais les signes, nous l’avons vu ci-dessus, ont aussi pour rôle de signifier l’inattendu, ce qui ne peut être perçu sans un saut dans la foi : la mort et la Résurrection de Jésus. Vivant dans l’attente de la venue définitive de Jésus-Christ, les chrétiens sont enclins à discerner les signes de sa venue, selon ce que Jésus a lui-même annoncé.

Dans les Évangiles synoptiques, les mentions des signes cosmiques se situent dans les “ discours apocalyptiques ”, principalement en Mt 24, 27-33 ; Lc 17, 24-33 et Mc 13, 24-32 : soleil obscurci, lune sans clarté, les étoiles tombent du ciel, les puissances des cieux seront ébranlées ... Et juste après ces mentions, les trois évangélistes placent la parabole du figuier : “ Dès que sa ramure devient flexible et que ses feuilles poussent, vous comprenez que l’été est proche. Ainsi, lorsque vous verrez arriver tout cela, comprenez qu’il est proche, aux portes. En vérité je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé” (Mt 24, 32-34). Le parallèle avec Mt 16, 1-4 est évident. La mention des signes est relative aux astres comme au mouvement naturel de la création. A propos de “ cette génération ”, il peut aussi bien s’agir de celle qui a vécu le temps de la Résurrection (“ La terre trembla, les rochers se fendirent, les tombeaux... Quant au centurion et aux hommes qui avec lui gardaient Jésus, à la vue du séisme et de ce qui se passait, ils furent saisis d’une grande frayeur et dirent : ‘‘Celui-ci était fils de Dieu’’. ” Mt 27, 51-54), que de la génération de ceux qui sont dans l’attente de la Parousie (“ Comme l’éclair, en effet, part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme ” Mt 24, 27). Le passage de Mt 16 peut donc également évoquer le temps de la Résurrection et celui de l’attente de la venue du Fils de l’homme.

Dans les Actes des Apôtres, nous lisons que “ par la main des apôtres il se faisait de nombreux signes et prodiges parmi le peuple ” (Ac 5, 12). Ceux-ci révèlent que Dieu agit en Jésus Christ dans ce temps de son absence et de l’attente de sa venue. Un autre type de prodige se réalise au bénéfice des apôtres et met en jeu des phénomènes extraordinaires : leur libération miraculeuse (Ac 5, 22-25), celle de Pierre (Ac 12, 6-10) et celle de Paul : “ Tout à coup, il se produisit un si violent tremblement de terre que les fondements de la prison en furent ébranlés. A l’instant, toutes les portes s’ouvrirent, et les liens de tous les prisonniers se détachèrent ” (Ac 16, 26). Dans cette dernière citation, nous retrouvons d’une part le signe cosmique par le tremblement de terre, et d’autre part le signe messianique par la libération prodigieuse de tous les prisonniers. Le Livre de l’Apocalypse contient de nombreuses mentions de signes cosmiques. Toute la création est concernée par le salut et participe à l’attente et à la venue du Fils de l’homme. En particulier en Ap 12, 1-3et 15, 1 (“ Un signe grandiose apparut dans le ciel, ... ”) ; et en Ap 20, 1 où le ciel et la terre s’enfuient pour laisser place à un ciel nouveau et une terre nouvelle (21, 1) où se réalise définitivement la Promesse.

En conclusion, nous voulons insister sur la proximité de l’expression  “ signes des temps ” et du style apocalyptique quant à la référence de ce dernier aux phénomènes célestes qui jouent sur un double registre : d’une part, le ciel et ses mouvements évoquent Dieu ; d’autre part, les phénomènes

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