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Traité sur les larmes salées et l’origine de l’homme

Par   •  24 Octobre 2017  •  1 673 Mots (7 Pages)  •  734 Vues

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En effet, si l’on adopte une perspective darwino-chrétienne, il saute aux yeux qu’Adam fut un microbe et Ève une amibe. Poussés par la tentation de la pomme – symbole des plaisirs terrestres –, ces deux êtres décidèrent de sortir du monde sous-marin pour se rendre dans le monde terrestre. Or, que découvrirent-ils une fois au sec ? L’effet de la gravité ! Soudain, le monde devint donc dangereusement vertical : il y avait un en bas et un en haut – notons au passage que cela fonde l’invention du langage puisque, sous l’eau, il n’y avait pas besoin de mots différents pour désigner ces lieux qui n’existaient pas. Mais ce premier fruit de la connaissance s’accompagna malheureusement d’un second fruit, pourri, sous forme de corollaire : ce qui était en bas était assimilé au monde sous-marin, c’est-à-dire archaïque, donc mal ; ce qui était en haut, en revanche, était assimilé au monde terrestre, c’est-à-dire progressiste, donc bien. Très vite, le microbe et l’amibe en vinrent donc à vénérer le soleil et à se méfier des endroits bassement situés (ce n’est pas totalement par hasard si nous nous cachons le cul et non la tête) : très vite, les voilà qui se couvrent désormais d’habits alors qu’ils allaient nues et sans honte auparavant.

Or, c’est là, véritablement là, qu’eut lieu la Chute du paradis et qu’il faut donc rechercher la raison du goût salé de nos larmes : qui dit habit dit propriété (« ceci est ma culotte ») ; qui dit propriété dit argent (« je t’échange ta culotte contre mon coquillage ») ; qui dit argent dit haine, jalousie, vengeance, guerre, massacre (« rends-moi ma culotte » – « non, c’est la mienne »). Dans le monde sous-marin, en effet, les habits n’étaient pas utiles : les premiers vestiges découverts de vêtements s’apparentent d’ailleurs à des robes. Or, à quoi peut bien servir une robe sous l’eau ? Sans habits, le microbe et l’amibe étaient donc sans propriété, sans argent, sans guerre, sans verticalité et donc sans bien et sans mal : sans habits, c’était le paradis. À l’inverse, donnez une culotte à une amibe et vous déclencherez une guerre. Dieu – ou la nature pour les athées – a donc imposé à nos larmes un goût salé afin de nous punir en nous rappelant continuellement notre audace évolutionniste. Ainsi, en raison d’une loi naturelle et universelle : chaque larme salée produite lors d’un fou rire me rappelle la joie qu’il y avait à évoluer dans ce paradis salin ; chaque larme salée produite en raison d’un malheur ou d’une douleur me rappelle la perte de ce paradis salin.

En conclusion, on peut donc affirmer que le fondement du salé de nos larmes, tout comme de notre émotivité – puisque dans l’eau, il n’y avait pas de raison de pleurer (aucun poisson ne pleure puisque personne ne lui « vole sa culotte ») –, réside donc dans cette origine sous-marine de l’homme et dans la nostalgie de cette origine. D’ailleurs, ultime confirmation de cette hypothèse, comme nous l’évoquions plus haut, nous pouvons dire « larmes amères ». Or, s’il on y réfléchit bien, la seule explication logique de l’existence de cette absurde expression est la suivante : dans le passé, lorsque le microbe et l’amibe regardaient la mer, ils devaient forcément regretter ce lieux où tout était facile et exprimer cette nostalgie par une certaine expression telle que « nos larmes vont à la mer » de laquelle découle, de manière assez évidente, notre expression « nos larmes sont amères ». En somme, il s’agit d’une malheureuse déformation de l’expression originelle que nos ancêtres invoquaient lorsqu’ils contemplaient, en pleurant, la vaste étendue d’eau – ce jardin d’Éden, ce paradis perdu, ce domaine aquatique et salin, sans haut ni bas, sans bien ni mal et dont le souvenir inconscient remplit nos cœurs d’une vibrante émotion et nos yeux de larmes salées.

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