Le beau est-il la fin de l'art ?
Par Junecooper • 14 Novembre 2017 • 3 812 Mots (16 Pages) • 870 Vues
...
Par ailleurs, la question de la subjectivité et du jugement personnel qui remettent en question la beauté de l'art, se voit totalement dépasser par l'art contemporain en lui-même, qui décide justement de ne pas montrer le « beau ». Il est difficile de réellement dater les débuts de la remise en question du caractère purement esthétique de l'art.En effet, Courbet, de son temps, remettait d'ores et déjà l'académisme de son époque en question et prônait une vision réaliste des corps et des paysages, à l'encontre de toute représentation idéalisée. Par ailleurs, les dadaïstes peuvent être considérés comme les véritables précurseurs de la révolte contre l'esthétisme pur. En effet, dès 1916 des artistes tel que Hugo Ball, Tristan Tzara, Picabia, remettent en cause toutes les conventions, contraintes et idéologies esthétiques. Il s'agit d'échapper aux guerres en créant de nouvelles pensées : « oser l'extravagance et la dérision pour dédramatiser ». Un artiste des plus connus toucha à ce mouvement et poussa le concept au maximum avec l'invention des « ready-made »; il s'agit de Marcel Duchamp. Cet adepte de l'art anti-rétinien ( art ne suscitant aucune satisfaction esthétique dans l'immédiateté ) créa toute une série d'objets manufacturés, tels que la célèbre « Fontaine » (urinoir à l'envers) ou encore le « Hérisson » (porte-bouteille), adoptant par là un processus de détournement et de reproduction d'un objet. Cette remise en question de l'art a pour but de susciter une réflexion du spectateur qui doit alors « suspendre son désir de voir « , c'est en réalité au spectateur de donner un sens à l’œuvre. Il s'agit d'une production à caractère uniquement inesthétique, et la séduction se fait finalement une fois que le spectateur a donné un sens à l'œuvre : nous assistons donc à un retard de l'avènement du sens par rapport à l'esthétique de l’œuvre. Cette œuvre emplie de paradoxes suscite de nombreuses question, car finalement, qui peut devenir artiste ? Cette période sera d'ailleurs plus tard définie comme « la fin de l'art » par de nombreux critiques d'art. Ainsi, l'art, une fois délivré des contraintes imposées par des institutions supérieures semble se détourner d'une visée esthétique, pire, la considérer aux antipodes des buts désormais visés par les productions artistiques.
Ainsi, il a été vu que l'art se détournait par lui-même d'une simple visée esthétique, au-travers des divers mouvements artistiques traversant les époques. Mais les contextes culturels et influences d'artistes ne sont pas les seuls responsables de ce tournant. En effet, l'art fut de nombreuses fois utilisé à des fins purement personnelles, et de manière péjorative, dans le contexte politique. Aussi le mélange des idéaux a eu des conséquences néfastes sur les objectifs alors imposés à l'art. C'est notamment le cas lorsqu'un État utilise ce dernier par le biais de la propagande. Le cas le plus flagrant est de toute évidence la propagande de l’État nazi, ainsi les graffitis inscrits à l'entrée des camps de concentration « Arbeits macht frei » sont-ils le reflet d'une certaine ironie tragique. Mais plus particulièrement dans le domaine des arts, nous pourrions évoquer la célèbre cinéaste Leni Riefenstahl, au service d'Hitler et par conséquent de la propagande nazie. En effet, en 1932 la cinéaste rencontre Hitler, et dès son accession au pouvoir, elle accepte la direction artistique du film du Congrès du Parti nazi à Nuremberg en 1934, « Le triomphe de la vonlonté », l'archétype du film de propagande. Puis elle réalise en 1936 le film officiel des Jeux olympiques, « Les Dieux du stade », qui devient un succès mondial. Ainsi, cette artiste, la « douce amie du Führer » ne cessa de créer, et cette force persista même sous l'influence nazie. Elle est encore de nos jours souvent détestée pour son absence de compassion, de culpabilité, ou même de conscience politique. Il est clair qu'ici, la beauté n'est nettement pas considérée comme la fin de l'art. Il s'agit ici de sculpter les mentalités afin de faire adhérer les populations ( le terme est tout de même déplacé car le parti nazi est alors le seul autorisé en Allemagne ) à la politique nazie, et louer les pouvoirs du Führer en prônant de profonds changements bénéfiques. L'instrumentalisation de l'art a des fins politiques, est donc clairement aux antipodes d'une fin purement esthétique. Il s'agit de viser des intérêts purement personnels, tout en manipulant les populations.
Le mélange des idéaux détourne certes le but visé d'origine par l'art, qui est celui de l'Antiquité, soit le Beau, l'Idéal ; mais ( à l'encontre des exemples cités ci-dessus ) il sert parfois des cause plus profondes. La volonté de toucher le spectateur par la beauté d'une œuvre est alors associée à celle de le toucher en s'engageant, et cet engagement prend dès lors diverses formes : politique, éthique, philosophique, sociale…
De nos jours, il est de plus en plus récurrent que le « fond » prenne le dessus sur la « forme ». En effet, les artistes s'engagent et dénoncent de manière pointue les divers dysfonctionnements de notre planète. C'est notamment le cas de l'artiste Pascale Marthine Tayou, qui dénonce le monde chaotique du milieu urbain. En effet, il caractérise un environnement naturel surexploité et dévasté par l'homme, prêt à se retourner contre lui. C'est par conséquent une critique de la consommation de masse et de la naissance d'une culture mondialisée qui domine son œuvre. Par ailleurs Tayou est avant tout un « artiste visuel, souhaitant apporter une joie de vivre et une harmonie ». Aussi l'artiste tend à une double fin : à la fois esthétique ( volonté persistante de toucher le spectateur par la beauté de son œuvre ) et engagée socialement ( son œuvre se définit comme un mélange d'actualité et de modernité, se basant principalement sur une critique politique et sociale de la mondialisation : surproduction, pollution…). C'est donc dans cette optique que Tayou a réalisé depuis 2011, une série d'installations à base de sacs plastique colorés : « Plastic Tree », « Plastic Bags »... Aussi est-il perspicace d'avoir choisi le sac plastique : 80 % des sacs plastiques ne sont ni triés ni recyclés, ils se retrouvent par centaines de millions dans la nature, et sont responsables de la destruction de la biodiversité. C'est donc par le biais de cet art
...