Commentaire de texte : Réflexions sur la question juive, 1946, Sartre.
Par Andrea • 3 Novembre 2018 • 1 396 Mots (6 Pages) • 784 Vues
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à la vérité. Ainsi, pour Sartre, on peut voir en l’homme qui croit en la religion un homme insensé.
On comprend donc que pour Sartre, l’homme insensé, c’est l’homme qui choisit de se terrer dans la permanence des faux raisonnements. Mais, au-delà de cela, c’est surtout l’homme qui éprouve une peur profonde pour l’effort du raisonnement.
Cette notion de peur, qu’expose Sartre dans un second temps, est décrite à travers trois éléments, complémentaires, et liées : le raisonnement, la vérité et le soi-même. En effet, d’après Sartre, la vérité dépend du raisonnement, et le raisonnement dépend du soi-même. Ainsi pour Sartre : l’homme est sensé car il se pose des questions, raisonne, et donc, cherche la vérité. Ainsi, l’homme insensé, qui refuse de voir la vérité, qui la fuit, qui en a peur, c’est finalement de lui-même qu’il a peur : « une peur de soi originelle ». A ce titre, il évite donc également le raisonnement, car il ne veut pas produire un travail pour arriver à une vérité. L’idée même d’un effort le contraint à l’ignorance. L’homme insensé a donc pour objectif de vivre dans la jouissance totale et immédiate : ainsi, puisqu’il faut produire un effort de pensée, parfois long et même douloureux, pour chercher la vérité, cela est inutile, et l’esprit s’en débarrasse.
Ici est l’opposition entre les deux types d’hommes décrits par Sartre: d’un coté les jouisseurs immédiats, qui ne veulent que de l’acquis et pour qui le raisonnement et la recherche de la vérité n’a que peu de sens, si ce n’est pas du tout, et de l’autre côté les hommes sensés, qui dédient leur vie à la recherche de la vérité et du bon raisonnement, laissant au second plan leur bonheur instantané.
Les insensés se complaisent dans ce qu’ils sont déjà : ils aiment ce qui est innés pour eux, ce qu’ils possèdent. Cela rejoint leur peur du changement : ils veulent vivre dans leur monde où la recherche n’est que secondaire, où le progrès est dispensable. Selon eux, il n’y a rien de plus à chercher, à découvrir ou à savoir que ce que nous connaissons déjà. Ils remettent donc en cause les fondements même de la science et de la philosophie. Ces hommes sont donc persuadés que leur confort intérieur, leur fainéantise intellectuelle, sont les bases d’une monde immobile, et donc meilleur à celui qui existe.
Ce raisonnement peut de nouveau être de nouveau comparé au fanatisme religieux. Si l’on considère que tout est basé sur un livre saint, alors toutes les réponses s’y trouvent. Il n’y a donc plus d’intérêt de produire un quelconque raisonnement, puisque les faits qui y sont présentées sont immuables. Ainsi, comme vu précédemment, s’il n’y a plus de vérité, et plus de raisonnement, alors il n’y a plus à proprement parler de « soi-même ». Notre individualité n’est plus, le progrès intérieur n’est plus possible. C’est en cela qu’il faut, pour Sartre, fortement rejeter le fanatisme : la « passion », qui éloigne de la vérité, comme c’est la cas des idéologies qui proposent une vision très simpliste du monde.
Implicitement, on comprend également que Sartre défend l’éducation pour lutter contre le choix des faux raisonnements. Ainsi, être initié à la philosophie et aux sciences permettrait de se sortir de la passion irrationnelle pour l’immuable. Des connaissances dans ces domaines permet une meilleure ouverture d’esprit, et un soi-même plus apte à émettre un raisonnement, en quête d’une vérité. Sartre exprime donc ici son point de vue quant à l’éducation des hommes : les hommes instruits choisiraient naturellement le bon raisonnement, et rejetteraient l’idée même de raisonner faux.
On comprend donc que pour Sartre, on choisit de raisonner faux par peur du changement, soit un forme de nostalgie, dans une volonté d’être invulnérable aux assauts d’un monde qui demande de se remettre continuellement en question. Plus que la vérité, c’est le dur cheminement pour y parvenir qui effraie.
Dans cette optique, on est en droit de s’interroger sur la légitimité de Sartre sur son propre sujet : fervent défenseur du communisme russe dans les années 1950, il déclare : « Le citoyen soviétique possède, à mon avis, une entière liberté de critique ». On peut dans cette situation considérer qu’il est lui-même un bon exemple de l’homme insensé,
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