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Stratégie internationalisation Salomon

Par   •  27 Juin 2018  •  3 592 Mots (15 Pages)  •  459 Vues

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On peut la qualifier de sous-traitance maîtrisée dans la mesure où Salomon apporte au sous-traitant des moyens de production qu’il maîtrise en interne pour ainsi conserver, en plus de la conception des produits, celle des procédés de fabrication. Par ailleurs, Salomon s’occupe le plus souvent d’approvisionner le sous-traitant en composants et matières sur le modèle dit du « façonnage ». Ce modèle offre au sous-traitant l’avantage d’une gestion peu risquée, sans achats à réaliser, et sans investissement machine. Les machines étant spécifiques, elles ne peuvent pas être utilisées pour d’autres clients, créant ainsi une dépendance forte vis-à-vis de Salomon.

Dans l’entreprise, les acteurs en charge du pilotage sont les acheteurs, qui aiment à se qualifier dès les années 1970 de « pilotes de réseaux externes ». On peut exprimer de la façon suivante la compétence relationnelle développée alors par la fonction achats : de par son histoire, Salomon a acquis une capacité spécifique dans le déploiement de process qui vont être utilisés par d’autres (on pourrait parler d’une compétence en ingénierie de process de production externalisée ). Cette compétence se traduit par une grande rigueur dans la définition des process opératoires, dans la surveillance de la qualité et dans la coordination avec les ressources externes.

Une règle implicite est adoptée par l’entreprise à partir des années 1970 : pour la plupart des productions, 50 % doivent être réalisés dans les usines Salomon et 50 % chez des sous-traitants (d’où un « modèle 50/50 » selon la terminologie interne du groupe). Prenons l’exemple de l’usine de Serrières en Chautagne (Savoie), qui fabriquait encore, en 1993, 50 % de la production de chaussure alpine. Cette dernière réalise aussi la découpe pour les fabricants de chausson qui, eux-mêmes, alimentent par la suite tant l’usine que les sous-traitants assembleurs de chaussure (qui réalisent les autres 50 % de la production). L’idée n’est pas de compléter les capacités dans des pics, mais bien de sous-traiter la production tout en gardant la maîtrise industrielle du produit, donc des lignes de production intégrées.

Le « modèle 50/50 » est devenu, trente ans plus tard, un « modèle 5/95 », les 5 % de production réalisée dans les usines Salomon se concentrant sur les articles haut gamme, par exemple la fabrication des skis destinés aux skieurs présents lors des Coupes du monde. La maîtrise de l’industrialisation reste une priorité grâce au Salomon Design Center et aux ateliers pilotes pour les phases d’industrialisation. Ces derniers donnent la possibilité de fabriquer des préséries sur les mêmes presses à injecter que celles installées chez les sous-traitants.

En interne, pour expliquer le business model industriel de l’entreprise, on utilise la schématisation de la figure 1. Elle indique que derrière le très faible taux apparent de maîtrise en interne de la production (5 % des produits vendus sont fabriqués dans les usines du groupe), il existe une forte maîtrise globale de la production externalisée par l’internalisation des spécifications produits et composants, ainsi qu’une maîtrise estimée à 70 % des process industriels utilisés pour l’ensemble de ces productions.

3. L’aventure roumaine, une stratégie achats fondée sur les compétences relationnelles

Au début des années 1990, Salomon est le leader mondial dans le secteur de la chaussure de ski alpin avec le concept innovant de l’entrée arrière, mais c’est aussi le seul acteur du secteur qui n’est pas italien. Or, à cette époque, la lire perd 45 % de sa valeur, faisant chuter brutalement la compétitivité prix de Salomon. La décision est prise de s’implanter en Italie, avec le rachat de San Giorgio. Cette opération offre trois avantages : a) bénéficier du taux de change avantageux de l’Italie, b) avoir accès à la sous-traitance italienne regroupée dans le district de la fabrication des chaussures (Montebelluna), et très performante dans ce domaine, et c) donner accès à la compétence de conception et production sur les chaussures à crochet. Pendant cinq ans, l’Italie monte en puissance, et passe de 10 % de la production de Salomon en 1993 à 60 % en 1998. Le groupe augmente les capacités de production de l’usine italienne et duplique le modèle français en s’appuyant sur le réseau de sous-traitants locaux. Pour la direction de l’entreprise, il faut cependant aller plus loin en se différenciant des productions italiennes et redéployer les activités du groupe vers un pays low cost.

L’Asie n’est pas retenue pour des raisons de protection des savoir-faire : le risque est trop grand de voir un sous-traitant chinois contracter ensuite avec un distributeur spécialisé de type Décathlon ce dernier profitant du développement industriel réalisé par Salomon. Au final, une équipe projet créée au sein de la direction des achats décide de sélectionner un pays où il sera possible d’implanter un réseau de sous-traitance « à la française », c’est-à-dire sur le modèle bâti par Salomon en Rhône-Alpes. Après la chute du mur de Berlin, les pays de l’Est sont une cible privilégiée avec deux options : choisir des pays qui vont rejoindre le plus rapidement les standards européens (Hongrie, Tchéquie, Slovaquie), et où il sera facile de s’implanter ; choisir d’autres pays où le tissu industriel est en friche (Pologne, Bulgarie, Roumanie), avec un écart salarial certes faiblement favorable mais qui devrait s’aligner sans doute plus lentement sur les voisins européens. Le choix se portera en dernier ressort sur la Roumanie pour diverses raisons : stabilité politique, proximité culturelle, coût de la main-d’oeuvre, niveau d’éducation et accessibilité logistique.

Phase 1 (1993-1998) : transfert de compétences et déploiement du réseau de sous-traitance captif

La stratégie roumaine constitue un pari risqué car il s’agit de transférer les technologies de types couture et assemblage, tout en développant sur place de l’injection plastique (et la coulée de polyuréthane), un mode de production inconnu dans ce pays à l’époque. L’injection est d’ailleurs identifiée comme la technologie clé autour de laquelle doit se bâtir le réseau de sous-traitance.

L’accompagnement des sous-traitants est lourd pour le groupe, d’autant que la privatisation des entreprises, après la Révolution de décembre 1989, se réalise en l’absence de potentiel d’investissement additionnel. C’est donc Salomon qui, non seulement, achète les machines nécessaires à leur

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