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Le suffrage et le système électoral

Par   •  10 Mars 2018  •  10 066 Mots (41 Pages)  •  347 Vues

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Les restrictions au droit de suffrage - Le suffrage universel a triomphé partout. Il est proclamé solennellement par la Constitution de 1958 (article 3), par la Constitution italienne de 1947 (article 48), par le XIXè amendement de la Constitution américaine en 1920... Il serait cependant inexact de croire que tout homme ou femme est ipso facto citoyen. Ainsi que l'indique le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 18 novembre 1982, "la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et d'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité". Deux types de discriminations ont aujourd'hui disparu : celle qui était justifiée par le sexe, on vient de l'examiner, et celle qui faisait le départ des hommes libres et les esclaves. C'est au cours du XIXè siècle que l'esclavage a été finalement proscrit partout dans le monde, notamment en France (après une première tentative en 1794), au Royaume-Uni et surtout aux USA où l'esclavage a été au coeur de la Guerre de Sécession entre 1861 et 1865. Seule la victoire militaire du Nord sur le Sud a conduit à l'abolition de l'esclavage par les XIIIè, XIVè et XVè amendements de 1865, 1868 et 1870. Le XVè amendement affirme sans ambages : "Le droit des citoyens des USA de voter ne sera dénié ou restreint ni par les USA, ni par aucun Etat, pour raison de race, couleur ou condition antèrieure de servitude". Malgrè cet interdit, les anciens esclaves noirs ont continué à être tenus en lisière dans le Sud : de manière indirecte, leur participation aux élections était entravée jusque dans les années 1990. Le mouvement des droits civiques a brisé la résistance des Dixiecrats, ce qui a réclamé l'adoption en 1964 du XXIVè amendement prohibant l'acquittement d'une taxe électorale pour voter : les Noirs en étaient les premières victimes en raison d'un niveau de vie inférieur à celui des Blancs.

Les restrictions au droit de suffrage (suite) - Trois sortes de discriminations persistent, au sens étymologique de "distinctions". Au regard de l'âge, le droit de suffrage appartient aux majeurs : il est dénié aux mineurs qui ne sont pas en mesure d'exprimer une volonté éclairée. Pendant longtemps, la majorité a été fixée à 21 ou 23 ans ; de nos jours, la plupart des démocraties occidentales retiennent l'âge de 18 ans : tel est le cas au Royaume-Uni en 1969, aux USA depuis 1971 et en France depuis 1974. Ici et là, le seuil a été abaissé à 16 ans. Ensuite, concernant l'incapacité civile, elle prive du droit de voter parce que l'on considère que les incapables majeurs ont une conscience alternée. L'incapacité électorale peut aussi constituer une peine infamante qui frappe à titre complémentaire un failli, un délinquant ou un criminel : le débat fait rage en ce moment au Royaume-Uno au sujet du droit de vote des personnes emprisonnées. Enfin, la nationalité est prise en compte : en principe, seuls les nationaux sont habilités à voter, à rebours des étrangers. L'approfondissement de l'UE a provoqué une évolution notable en 1992 : à partir du traité de Maastricht, les ressortissantts de l'Union ont le droit de vote aux élections municipales françaises (article 88-3 de la Constitution). En revanche, leur éligibilité est encadrée : ils ne peuvent devenir maire ou adjoint au maire, ni participer à l'élection des électeurs sénatoriaux et à celle des sénateurs.

Droit de suffrage et éligibilité - Autrefois, le suffrage et l'éligibilité étaient assez soigneusement distingués : les conditions pour être élu étaient plus difficiles à satisfaire que celles nécessaires pour élire. Ainsi, au temps du suffrage censitaire, il fallait acquitter un impôt plus élevé que le cens. En France, en 1944, il avait été envisagé de donner le droit de vote aux femmes, mais de leur refuser l'éligibilité. Aujourd'hui, l'écart est faible entre le droit de suffrage et l'éligibilité : il tient surtout à l'âge. Il faut avoir atteint 24 ans pour rejoindre les rangs du Sénat français. En revanche, depuis 2010, il suffit d'être majeur pour être élu député (23 ans auparavant). Dans un parlement bicaméral et eu égard au rôle assigné à la chambre haute, chargée de modérer les ardeurs juvéniles de la chambre basse, il est fréquent que l'âge requis soit plus élevé pour y siéger : c'est le cas en Italie ou aux USA. La Constitution italienne est d'ailleurs très originale : pas tant parce qu'elle exige 25 ans pour les députés et 40 ans pour les sénateurs, davantage parce qu'elle réserve le suffrage lors des élections sénatoriales aux citoyens âgés de plus de 25 ans (article 58). Pour le reste, il est rare que l'éligibilité soit découplée au droit de suffrage : l'électeur participe normalement aux élections, mais ne saurait être élu, soit pour protéger l'honorabilité du mandat (abandon de famille), soit en raison des hautes fonctions assumées par l'intéressé (préfet, Défenseur des droits, magistrat...), soit au nom du cumul des mandats. On ajoutera l'interdiction faite aux ressortissants de l'UE d'exercer un mandat de maire ou d'adjoint en France.

Un suffrage égal, secret, libre, direct ou indirect - Le suffrage est non seulement universel, mais il est aussi "égal" ou "secret", selon les termes de l'article 3 de la Constitution de 1958 ou de l'article 48 de la Constitution italienne de 1947. Le suffrage est égal : tous les citoyens, dès lors qu'ils sont reconnus tels, ont un "poids" électoral équivalent, ce que la Cour Suprême des USA résume l'expression One man, one vote. Dans le passé, en Belgique, au Royaume-Uni ou dans certains pays du Maghreb, le vote plural a été pratiqué : un même électeur disposait de plusieurs suffrages. Cette variante du suffrage censitaire ou capacitaire a été abandonnée depuis de nombreuses décennies : aujourd'hui, le suffrage est strictement individuel. Le Conseil Constitutionnel a fermement condamné le vote plural dans une décision du 17 janvier 1979 au nom de l'égalité devant la loi et de l'égalité du suffrage. Le caractère secret du suffrage a été vivement discuté autrefois : on soutenait que les électeurs devaient affirmer publiquement leurs préférences et que la participation à la vie civique répugnait à une quelconque dissimulation. Cependant, les risques de pression ou de corruption ont conduit à la généralisation du vote secret : en France, le code électoral impose de glisser le bulletin

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