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Commentaire d'arrêt Ile de la Tentation 3 juin 2009

Par   •  28 Juin 2018  •  2 121 Mots (9 Pages)  •  710 Vues

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Les juges du fond quant à eux ont procédé de manière méticuleuse au démantèlement des prétentions de la société de production en recherchant dans la situation toutes les caractéristiques propres à une relation contractuelle régie par le droit du travail.

- La reprise par le juge de la méthode du faisceau d’indice : primauté du critère du lien de subordination

Le contrat de travail désigne une convention par laquelle une personne physique qui est le salarié, s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre personne physique ou morale, et qui se place sous la subordination de celle-ci, le tout moyennant une rémunération.

Par cette définition, trois critères permettent au juge de définir si une relation contractuelle entre dans le cadre d’une relation régie par le droit du travail : la prestation de travail fournie par le salarié, une rémunération en contrepartie de cette prestation et un lien de subordination entre le salarié et l’employeur. Dans cet arrêt le juge applique purement et simplement la méthode du faisceau d’indice qui implique de regrouper les trois situations pour caractériser la relation de travail, cependant celui-ci met particulièrement en exergue le critère du lien de subordination qui avait été précédemment défini par la Cour de Cassation dans son arrêt Société générale contre URSSAF de 1996 comme étant « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements ».

En effet, en l’espèce les participants au tournage de l’émission « l’Ile de la tentation » étaient d’après les observations des juges du fond obligés « de prendre part aux différentes activités et réunions » ; ils devaient de plus « suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur » ; et ceux-ci étaient « orientés dans l’analyse de leur conduite » certaines scènes étant « répétées pour valoriser des moments essentiels ». Les juges du fond ont donc considéré ici que le critère du lien de subordination faisait largement éclipse aux autres critères dans la détermination de la nature de la relation contractuelle, les candidats étant soumis à un règlement qui leur imposait une « indisponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l’extérieur » ; et qui stipulait de plus que « toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi ».

C’est un raisonnement qui sera régulièrement adopté par la suite en jurisprudence notamment dans l’arrêt Comité Mister France du 25 juin 2013 qui reprend presque les conclusions de la Cour de Cassation dans cet arrêt « Ile de la Tentation ». Le juge aujourd’hui en droit social doit faire preuve de rapidité et d’innovation face à la multiplication des situations « de travail », le monde de l’audiovisuel se développant rapidement, on assiste à la création de nouvelles situations jusqu’alors inconnues des tribunaux, cet arrêt Ile de la Tentation s’inscrit dans cette optique d’élargissement de la notion de travail afin de protéger au mieux ceux qui font l’objet de conventions inégales.

- La notion de travail élargie par la décision de la Cour de Cassation

Le silence laissé par le droit du travail français sur la définition de ce qu’est un contrat de travail est volontaire de la part du législateur, et cet arrêt traduit parfaitement l’utilité de laisser un tel « vide textuel » dans la mesure où il est impératif d’offrir une protection aux parties qui seraient dans une situation inégale face à leur cocontractant (A) et il est aussi nécessaire que le droit du travail s’adapte rapidement aux évolutions de la société, en l’occurrence ici à l’apparition de nouveaux domaines régis par ce droit (B).

- L’impératif de protection du contractant faible face au contractant fort

Cet arrêt « Ile de la Tentation » a permis une certaine remise en question de la part des sociétés de productions et a opéré comme une mise en garde de la part du juge à leur encontre. En effet, la situation dans laquelle étaient placés les candidats vis-à-vis de ces sociétés était totalement inégale, les obligations dont ils faisaient l’objet et leur rémunération n’étant pas du tout proportionnelles aux gains qu’ils rapportaient aux boites de productions. D’une manière plus générale, cet arrêt vient affirmer aussi le rôle déterminant que joue le droit du travail dans certaines situations : il protège le contractant faible d’éventuels abus de la part de son cocontractant. Les boites de productions gagnent des milliers d’euros et ne déboursent que très peu en comparaison pour la prise en charge et la « rémunération » des candidats.

Le droit du travail est renforcé à travers ce genre d’arrêt, et cela permet aussi une meilleure entente préalable entre les contractants, afin que chacun expose de la manière la plus claire possible ses conditions. Cet arrêt opère comme une mise en garde en montrant que même des domaines qu’on ne soupçonnaient pas peuvent relever du droit du travail. Le juge détient ici un réel pouvoir de décision et d’interprétation quant à la nature de la situation.

- La professionnalisation du domaine de la téléréalité : la vulgarisation de la notion de travail ?

Certains candidats de téléréalité ont été après cette affaire jusqu’à revendiquer leur droit à être reconnu comme des artistes interprètes, des mannequins ou bien encore des acteurs. La décision rendue par la Cour de Cassation n’entrainerait-elle pas une tendance des candidats à profiter du statut de salarié pour obtenir d’autres avantages ? De plus, cette décision ne participe-t-elle pas à encourager le jeune public à « être payé à ne rien faire » ?

D’un point de vue juridique il était nécessaire de protéger le statut des candidats lorsque ceux-ci se retrouvaient manifestement dans une situation très inégales face aux boites de productions, aujourd’hui la spontanéité de la téléréalité n’est plus du tout d’actualité, on assiste à de véritables calculs stratégiques de la part des candidats, à l’invention d’histoires qui pourraient alimenter le tournage et à la création de toutes pièces de certaines situations. On peut concéder que cette disparition du caractère spontané correspondrait plus à quelque chose qui se rapproche d’une situation

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