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Portrait de David et Julien, Honoré de Balzac

Par   •  29 Octobre 2018  •  3 583 Mots (15 Pages)  •  546 Vues

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Problématique

Pour Balzac, inspiré des travaux de Lavater sur la physiognomonie, le physique révèle le moral, le corps se lit comme un livre et divulgue des informations sur la psychologie, le social et l’idéologie. Le portrait balzacien est soumis à l’objectif didactique de délivrer un sens sur la société.

Or, dans ce passage, les comparaisons picturales et littéraires peuvent surprendre. Alors que Balzac devrait favoriser le didactique, le portrait semble ici privilégier la fonction esthétique. Nous allons donc nous demander ici comment la rationalité du projet balzacien cède au poétique, comment le didactique, qui vise à la clarté, est sublimé par l’esthétique, qui vise à l’émotion.

Structure

Le premier mouvement, début du texte à la ligne 6 « un grand peintre », annonce un double portrait tout en contraste. Le premier, dans le deuxième mouvement de « David avait les formes » à « vie de province. » ligne 24, présente David, quand le dernier, comme il a été annoncé au début du texte, dresse celui de Lucien, par opposition à celui de son ami.

Explication

- Le double portrait

A – « Tous deux… auréole », un tableau idéal…

Tout concourt à faire de ce moment, un tableau idéal. Le décor du portrait rappelle l’atmosphère de la pastorale : paysage heureux, lumière douce (« les rayons de soleil »), moment béni. Les « pampres de la treille » disent l’abondance et la félicité : le monde est donc, pour l’instant, en accord avec les consciences, ce qui n’est pas le cas dans la suite du roman. Une sorte d’harmonie règne entre les êtres et le paysage : c’est la définition romantique du bonheur (Balzac, romantique, déçu de son époque). Le paysage est construit comme une vision littéraire.

Le CC de lieu « sous un berceau » (= voûte de feuillage) fait de la province un lieu protecteur, un lieu de l’enfance. C’est un refuge, un locus amoenus (lieu agréable de la pastorale). Cette voûte de feuillage semble couronner les espoirs du poète et de l’inventeur.

Dès les premiers mots (« tous deux », « leurs yeux », « les deux poètes »), les deux garçons ne font qu’un. Il va leur être difficile de se construire séparément. L’enfance est une sorte de jardin d’Eden avant la chute. Le substantif « auréole » indique qu’ils sont encore aimés de Dieu. Ils sont encore « sains » : David est vertueux et Lucien innocent.

B – « Le contraste… grand peintre », …qui présage la Chute

Le champ lexical (« contraste », « figures », « brosse », « peintre ») picturalise fortement ce double portrait. Il s’agit d’une ekphrasis (description dans un texte comme s’il s’agissait d’un tableau). Elle isole le portrait en en faisant un morceau de saillie. Cependant, à peine le lecteur est-il sensibilisé à la beauté de la toile, qu’apparaît la désunion avec le champ lexical de la séparation (« contraste » une nouvelle fois mais aussi « opposition », « vigoureusement accusé »). L’illusion de bonheur, d’harmonie n’est que de courte durée.

- Le portrait de David

A – « David avait les formes… ou secrètes », un héros voué à l’échec

Il est rare, à l’époque de Balzac, de commencer un portrait par le corps. Le trait caractéristique de David, son corps massif, rappelle la puissance des héros mythologiques. Mais ce qui importe, c’est que dit ce corps sur David : il est fait pour conquérir le monde. De plus, de même que le corps conditionne la destinée du personnage, divulguer ces informations dès le début du roman, c’est orienter la lecture, proposer un sens a priori qui conditionne l’aventure.

Le terme « lutte » fait quitter définitivement le monde édénique de l’enfance. Quant aux adjectifs « éclatantes ou secrètes » constituent une première ombre au tableau. David n’est pas vraiment sur le devant de la scène. Ces mots annoncent le drame de l’inventeur dénigré.

B – « Son large buste… Boileau », un visage sur une silhouette

La perfection physique de David-Hercule est soulignée par l’A/R entre l’ensemble et le détail (« en harmonie », « plénitude des formes »). Mais elle reste vague, témoigne peut-être de la réticence classique à décrire le corps. Il reste une silhouette.

Ce qui intéresse le romancier c’est le visage. C’est plus l’abondance que la robustesse qui caractérise le jeune homme : « gras », « gros cou », « abondante ». Chez Balzac, la matière envahit tout et le romancier a la tâche d’organiser. La physiognomonie se doit de démêler, de trouver un sens à l’anarchie naturelle suggérée par « l’abondante forêt de cheveux noirs » (métaphore sylvestre »).

Le portrait s’écarte de sa visée didactique en introduisant une comparaison littéraire qui tient à distance la tentation peut-être de l’autoportrait. L’appréhension scientifique du réel échappe et doit passer par la voie détournée de la référence à Boileau.

→ Ces relais picturaux et littéraires sont-ils une manière de rendre plus vivant ou un aveu d’échec de la description ?

C – « Mais un second examen… esprit supérieurs », le génie mélancolique

L’opposition forte « au premier abord »/ « un second examen » est essentiel. L’auteur va au-delà des apparences, comme en témoigne le verbe « révélait ». Il faut rendre visible un réel complexe ou qui n’est qu’apparence. Le « second examen », la « bonne » lecture ne fait plus référence à un intertexte : la description s’assume.

Une longue phrase mime le travail de déchiffrement qui vise à montrer que contrairement aux apparences tout est cohérent et relié à des principes abstraits. A travers tel ou tel trait, on voit apparaître telle ou telle caractéristique qui apparaît en fin de phrase. Le visage-parchemin se déchiffre. Pour Balzac, décrire c’est relire le monde.

David n’est plus une masse inerte mais une matière douée de sens. Le réalisme balzacien donne un sens au chaos apparent. La physiognomonie est parfois douteuse (lien entre le « sillons des lèvres » et « l’ardeur » ???), sinon convaincante mais banale (le regard révélateur de l’intelligence est un

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