Jean Echenoz, Courir
Par Andrea • 29 Septembre 2018 • 1 976 Mots (8 Pages) • 803 Vues
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Le personnage principal de ce roman est également très ambigu et ambivalent. Au départ, il déteste le sport, « Le sport, Emile aime d’autant moins que son père lui a transmis sa propre antipathie pour l’exercice physique (...) (p.13) », mais, contraint de participer à une course pour l’usine de chaussure Bata à laquelle il finit deuxième, des personnes ayant repéré son talent le pousseront à continuer la course. Petit à petit, se rendant compte de son potentiel et de ses capacités, il prendra goût au sport jusqu’à ne plus pouvoir s’arrêter. Instrument du communisme, le lecteur perçoit à de nombreuses reprises qu’il ne fait qu’obéir à ses supérieurs de manière passive. Cette passivité caractérisant notre personnage est assez remarquable à la fin du roman, lorsqu’il accepte sans protester de renoncer à tous ses droits et à sa dignité. Cependant, Emile n’est pas seulement un suiveur. En effet, lorsqu’il subit des moqueries liées à son style particulier, ou à son « déclin », il repousse ses limites au maximum et ridiculise ses adversaires. A ces moments, on remarque que le personnage n’est pas dépourvu de caractère et qu’il est très déterminé.
En conclusion, ce livre en apparence simple, est assez ambigu sur différents aspects. Tout d’abord, le choix d’un narrateur interne mais presqu’externe car son identité reste inconnue jusqu’au bout, est particulière. Il est omniscient, mais ne livre pas au lecteur les sentiments et pensées du personnage. D’ailleurs, celui-ci est lui-même ambivalent : à la fois bon communiste, respectant ses supérieurs et possédant un caractère lui permettant de toujours se surpasser et battre ses concurrents. A côté du parcours de ce sportif très talentueux, c’est tout un contexte politique de guerre froide qui est dépeint dans ce roman. En effet, on insiste beaucoup sur les conséquences du communisme et le climat de peur dans lequel étaient plongés les personnes vivant sous ce régime.
Choix de l'extrait
Prague où, ces années-là, tout le monde a peur, tout le temps, de tout le monde et de tout, partout. Dans l’intérêt supérieur du Parti, la grande affaire est maintenant d'épurer, démanteler, écraser, liquider des éléments hostiles. La presse et la radio ne parlent que de ça, la police et la Sécurité d'état s'en chargent. Chacun peut à chaque instant se voir inculpé comme traite, espion, comploteur, saboteur, terroriste ou provocateur, relevant au choix d'une obédience trotskyste, titiste, sioniste , ou social-démocrate, tenu pour koulak ou nationaliste bourgeois.
N'importe quand, n'importe qui peut se retrouver dans une prison ou dans un camp, pour des raisons qu'en général il ignore. Il s'y retrouve la plupart du temps moins pour ce qu'il pense que parce qu'il gêne quelqu'un ayant le pouvoir de l'y envoyer. Chaque jour, des quatre coins du pays, des centaines de lettres arrivent à la Sécurité d'Etat qui attirent, avec beaucoup d'obligeance et d'imagination, l'attention de celle-ci sur tel camarade, collègue voisin, parent, dénoncé dans le cadre de la conspiration contre le régime.
Voila, nous en sommes au point que nous avons connu, sous un forme un peu différente, il n' a même pas dix ans. Personne n'osant plus se parler ni s'écouter, on se fuit méthodiquement les uns les autres, on ne se connaît plus même au sein des familles. La presse est ligotée comme jamais, comme jadis, l'écoute de radio étrangères exposant à de sévères représailles. La terreur s'étant ainsi confortablement installée dans les consciences, le choix est simple : se taire et se résigner ou se joindre aux démonstrations d'approbation fanatique du régime et au culte du président Gottwald - une bonne planche de salut consitant aussi à adhérer au Parti qui, en quelques mois, a grossi de plus d'un million de nouveaux membres dont, il faut bien le dire Emile.
Qu'on aille pas croire qu'Emile est un opportuniste. Qu'il croit croie sincèrement aux vertus du socialisme est une chose indiscutable, mais une autre non moins discutable est qu'il est difficile, là ou il en est, de faire autrement. Il sait qu'il a sa place dans le collimateur et que déjà, dans les sphères penseuses du pouvoir, on se plaît à se demander en tout logique si la situation de grand sportif populaire ne relèverait pas de l'individualisme bourgeois, l'adoration malsaine pour un athlète faussant gravement l'idéal stakhanoviste.
Emile, bien que par précaution l'on préfère toujours le cacher, le prétendre en petite forme, fatigué voir malade, Emile n'en démord cependant pas. Comme Heino, ressorti en grondant de ses forêts profondes, s'empare a nouveaux du record mondial des dix mille mètres, Emile lui reprend cinquante deux jours plus tard, laissant ses adversaires si loin derrière que le second termine avec quatre tours de retard. Sur cinq mille et dix mille, décidément Emile demeure l'homme le plus rapide du monde.
pp. 69-71 ( chapitre 11 )
Dans cet extrait, le narrateur omniscient a l'histoire va nous expliquer premièrement le climat de terreur qui régnait durant ces années là a un tel point qu'il valait mieux se taire et ne faire confiance a personne, même pas a sa propre famille, si on ne voulait pas finir enfermé dans des camps ou en prison. Dans ce passage il nous fait part aussi de ce qui se passe partout a Prague a cette époque mais contrairement a la normale ne dit jamais les pensées des personnages. Pour ce qui est du héros de l'histoire, dans cet extrait on remarque qu'il a toujours l'envie de battre des records tout en ridiculisant ses adversaires. On peut remarquer qu'il est très ambivalent par rapport a la course qu'il n'aimait pas au début mais qui va finir par en faire sa passion...
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