Lorenzaccio : une aventure psychologique individuelle ?
Par Junecooper • 12 Mai 2018 • 2 499 Mots (10 Pages) • 525 Vues
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sens ni à son existence, ni à l’histoire et nul n’en reconnaît la valeur héroïque. Il n’a alors plus de but dans la vie puisqu’il n’était qu’une « machine à meurtre, mais à un meurtre seulement ». On découvre alors un Lorenzo tourné vers l’autodestruction et dont le meurtre a des airs de suicide. Lorenzo meurt sans sépulture, plus seul que jamais et de la pire des façons : celui qui aurait dû être le guide de la nation est assassiné par le peuple lui-même.
Lorenzaccio est donc bel et bien une œuvre qui traite de l’aventure psychologique individuelle de son personnage principal : elle en explore la profondeur, les complexités. Néanmoins, la véritable cible de Musset est l’espèce humaine puisqu’il établit en réalité une réflexion sur la psychologie humaine en général. De plus, l’œuvre ne se termine pas avec la mort de Lorenzo. Un tel choix assume donc le fait de privilégier la réflexion sur l’homme, la politique et la société sur le destin individuel du personnage.
Si Lorenzaccio n’est pas qu’un récit de l’aventure psychologique de son personnage, quels autres buts et fonctions a-t-il ? Anne Ubersfeld dira « Qu’on puisse lire ce drame aussi comme un conflit centré autour du héros Lorenzo, comme le drame d’une conscience romantique n’enlève rien à cette constatation que la fable est d’abord politique. » On peut en effet considérer que l’œuvre est également centrée sur une problématique politique et sociétale puisqu’elle convoque et critique les trois grandes figures du pouvoir : le roi, le prêtre et le peuple. D’abord, la figure du pouvoir royal est représentée par le duc Alexandre de Médicis. Celui-ci est à l’origine illégitime pour accéder au trône puisqu’il n’est en réalité qu’un bâtard de la branche des Médicis. Il apparaît comme étant totalement incompétent puisqu’il se soucie plus des beuveries auxquelles il s’adonne que du devenir de Florence et de son peuple. Dès le premier acte, on l’observe plonger dans toutes les formes de vices possibles, du sexe jusqu’à l’alcool. On observe cette débauche à travers l’œil du peuple qui est à la fois fasciné et écœuré. A chaque fois que l’un des personnages exprime sa fascination pour cette noblesse, il est systématiquement suivi d’une réplique manifestant la répulsion. Alors même que la plupart des bourgeois partent travailler, la cour est en pleine fête, abusant de biens qu’ils n’ont même pas gagnés à la sueur de leur front. Une première injustice se dessine puisque le peuple travaille pour que des incompétents puissent jouir des plaisirs de la débauche : « La Cour ! le peuple la porte sur le dos ». Le pouvoir est ainsi totalement décrédibilisé. Mais au-delà d’une simple incompétence, c’est un pouvoir tyrannique et corrompu qui régit Florence. Toute personne qui semble être une menace est bannie, comme on peut le voir avec l’exemple de Maffio ou encore les Strozzi qui sont emprisonnés. Chaque révolte, comme celle des étudiants, finit dans un bain de sang. Ce pouvoir répressif tyrannise un peuple déjà mal en point. La peur de représailles est le lot quotidien de ces bourgeois qui sont alors contraints à la censure. De plus, le duc corrompt de nombreuses valeurs censées être sacrées comme par exemple lorsqu’il tourne en ridicule la religion en se déguisant en nonne alors qu’il est ivre. Alexandre de Médicis est donc loin d’incarner la figure idéale du roi. Mais s’il est présenté comme un roi répressif, sa quête ne tend pas vraiment vers le mal. Il ne cherche qu’à boire et s’amuser.
Le véritable personnage machiavélique qui tire les ficelles du pouvoir est le cardinal Cibo. On voit alors s’opérer une alliance du trône et de l’autel. Le cardinal est un personnage sans foi, paradoxal pour sa stature, qui corrompt toutes les valeurs liées à la religion. Il se révèle comme étant un masque vivant puisqu’il se dissimule derrière son statut d’homme d’église pour arriver à ses fins : « Rien n’est un péché quand on obéit à un prêtre de l’Église romaine ». Il n’hésite pas à prostituer sa belle-sœur, à trahir son frère pour son goût de l’intrigue et du pouvoir. Son ambition exacerbée, devenir Pape, le pousse à pourfendre les sacrements de l’Eglise tels que le mariage ou la confession. Cette domination de la religion sur le pouvoir politique prend toute son ampleur lors du dernier acte alors que le conseil des Huit souhaite élire un nouveau duc. On assiste à une élection déjà anticipée par Cibo où il est au final le seul décideur du futur duc. C’est donc à nouveau un homme illégitime qui arrive au pouvoir, symbolisant un cercle infernal, le retour du même. Celui-ci est plus que jamais soumis à l’emprise du cardinal : « Je le jure à Dieu – et à vous, Cardinal ». Cibo, condense derrière sa robe d’ecclésiastique tous les vices prêtés à la tyrannie du Pape et de Charles Quint. Il représente l’image même de l’arriviste qui désire à tout prix accéder aux plus hautes instances politiques et religieuses. Les figures dépeintes comme étant imparfaites que sont le duc et le cardinal, loin des idéaux d’origine, permettent de critiquer les vertus qu’elles représentent.
Enfin la troisième figure évoquée est celle des républicains. Principalement représentés par les Strozzi, ils sont censés symboliser la rébellion contre un pouvoir tyrannique, un espoir pour la République. Mais passifs et parfois même lâches, ils ne vont pas profiter du meurtre du duc par Lorenzo et un tyran sera remplacé par un autre. Prenons l’exemple de Philippe Strozzi. C’est celui qui incarne le mieux dans la pièce les valeurs que sont le patriotisme, l’amour de la liberté. Pourtant, sous ses airs de républicain résolu, il ne va pas agir, se laissant submerger par la lâcheté. Il incarne la fausse sagesse puisqu’il se dissimule derrière des mots pour masquer cette lâcheté et une inefficacité certaine. De plus, lorsque ce n’est pas la lâcheté qui gouverne l’homme, c’est le désir de vengeance. Pierre Strozzi en est le parfait exemple. Le combat qu’il avait engagé pour défendre la liberté se transforme en désir de vengeance personnel lorsque sa sœur Louise est empoisonnée : « Ma vengeance m’a glissé entre les doigts ». Il est en réalité guidé par une certaine ambition du pouvoir : « Maudit soit ce Lorenzaccio qui s’avise de devenir quelque chose ! ». Nous pouvons donc en déduire que même les républicains, qui sont censés représenter la paix et la justice, sont eux-mêmes en proie aux vices et à la démesure. Le dernier espoir pour trouver une quelconque honnêteté dans l’espèce humaine est perdu.
Cette corruption par le vice se retrouve
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