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La Bruyère, Les caractères, "Cliton"

Par   •  28 Septembre 2018  •  2 806 Mots (12 Pages)  •  7 510 Vues

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« il dit combien il y a eu de potages, et quels potages » : insistante sur la quantité (hyperbole dans la description en précisant le nombre et la consistance) + épanorthose.

Lignes 4 – 5.

L’adverbe ensuite s’inscrit dans la logique hyperbolique.

Le terme entremets désigne ici des mets servis en même temps que le rôti et que l’on déguste après.

Lignes 5 – 6.

Anaphore + répétition : « il se souvient » ; « il n’oublie pas » ➔ monomanie, obsession.

L’ironie est ici créée par la précision des souvenirs de Cliton, dénotée par l’adverbe exactement et du premier service, ainsi que dans le sens implicite de la négation du verbe oublier.

Le syntagme les fruits et les assiettes renvoie respectivement aux desserts en général et aux entremets.

Lignes 6 – 7.

Connaissance empirique de Cliton : « il nomme » + quantifieur de totalité répété tous les vins et toutes les liqueurs + PSR ➔ raillerie du savoir.

Lignes 7 – 8.

« il possède le langage des cuisines autant qu’il peut s’étendre »

Le jargon des cuisines (protase) envahit le texte avec l’acmé formulée dans le syntagme nominal le langage des cuisines. Ce langage des cuisines est présenté comme un véritable idiome, inintelligible aux yeux du profane : l’effet comique tient au détail excessif de l’énumération.

« et il me fait envie de manger à une bonne table où il ne soit point »

Au milieu de l’extrait, la significative et discrète intrusion du narrateur, pour la première et dernière fois, manifeste directement sa subjectivité par le recours au pronom personnel complément de première personne. Il se met lui-même en scène comme personnage, témoin dégoûté et indigné du comportement de son “héros”.

Décrétant bonne toute table où Cliton est absent, il s’exclut de sa compagnie, porte sur lui un regard accusateur, dénonce son comportement en public : en particulier la façon dont il monopolise la conversation, abusant du langage des cuisines.

Synthèse : une cérémonie burlesque, un rituel alimentaire.

Le narrateur précise donc les objets liés au rituel alimentaire et à la répartition des plats : cette énumération crée un effet ironique à travers le mélange (cf. satire) des termes généraux et des emplois plus précis (ragout, vin et liqueurs).

L’absence de connecteurs et l’utilisation massive de la parataxe laissent au lecteur le soin d’établir des liens de causalité entre les éléments qu’on lui livre. La syntaxe est volontairement uniforme et monotone (figures d’analogie, répétition, anaphore, etc.) pour souligner le caractère monolithique du personnage à travers l’addition de postures identiques, à l’image d’un présent qui fige dans une durée immuable (semble, dit, place, se souvient, nomme, possède).

Second temps : un personnage moliéresque (l. 8 – l. 14).

Si l’abondance des mets présentés dans le premier temps de ce premier mouvement laissait penser à Rabelais, ce second temps dessine le portrait d’un personnage dont l’obsession alimentaire détermine à la fois le comportement et le discours : la nourriture est à la fois objet de désir et objet de discours. En parlant ainsi de manière compulsionnelle, Cliton renvoie à Argan, le « malade imaginaire », obsédé par les maladies et les remèdes.

Lignes 8 – 11.

« il a surtout un palais sûr, qui ne prend point le change »

Le syntagme un palais sûr désigne ici un goût sûr et fiable.

Ce commentaire pourrait être vu comme le discours du personnage : Cliton affiche une croyance profonde en sa propre valeur, manifestant ostensiblement sa passion et ca certitude impérieuse d’être supérieur aux autres.

Par ailleurs, on peut ici poursuivre le versant physiologique de l’isotopie de la nourriture avec le palais qui renvoie à l’ingestion (après la digestion) par métonymie.

« et il ne s’est jamais vu exposé à l’horrible inconvénient de manger un mauvais ragoût, ou de boire d’un vin médiocre »

Cette proposition exprime ici un décalage entre Cliton et la société : négation renforcée par jamais + lexique dépréciatif horrible (épithète antéposée), mauvais (épithète antéposée), médiocre ➔ Cliton consomme avec excès (cf. avant), le temps qu’il consacre à la nourriture suggérant qu’il a tout loisir pour le faire, à une époque où règne la famine ➔ dénonciation du scandale du luxe en matière de nourriture (cf. allitérations).

Lignes 11 – 13.

« c’est un personnage illustre dans son genre, et qui a porté le talent de se bien nourrir jusques où il pouvait aller, on ne reverra plus un homme qui mange tant et qui mange si bien »

Présentatif => dramatisation des périphrases désignant Cliton. Ces deux qualifications (auquel il faut rajouter « l’arbitre des bons morceaux » qu’on commentera dans un instant) constituent des éloges ironiques qui soulignent l’originalité du personnage, le caractère exceptionnel et saugrenu de sa spécialité. Le narrateur a recours au procédé de l’antiphrase.

De surcroît, le terme illustre est associé à une formule restrictive dans son genre qui produit un effet immédiat de négation après l’adjectif valorisant, limitant ainsi la gloire du personnage en la ramenant à sa juste mesure.

La seconde périphrase est un syntagme nominal construit par expansion avec deux PSR coordonnées, où le verbe manger est répété et accompagné par les adverbes intensifs tant et si bien => l’épanorthose crée ici l’ironie en corrigeant et en accentuant le trait satirique.

« le talent de bien se nourrir » : nouvelle forme dérivée du verbe manger. Principe de polyphonie énonciative : c’est au lecteur d’interpréter la feinte louange => l’excès de l’éloge invite à percevoir l’intention ironique, à cause du décalage qui s’établit entre la gloire factice de Cliton (illustre) et le caractère dérisoire

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