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Dissertation sur la passion.

Par   •  11 Juin 2018  •  3 196 Mots (13 Pages)  •  575 Vues

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Hume, philosophe empiriste, l’objet est saisi par l’expérience sensible, par les sensations, qui à leur tour déclenchent les passions. Ces dernières sont donc dépendantes du réel le plus tangible, car elles dépendent directement des sensations de plaisir et de déplaisir, conditionnées « par la structure originale de nos organes » (I, 1 ; p.57).

- Pensons au rôle de la vue chez Racine : c’est par ce sens que les passions se déclenchent et s’exacerbent. C’est ainsi par exemple qu’Hermione se décide au suicide, comme le raconte Pylade : « Elle a trouvé Pyrrhus porté sur des soldats / Que son sang excitait à venger son trépas. / Sans doute à cet objet sa rage s’est émue » (v.1607-1609). Même effet de la vue sur l’orgueil de Pyrrhus, exacerbé par l’arrivée d’Oreste durant la cérémonie de mariage, comme le raconte Oreste à Hermione : « Il semblait que ma vue excitât son audace » (v.1502).

- L’érotomanie d’Hector n’a rien d’éthéré : il s’agit au contraire d’une passion extrêmement sensuelle, qui répond à des besoins physiques, comme le montre la fin du roman, où le nouvel objet de sa passion est « une grosse Normande d’Isigny, à taille courte, à bons bras rouges, munie d’un visage commun, bête comme une pièce de circonstance », si vulgaire qu’elle « tenta médiocrement le cuisinier, tant elle était grossière dans son langage, car elle avait servi les rouliers, elle sortait d’une auberge de faubourg » (p.508 ; chap.132).

2.2 De plus, les passions sont

- Hume : les passions sont largement dépendantes de l’insertion sociale du passionné, par laquelle elles sont en grande partie forgées. Cf. par exemple l’influence des « règles générales par lesquelles nous concevons des rangs différents entre les hommes, selon les pouvoirs ou les richesses qu’ils détiennent », c’est-à-dire des hiérarchies sociales (II, 11 ; p.77) ; voir aussi « la société et la sympathie affectent considérablement nos opinions en tout genre et il nous est presque impossible de soutenir un principe ou un sentiment contre l’assentiment de tous ceux dont nous partageons l’amitié ou que nous fréquentons » (II, 10 ; p.74).

- Racine : la haine d’Hermione envers Pyrrhus est renforcée par le scandale social, particulièrement sensible pour un public du XVIIe s. attaché aux règles de bienséance, que constituent les sentiments du roi épirote pour sa captive troyenne : Pyrrhus lui-même reconnaît, en évoquant Hermione face à Andromaque : « Et ne dirait-on pas […] / Qu’elle est ici captive, et que vous y régnez ? » (v.350-352).

- La vertu et la fidélité absolue d’une Adeline Hulot doivent aussi être comprises dans leur rapport avec le regard d’autrui. Elle chercher en effet à protéger sa famille du regard de la société : en évoquant l’érotomanie d’Hector, elle dit à Hortense : « sa folie, je le crains, crèvera le paravent que je mettais entre le monde et nous… Mais je l’ai tenu pendant vingt-trois ans, ce rideau derrière lequel je pleurais, sans mère, sans confident, sans autre secours que celui de la religion, et j’ai procuré vingt-trois ans d’honneur à la famille… » (p.287 ; chap.66) ; « Courage et silence !… Mon Hortense, jure-moi de ne parler qu’à moi de tes chagrins, de n’en rien laisser voir devant des tiers… Oh ! sois aussi fière que ta mère ! » (p.288 ; chap.66). Cf. aussi la cupidité des jeunes filles et jeunes femmes qui s’offrent aux hommes riches que sont Crevel, Hulot ou le duc d’Hérouville : si elles agissent ainsi, c’est aussi que c’est leur seul moyen pour s’élever dans la société de la monarchie de Juillet et sortir de la misère, comme l’explique Josépha à Adeline : « dans la carrière du théâtre, une protection nous est nécessaire à toutes au moment où nous y débutons » (p.423 ; chap.104) ; la baronne le reconnaît d’ailleurs : « vous avez des excuses, mademoiselle, dit la baronne, Dieu les appréciera » (p.423 ; chap.104).

2.3. Pour finir, les passions permettent au passionné de

- Hume : les passions d’un sujet membre d’une société donnée sont « un repère dans les proportions que nous devrions respecter quand nous préférons un objet à un autre » (II, 11 ; p.78).

- Balzac : c’est bien par sa passion – et en utilisant celles des autres – qu’un personnage comme Josépha parvient à trouver sa place dans la société de la monarchie de Juillet. On devine un parcours similaire pour Olympe Bijou, jeune brodeuse pauvre âgée de seize ans en 1841, que l’on retrouve transformée en 1843 : « elle va en voiture, et elle mange dans de l’argent, elle est miyonaire », comme le dit sa mère à Josépha (p.425 ; chap.105). Elle a su se servir de l’érotomanie d’Hulot et de M. Grenouville, riche négociant désormais son époux, pour assouvir son désir d’ascension sociale.

- C’est aussi les passions qui permettent à Andromaque non seulement de survivre à la journée mise en scène par Racine, mais aussi d’en tirer largement profit : de captive troyenne au début de la pièce, elle devient, par l’effet de l’amour de Pyrrhus et de son propre amour pour son fils, reine d’Epire, comme le dit Pylade à Oreste en V, 5 : les Epirotes « la traitent en reine » (v.1588).

Bilan sur le sujet :

3. EN REALITE, LES PASSIONS SONT UNE PUISSANCE DE CREATION DU REEL

Le monde réel est en effet en grande partie une création des passions : cf. notamment Hegel, « rien de grand ne s’est fait dans le monde sans passion ».

3.1. En effet, ce sont les passions qui créent l’individu

- Les personnages raciniens sont fondés sur leurs passions : cf. « la férocité de Pyrrhus » et « la jalousie et les emportements » d’Hermione (première préface, p.14).

- L’empirisme et le subjectivisme de Hume promeuvent l’idée que le monde dans lequel évolue l’individu est construit par ses sensations, son imagination et ses passions. Il est impossible d’accéder à un réel absolu, objet des spéculations de métaphysiciens dont Hume se plaît à montrer les erreurs, par exemple dans la section V. L’individu est donc créé par ses passions.

- L’individu peut aussi être créé par les passions d’autrui : Wenceslas dit ainsi à Bette : « Vous m’avez créé ce que je suis » (p.90 ; chap.16). L’amour de Bette l’a conduite à devenir le Pygmalion de l’artiste polonais.

3.2. Plus largement, les passions sont au fondement même des sociétés humaines et de leurs relations

- Hume

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