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Commentaire, La mort est mon métier, incipit jusqu’à « je me mis à trembler », pp 9-12, Robert Merle.

Par   •  25 Mai 2018  •  2 378 Mots (10 Pages)  •  681 Vues

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d) Une mère soumise

Désignée par le narrateur par le terme affectueux et enfantin de « Maman » (contrairement au père). Elle semble définie par sa peur du père, par sa soumission.

- Champ lexical de la peur : « d’un ton craintif » (l. 40), « sa main droite tremblait » l.109

Elle incite son fils à obéir aux règles imposées par le père, et les seules paroles qu'elle lui adresse sont des remarques sur le manquement aux règles : « tu es en retard » (l.40) ou des ordres : « Dépêche-toi » (l . 46),« Pose tes affaires et viens te laver les mains » (l. 100),« Peigne-toi » (l.112), « Ne pose pas le peigne » (l. 121).

Contrairement à Maria, elle semble incapable de protéger son fils, est aussi terrorisée que lui par le Père. Elle n’est pas capable de protéger ses enfants de la folie du père. Lorsqu'elle semble vouloir manifester un peu de tendresse à son fils, elle doit transgresser une des règles imposées (lavage des mains à l'eau froide). Sa réaction montre sa peur d’avoir transgressé les ordres de son mari : elle ne répond rien, « soupir[e] » et se met à « trembl[er] ».

- Important : c’est son fils qui lui rappelle que l’eau chaude est interdite et elle vide l’eau chaude pour qu’il se lave les mains à l’eau froide : déjà, le fils semble être celui qui a véritablement intériorisé les règles du Père au point de les faire siennes et la mère lui obéit.

- Les indices de ce que deviendra le narrateur par la suite

- Omniprésence de la peur et du silence

Tous les personnages semblent habités par la peur du Père et de ses règles.

- 1er paragraphe : précipitation du narrateur qui se souvient « qu’on est samedi » : précision énigmatique pour le lecteur, qui prendra son sens plus loin : le samedi est jour de nettoyage et jour où le narrateur doit avoir un entretien avec son père, qui le terrorise. Accumulation de verbes de mouvement au passé simple : « je tournai », « je fis », « je m’engouffrai », « je montai », « je frappai » + termes qui connotent la précipitation et même la panique : « en courant », « engouffrai », « quatre à quatre ».

- champ lexical de la peur tout au long du texte : « avec angoisse » (l.3), « avec soulagement » (l. 7), « d’un ton craintif » (l. 39), « avec terreur » (l. 64), « mon coeur se mit à battre » (l. 79), « sa main droite tremblait » (l.111), « je me mis à trembler » (l. 121)

- maison très silencieuse : tous les personnages parlent à voix basse ou se taisent : Maria parle « à voix basse et furtivement » (l.10) ; or, il n’y a personne qui la surveille (peur intériorisée). Le narrateur s’exprime « dans un souffle » (l. 15), « je n’ouvris pas la bouche «(l. 59), il chante « à mi-voix » (l. 69).

- Une maison régie par des règles et des interdits stricts

La maison est régie par de nombreuses règles et interdits dont le sens n’apparaît pas clairement au lecteur ; tous les personnages, y compris la mère, obéissent à ces règles.

a) Les interdits

- interdiction de parler : « on n’avait pas le droit de parler quand on lavait les vitres » (l. 57-58) ; pourquoi ? Il n’y a normalement aucune incompatibilité entre un travail de nettoyage et le fait de parler. Règle qui d’emblée semble absurde au lecteur.

- Règle implicite : ne pas se regarder. La mère, les soeurs et le narrateur évitent de se regarder et même se tournent souvent le dos, même en se parlant : « ses yeux pâles glissèrent sur les miens » (l. 38) ; »je ne vis plus que son dos » (l. 43), « Elles me tournaient le dos » (l. 53), « je détournai la tête » (l. 75) : cette dernière phrase semble être la conséquence de l’affirmation qui vient juste après : « elles étaient plus grandes que moi » : devant un être supérieur, on s'incline. « elle… me tourna le dos » (l. 107), « dit sans me regarder » (l. 110), « ma mère dit derrière mon dos » (l.119). Une famille, donc, où chacun évite de croiser le regard de celui qui lui est supérieur, la mère évite le regard de Rudolf, Rudolf évite celui de ses soeurs. Dans la scène qui suit, le Père regarde Rudolf droit dans les yeux.

- interdiction de regarder par la fenêtre quand on lave les vitres : « Mon Dieu, faites que je n’aie pas regardé par la fenêtre »(l.65), interdiction qui semble absurde et impossible à respecter.

Important : ce qu'il voit par la fenêtre, c'est un train et de la fumée. Cela annonce les camps de concentration...

- Interdiction de se laver à l’eau chaude : « Père nous défendait de nous laver à l’eau chaude » (l.101)

b) Les règles

-ponctualité féroce : peu de paroles échangées, mais par deux fois la phrase « Tu es en retard » est dite au narrateur, par Maria (l. 11) et par la mère (l. 40) ; Le narrateur a alors l’impression que la figure terrifiante de son père se dresse devant lui ; ponctualité présentée comme « une vertu allemande » (l.14). La mère « regard[e] l’horloge du buffet » (l.39). Elle exhorte Rudolf : « dépêche-toi » l.46.

-ménage fait par les enfants, apparemment de manière hebdomadaire et selon un rite immuable : «ta cuvette et tes chiffons » (l.45), « tes affaires » (l. 11) les soeurs ont « leur cuvette à la main » (l. 72) : utilisation des adj. possessifs, chacun a son propre matériel pour ce rituel du samedi

-propreté qui semble d’emblée excessive, presque maladive. Toute la famille est occupée à laver, le linge, les vitres, soi-même : la mère lave du linge devant l’évier (l. 36), les soeurs et le narrateur lavent toutes les vitres de la maison. Champ lexical du nettoyage : « cuvette et … chiffons » (l. 45, 48, 60, 78, 97,105), « laver » (l. 36, 43, 100), « lavait » (l. 59), « frotter » (l. 61), « mon chiffon allait et venait sur la vitre » (l. 91-92), « savon » (l. 106), « bassine de linge » (l. 114), « eau chaude » (l. 102, 103, 104), « évier » (l. 35 , 101, 106, 108).

- Des indices de la vie adulte de Rudolf

- Cette propreté excessive rappelle l'obsession de pureté des Aryens : l'élimination du Juif est une élimination de la « vermine » (comme on le verra dans la suite du roman).

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