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Louise Labé, sonnet XIV

Par   •  15 Septembre 2018  •  2 062 Mots (9 Pages)  •  631 Vues

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par excellence du lyrisme et de l’inspiration poétique.

En ce qui concerne les mots qui figurent à la rime, ils font tous partie d’une même catégorie grammaticale. Ce sont des verbes à l’infinitif qui décrivent les actions du sujet lyrique et qui prouvent ainsi que la femme tient à rester active dans son couple. Nous pouvons également remarquer que chacune des quatre subordonnées temporelles contient deux infinitifs.

Par ailleurs, les assonances en « a » ainsi que la fréquence élevée de voyelles nasalisées (« tant… pourront larmes épandre… passé avec toi… pourra ma voix…entendre… ma main pourra…tendre… grâces chanter… voudra contenter… vouloir rien… toi comprendre… encore point… ») prêtent au sonnet un caractère solennel tout en insistant sur la gravité de la situation. L’effet de fatalité, de mélancolie et de souffrance associée à l’amour est également bien rendu par l’allitération en « r » : « pourront larmes épandre…l’heur…regretter… soupirs résister pourra… faire entendre… pourra les cordes tendre…mignard… pour tes grâces… esprit se voudra… vouloir rien fors… comprendre…encore… mourir ».

Enfin, nous pouvons relever une rupture du rythme entre les subordonnées temporelles qui s’accumulent et nous tiennent ainsi en haleine, et la proposition principale au vers 9 qui de par sa brièveté produit un effet brutal : elle prépare l’arrivée de la deuxième partie dans laquelle le sonnet change de ton. Il ne sera plus question de « pouvoir aimer » et donc rester en vie ; il s’agira d’invoquer la mort.

II- Vers 10 à 14 : le désir de mourir

Le vers 10 introduit une nouvelle subordonnée temporelle avec « quand » qui est lui-même appuyé par la conjonction de coordination « mais ». Si le futur de l’indicatif montrait dans la première partie que la poétesse envisageait bien un avenir, son emploi dans la deuxième partie renvoie à la mort, à cette limite (« quand ») au-delà de laquelle la vie n’aura plus aucun sens car l’amour sera parti. (Transition)

Nous pouvons relever une première antithèse : alors que le verbe « pouvoir » est répété trois fois dans la première phrase, c’est l’idée d’impuissance qui lui succède dans les tercets. Ce dernier est d’ailleurs mis en valeur par sa position à la rime. De plus, il forme une rime suffisante avec « amante » (seul endroit du sonnet qui permet d’affirmer que c’est bien une femme qui s’exprime ici) ce qui permet de faire le rapprochement entre impuissance et amour.

D’un autre côté, si dans les quatrains le privilège était accordé aux verbes, il faut noter que dans cette deuxième phrase la poétesse donne plus d’importance aux adjectifs avec « cassée… impuissante » (v.11), « mortel » (v.12) et « plus clair » (v.14), contre un seul adjectif – « mignard » - dans les neuf premiers vers.

Labé reprend les quatre éléments de la première partie : il s’agit donc de ce que l’on appelle un sonnet « rapporté ». Or, cette fois-ci, ses « yeux » secs, sa « voix cassée » et sa « main impuissante » traduisent sa déchéance physique. Le champ lexical de la dégradation va de pair avec la rapidité de l’enchaînement des images dans les tercets : tout ceci mène inévitablement à la formulation du désir de mourir. Il s’agit d’ailleurs ici d’une autre antithèse dans le sens où au vers 9, la poétesse refuse la mort (« Je ne souhaite encore point mourir »), alors qu’à la fin du sonnet, elle l’invoque (« Prierai la Mort noircir mon plus clair jour »). Sa détermination à mourir est en outre soulignée par le verbe « prier » employé au futur simple.

La mort, évoquée deux fois (v.12 et 14), semble donc représenter la seule issue. Elle se dégage également des allitérations en [r] : « sentirai tarir… esprit en ce mortel séjour… montrer… prierai la Mort noircir mon plus clair jour ». Louise Labé personnifie la Mort en l’écrivant avec une majuscule. D’un autre côté, dans les tercets, elle n’utilise plus que les pronoms personnels et adjectifs possessifs de la première personne, elle ne s’adresse plus explicitement à l’être aimé. C’est comme si cette Mort venait donc remplacer celui à qui le message était destiné, le « toi » des deux premières strophes, cet amour perdu. Enfin, les rimes qui associent les verbes « mourir » et « tarir », le « jour » avec « mortel séjour », et surtout la chute du poème qui contient une dernière antithèse – l’hyperbole « noircir mon plus clair jour» - mettent clairement en évidence le désir de la poétesse de mourir lorsque l’amour aura disparu.

Néanmoins, ce qu’il faut voir derrière ce sonnet, c’est que ce n’est pas tellement l’amour qui fait vivre la poétesse, mais plus exactement la possibilité de l’exprimer, de le chanter et donc de s’exprimer soi-même. L’amour est important pour Louise Labé dans le sens où il représente pour elle une grande source d’inspiration et que même les larmes et la souffrance qui peuvent y être associées lui permettent de composer des vers. Si elle n’aime plus, elle ne pourra plus créer, et à ce moment-là elle préférera mourir.

Conclusion

Le Sonnet XIV de Louise Labé tire son originalité du fait que c’est la femme qui s’exprime ici et qui déploie son chant d’amour en se servant de l’être aimé comme d’un prétexte. De plus, le style et le vocabulaire que la poétesse utilise contrastent, de par leur simplicité, avec toutes les références mythologiques (ouverture pour le texte complémentaire), les métaphores et autres figures de style auxquelles recourent d’autres poètes de son époque.

Grâce à des moyens simples et faciles à comprendre, Louise Labé révèle ce qui donne sens à sa vie. Ce poème est tout d’abord une célébration de l’amour, mais aussi celle du chant amoureux. Tant que l’amour est là, avec les bonheurs et les souffrances, les joies et les peines qu’il procure, il est sa source d’inspiration et lui donne la force d’écrire. Le jour où la passion se sera éclipsée, la poétesse ne pourra plus créer et sa vie n’aura donc plus aucun

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