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La réécriture est-elle l'imitation appauvrie d'un seul modèle qu'elle répète servilement ou plutôt ne contribue t-elle pas à en assurer la pérennité ?

Par   •  12 Septembre 2018  •  2 926 Mots (12 Pages)  •  1 081 Vues

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En réalité, chaque réécriture présente des écarts par rapports au modèle, ce qui induit qu'elles ne sont pas des copies serviles du support originel. La réécriture doit s'adapter à la sensibilité de l'auteur et au contexte actuel. D'une part, la réécriture actualise l’œuvre, car l'auteur présente l'action dans un contexte social et peut-être spatio-temporel différent. En général, le contexte de l’œuvre est celui de la période durant laquelle elle a été réalisée. L'auteur de la réécriture tente de faire passer les mêmes messages aux lecteurs que ceux du texte originel, tout en s'efforçant de ne pas trahir ce dernier, qui serait susceptible d'être modifié involontairement par le changement de contexte social. L'auteur transforme les éléments et références obsolètes qui ne sont pas connus du lecteur, en les remplaçant par des allusions contemporaines. Ainsi, il permet au lecteur de prendre part à l’œuvre, et d'en comprendre les enjeux. Cette technique confère à l’œuvre une dimension intemporelle, et prouve bien que les problèmes qu'elle soulève sont liés à la condition humaine. Si l'on parle de sujets sociétaux, ou bien de l'Homme, on doit pouvoir adapter notre propos à tous les hommes. La réécriture prouve aussi que le problème soulevé est toujours d'actualité, puisque l’œuvre est réécrite parfois des siècles plus tard, et parfois plusieurs fois, comme par exemple le mythe de Robin des Bois, apparu pour la première fois à l'écrit en 1377 dans un récit intitulé Piers Plowman, Pierre le Laborieux en français, et dès lors, ce mythe a été repris de maintes et maintes fois, subissant de nombreuses transpositions génériques. Il y a par exemple des romans d'Alexandre Dumas, un écrivain français proche des romantiques : Le prince des voleurs, qui relate l'origine de la proscription de Robin et Robin Hood le proscrit, plutôt consacré à ses exploits. Il y a aussi un ouvrage destiné à la jeunesse, écrit et illustré par Howard Pyle en 1883, Les Aventures de Robin des Bois. Se succèdent des pièces de théâtre ; des films, par exemple le film muet Robin Hood and His Merry Men de Percy Stow, sorti en 1908 ; des bandes dessinées ; des ballades ; des comédies musicales et même des comics, où Robin apparaît en 1940 dans Detective Comics. De nos jours, deux séries télévisées s'inspirent de la légende de Robin des Bois en l'adaptant au contexte actuel, afin de continuer à véhiculer les valeurs morales du héros. D'une part, nous pouvons citer Arrow (« flèche » en anglais), qui s'avère être un emprunt de l'histoire de Robin des Bois, où le héros est un justicier encapuchonné de vert, armé d'un arc sophistiqué, usant de technologies modernes et prônant les vertus de l'égalité et du partage. D'autre part, il y a Mr Robot, dont le héros éponyme incarne les principes moraux de Robin des Bois. La série est alors une allusion à la légende de Robin des Bois, qui est adaptée à notre temps, et perpétue ainsi des valeurs humaines fondamentales. La réécriture ne doit pas être redondante, afin que les lecteurs ne se lassent pas.

Chaque réécriture est une adaptation qui nécessite une créativité. Effectivement, la réécriture doit enrichir le texte original. Dans le parcours des mythes littéraires qui voyagent d'auteur en auteur, l'écrivain donne sa propre vision de la situation, en fonction de son expérience personnelle. Cela n'induit pas un amoindrissement de l'impact du texte, mais lui donne au contraire un aspect plus vrai et personnel. Donc, en le raccordant à du vécu et à ses propres sensibilités, l'auteur enrichit le modèle originel de nouveaux éléments qui vont dans le sens du texte. Ces détails, ancrés dans la société, finissent par vieillir et perdre leurs sens, mais le mythe survit grâce à la réappropriation de ce dernier par d'autres auteurs.

Par exemple, la fable d’Ésope Le Renard et la Panthère que La Fontaine réécrit sous le titre de Le singe et le Léopard, contient une grande quantité de références à la société du XVIIème siècle, siècle de l'auteur. D'une part, Jean de La Fontaine précise que la scène se déroule à la foire, et donc les personnages, non contents de rivaliser directement par un dialogue, prennent la foule à témoin. D'autre part, dans l'illustration de la morale, La Fontaine met en relation ces comportements et celui des grands seigneurs qui « n'ont que l'habit pour talent ! ». L'auteur ne se contente plus de châtier les vices de la condition humaine, il donne à la fable une dimension polémique, et sait que cette dernière ne survivra pas au Temps si elle n'est pas réécrite : chaque référence à un contexte social finira par être obsolète. Chaque remaniement du mythe par différents auteurs est un enrichissement, car il le charge d'un nouveau sens. Comme le dit Xavier de Maistre, un peintre et écrivain français de la fin du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle, « Une bonne imitation est une nouvelle invention », ce qui induite donc une part importante de créativité.

En vérité, chaque réécriture est une recréation du mythe. Ainsi, elle renouvelle le modèle initial et permet une pérennité. Réécrire, c'est créer une œuvre qui servira à son tour de modèle. Réécrire, c'est également réinventer, donner une nouvelle vision de quelque chose, comme l'a très bien exprimé Xavier de Maistre, et comme l'a appliqué Molière, notamment avec sa pièce Dom Juan, parue en 1665. En effet, Molière s'inspire directement des écrivains Dorimond (1658) et de Villiers (1659), qui ont chacun écrit sur le personnage Don Juan, sous le titre de Le festin de Pierre ou le Fils criminel. Néanmoins, comme nous l'avions déjà évoqué auparavant, s'inspirer d'une œuvre n'est pas la copier, c'est au contraire la recréer. Pour le cas de Don Juan, qui est un mythe, nous ne pouvons pas parler de « recopier » car les mythes appartiennent à tout le monde et à personne. Voltaire atteste cela dans ses Lettres philosophiques, écrites en 1734 : « Il en est des livres comme du feu dans nos foyers : on va prendre ce feu chez son voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. ». Le célèbre mythe de Don Juan est ainsi repris plusieurs fois, n'ayant aucun modèle fixe, puisque chaque œuvre qui se sert du mythe devient à son tour modèle, comme nous l'avons vu avec Don Juan de Molière, qui lui même s'était inspiré d’œuvres antérieures, pour servir de modèle à d'autres artistes tels que

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