Kafka - Le Verdict et La Métamorphose
Par Stella0400 • 30 Septembre 2018 • 1 917 Mots (8 Pages) • 476 Vues
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Une autre caractéristique clé d’une œuvre kafkaïenne est son aspect cauchemardesque que l’on retrouve à la fois dans La Métamorphose et dans Le Verdict notamment à travers les évènements terribles, absurdes qui surviennent ainsi qu’à travers les rapports violents avec les membres de la famille et en particulier le père. Ainsi, dans La Métamorphose, la transformation de Gregor en cafard est un évènement si monstrueux, irréaliste et improbable que le protagoniste lui-même – et donc le lecteur – pense qu’il est en train de faire un cauchemar, ou bien qu’il hallucine : « Et si je me rendormais un peu et oubliais toutes ces sottises ? » Cet élément d’hésitation entre le réel et la fiction rappelle le fantastique ; cependant, il ne dure pas : au bout de quelques pages seulement, tout doute s’efface : Gregor s’est bel et bien « métamorphosé en un monstrueux insecte ». Non seulement cette réalité si improbable et si horrible à la fois rappelle parfaitement le cauchemar mais en plus la réaction de sa famille et les problèmes qui s’ensuivent ne font qu’ajouter au sentiment de malaise – voire de terreur – éprouvé. En effet, l’isolation et le sentiment de rejet ressenti par le personnage ne fait que s’accroitre au fil de la nouvelle notamment à cause des nombreux évènements qui surviennent, tels que les instances violentes du père, dès le début mais également plus tard dans l’œuvre : lorsqu’il chasse son fils à coup de balais dans sa chambre, ou encore lorsqu’il lui lance des pommes et le blesse grièvement… S’ajoutent à cela les difficultés financières de la famille éprouvées initialement, le sentiment de honte et de culpabilité éprouvé par Gregor : cette accumulation de sentiments négatifs et de circonstances atténuantes inscrit bien La Métamorphose dans le cauchemardesque.
Avec Le Verdict, les deux mêmes éléments – l’évènement absurde et les rapports violents avec la famille et en particulier le père – rappellent le cauchemar. En effet, le retournement de situation marqué par les accusations soudaines et incompréhensibles lancées par le père forme un élément cauchemardesque notamment car il est inattendu : quelques lignes plus tôt seulement, tout semblait aller bien. Cependant, à la fin de la nouvelle, son père condamne Georg à mourir noyé. Ce verdict, si brutal et si soudain, et la mort du protagoniste survenue en quelques lignes à peine, comme sortie de nulle part, semblent presque irréels, nous ramenant ainsi au rêve – ou, dans ce cas-ci, au cauchemar – : en une page, le père a condamné son fils à mourir noyé et ce dernier est donc décédé. De plus, une fois la sentence énoncée, Gregor se sent comme poussé par une force supérieure vers sa mort : « Il jaillit du porche et bondit sur la chaussée, irrémédiablement poussé vers l’eau. » Cette nouvelle référence rajoute une impression d’irréel, de rêve et inscrit une nouvelle fois l’œuvre dans une dimension cauchemardesque.
On remarque également que dans les deux cas le réveil ne délivre pas du cauchemar, au contraire, il en marque le commencement : dans La Métamorphose, c’est au réveil que Gregor découvre sa forme monstrueuse, ce qui marquera le début des mésaventures qui ne se termineront que par la mort de ce dernier; dans Le Verdict, le « réveil » est la réalisation de la dégradation de l’état du père, et cette réalisation elle aussi marque bien le début des accusations lancées par le père qui, elles aussi, finiront par la mort du protagoniste. Dans les deux cas le décès du personnage marque la fin du cauchemar – elle s’apparente donc au réveil naturel. Cependant, ce « réveil » n’apporte aucune satisfaction ; il est troublant, étrange : dans Le Verdict, il est si soudain que le lecteur en est étonné, il a du mal à y croire. Dans les deux œuvres, la mort du personnage est déroutante puisqu’elle est voulue par sa famille. Tous ces éléments contribuent donc à créer une atmosphère cauchemardesque au sein des deux nouvelles.
Ainsi, on observe que Le Verdict et La Métamorphose correspondent parfaitement à la définition donnée d’une œuvre kafkaïenne ; les éléments d’oppression, d’absurdité et de cauchemar se retrouvent dans les deux œuvres notamment à travers les évènements et situations auxquelles sont confrontés les personnages ainsi que les relations complexes et empreintes de violences qui lient les protagonistes à leur famille et en particulier au père.
Ces éléments, si caractéristiques d’œuvres kafkaïennes se retrouvent donc dans de nombreuses autres œuvres de Franz Kafka : ainsi, dans la Lettre au père on retrouve la relation difficile de l’auteur avec la figure paternelle, si semblable à celle entre les personnages créés par l’écrivain, et dans Le Château on retrouve l’aspect absurde et cauchemardesque des deux nouvelles étudiées à travers les nombreux malentendus et l’absence de solutions aux problèmes de K., le protagoniste.
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