Commentaire, Incipit, Lorsque j'étais une oeuvre d'art, Schmitt.
Par Stella0400 • 29 Mai 2018 • 1 473 Mots (6 Pages) • 2 468 Vues
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L'auteur crée donc un fort contraste entre le paysage extérieur de la scène et le « paysage intérieur » du narrateur, contraste renforcé par un recours à l'humour noir, très présent tout au long de ce passage.
- L'humour noir :
[Brève parenthèse, un peu de culture générale : L'humour noir est une forme d'humour qui use de l'amertume, de la cruauté, voire du désespoir pour souligner les aspects injustes, cruels et absurdes du monde. Il se construit en évoquant des choses considérées comme horribles ou immorales avec beaucoup de détachement comme si l'on parlait de la pluie et du beau temps. Le principe est d'établir un décalage entre l'aspect tragique de ce dont on parle et la façon de le dire. Ce décalage va surprendre l'auditoire et l'amener à s'interroger, à travers le sujet abordé, sur le monde d'un point de vue beaucoup large.]
Une scène de suicide est sensée être hautement tragique. Pourtant, en lisant ce passage, on ne croit à aucun moment que le narrateur va vraiment se tuer, et pas seulement parce qu'il est toujours là pour nous raconter ce qui lui est arrivé. L'auteur prend soin de désamorcer le tragique de la situation en égrenant tout au long de son texte des pointes d'humour noir.
- Un ton particulièrement cynique
Dès le début du texte, le narrateur adopte un ton particulièrement cynique et désabusé à travers une formule percutante qui pourrait rappeler l'entame d'un sketch : « J'ai toujours tout raté, pour être exact : ma vie comme mes suicides ». Ce ton cynique et désabusé se retrouve dans d'autres passages du texte où le narrateur définit sa personnalité : « Tous les dons m'auront été épargnés sauf la lucidité », « j'avais été conçu par négligence, j'étais né par expulsion, j'avais grandi par programmation génétique ».
Ce sens de la formule brève et sombre qui caractérise souvent l'humour noir se manifeste également dans des passages comme « Le suicide, c'est comme le parachutisme, le premier saut reste le meilleur », qui prend la forme d'un aphorisme ou « La falaise de Palomba Sol (…) offrait aux corps qui s'y jetaient au moins trois occasions très sûres de devenir des cadavres » qui parodie un langage technique et documentaire.
- Le contraste entre pessimisme et dynamisme du héros
Mais le ressort principal de l'humour noir dans ce passage est la création d'un paradoxe entre ce qui est censé représenter les dernières minutes de la vie du héros et tout un vocabulaire de l'accomplissement personnel, de la volonté et de la motivation. On relèvera : « Il est temps d'insuffler un peu de volonté à mon destin. La vie, j'en ai hérité ; la mort, je me la donnerai ! » p.5, « Ici, j'allais pouvoir m'épanouir », p.6, « Depuis des millénaires, on ne s'y ratait pas. J'y venais donc plein d'espoir. », p.6 « Du nerf ! De l'entrain ! », p.7.
- La pointe de comique
On notera que l'humour noir vire également au comique de situation lorsque le narrateur évoque ses tentatives de suicide passées, p.6 : le grotesque des situations rappelle les gags de films comiques muets de Harold Lloyd, Buster Keaton ou Charlie Chaplin.
Conclusion :
L'incipit de ce roman est très déstabilisant, il nous donne à voir une scène faussement tragique au lyrisme désabusé, dans laquelle le personnage finit par apparaître ridicule. Le contraste entre la platitude de son caractère, l'insignifiance de sa personnalité, et le paysage grandiose qui l'entoure y est, bien entendu, pour beaucoup. L'auteur prend de façon évidente le parti de renforcer ce ridicule en usant de l'humour noir à de nombreuses reprises. Dans la suite de ce chapitre, l'ambiance, avec l'entrée en scène de l'énigmatique Zeus-Peter Lama, prendra une tournure fantastique qui perturbera encore plus le lecteur.
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